Un coureur syrien surmonte les obstacles pour triompher au Liban

Un ancien champion national de course d'obstacles remporte de grand succès en exil, déjouant tous les pronostics et prouvant qu'« être réfugié ne rend pas invisible. »

Ibrahim Kweich (en bleu), coureur syrien de course d'obstacles, en attente à la ligne de départ de la course Puma Hannibal 2018 dans la ville côtière de Byblos, au Liban.
© HCR/Adeeb Farhat

Ibrahim Kweich se tient prêt sur la ligne de départ en se préparant mentalement à l'épuisante course d'obstacles qui l’attend. Il n'y a pas que son intense esprit de compétition qui l’anime pour finir la plus rude épreuve d'endurance du Liban devant les centaines d'autres athlètes à ses côtés.


Ancien champion national de course d'obstacles, ce jeune Syrien de 24 ans a fui le conflit dans sa ville natale de Deir Ez-Zor en 2014 et s'est installé comme réfugié à Beyrouth, la capitale du Liban, avec sa femme et leur petite fille.

Chaque fois qu'il participe à une course, il y voit une occasion de montrer son talent et de prouver que les réfugiés peuvent réaliser tout ce pour lequel ils sont déterminés.

« Cette course est importante pour moi parce qu'elle me donne de la visibilité, à moi comme à tous les autres réfugiés syriens au Liban », dit-il. « Elle prouve que nous ne sommes pas marginalisés et que nous pouvons faire notre part. »

« Être réfugié ne rend pas invisible. »

Quand il est arrivé à Beyrouth, la course a dû passer à l'arrière-plan parce qu'il fallait trouver du travail pour faire vivre sa famille. C'est un collègue libanais de l'entreprise de construction où il avait été embauché qui l'a encouragé à reprendre la compétition et il n'a pas fallu longtemps avant qu'il commence à accumuler les médailles.

En 2007, Ibrahim a remporté la course Hannibal au Liban, une épreuve exténuante de six kilomètres sur un terrain boueux que les athlètes doivent parcourir en courant, en escaladant, en nageant et en rampant pour passer les différents obstacles menant à la ligne d'arrivée. La même année, il est arrivé deuxième pour son groupe d'âge au marathon de Beyrouth et troisième de sa catégorie dans la même course en 2018.

Ses résultats sont impressionnants à tous les égards, d'autant qu'il vit dans l'un des quartiers les plus pauvres de la ville et qu'il parvient à se maintenir dans une forme exceptionnelle avec le strict minimum comme structures d'entraînement.

Durant la dernière course Hannibal tenue à la fin de l'année dernière dans la ville antique de Byblos, à une quarantaine de kilomètres au nord de la capitale, la première place lui a échappé de justesse alors qu'il était en tête pendant une bonne partie de la course. Bien que déçu, il s'est consolé en se disant que le gagnant était un autre réfugié syrien.

« Je suis très heureux. J'aurais pu arriver premier, mais c'était une course vraiment dure », a-t-il déclaré après avoir passé la ligne d'arrivée, encore essoufflé et dégoulinant de boue et de sueur.

Après la course, Ibrahim a hâte de rentrer dans son appartement délabré de Beyrouth pour montrer son trophée de finaliste à son plus fervent supporter, sa fille Omama, un rituel familial désormais bien établi.

« Quand j'arrive chez moi, je cache le trophée derrière moi et j'appelle Omama », dit-il. « Quand elle le voit, elle est folle de joie et elle essaye de l'attraper. Elle le garde contre elle toute la journée. »

Bien que la course vienne à peine d'avoir lieu, Ibrahim pense déjà à l'avenir et commence à se fixer des objectifs. Il aspire à participer aux championnats mondiaux de course d'obstacles avant de retourner un jour en Syrie pour y promouvoir cette discipline.

« Être réfugié ne rend pas invisible », dit-il. « Nous sommes là et nous avons des rêves. »