Le pouvoir de l'amour : Des réfugiés LGBTI trouvent l'amour au-delà des frontières
Forcés de fuir leurs foyers, quatre réfugiés LGBTI soignent leurs blessures par l'amour.
« Nous devrions avoir le droit d'être qui nous sommes, libres et en sécurité. »
© HCR/Pablo Villagran
Peu de temps après que la police découvre le corps de son amie, violée et tuée pour avoir révélé son homosexualité, Maritza a appris que ce serait son tour ensuite.
« Maman m’a appelée un jour en pleurs », se rappelle Maritza, 48 ans. Des hommes lui avaient pointé un revolver sur la tempe en lui disant que sa fille y passerait aussi. « Elle m'a dit de fuir au plus vite. »
La dernière fois qu'elle a vu sa maison au Honduras, c'était en 2008 à travers le hublot de l'avion qui l'emmenait en Espagne.
Aujourd'hui, plus de 10 ans après, Maritza est enfin en sécurité en tant que réfugiée et a trouvé l'amour avec sa partenaire Jenny à Barcelone. Les deux femmes se sont rencontrées en ligne en 2015 à une époque où Maritza était au bord du gouffre. Depuis, elles ont tissé une relation indissoluble et monté une entreprise : un salon de tatouage qui porte le nom de sa compagne assassinée au Honduras.
« Je suis en sécurité ici », dit Maritza. « J'ai mon entreprise, j'ai mon amour. Sans amour, on ne peut pas vivre. Je ne crois pas que j'aurais pu construire tout ça par moi-même. »
Un nombre croissant de personnes LGBTI fuient la violence ou la persécution à travers le monde. Selon l’Association internationale des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans et intersexes, 73 pays continuent de criminaliser les relations entre personnes de même sexe et cinq les punissent de la peine de mort. Même en sécurité, de nombreux réfugiés LGBTI ont du mal à trouver le soutien dont ils ont besoin.
Certains d'entre eux, comme Maritza, ont découvert que l'amour peut leur apporter la force de guérir et de se reconstruire.
« J'allais très mal quand Jenny m'a trouvée », dit-elle. « J'étais en dépression et je vivais dans un foyer pour sans-abris. Je voulais rencontrer quelqu'un, mais je voulais aussi que l'on ait besoin de moi. Lorsque nous nous sommes rencontrées, je l'ai vue sourire et elle m'a plu immédiatement. Nous avons été d'un grand soutien l'une pour l'autre. J'aurais aimé qu'on se rencontre 20 ans plus tôt. »
Le ronronnement tranquille de son aiguille de tatoueuse ne laisse rien présager de son douloureux passé au Honduras.
« Ma mère était prostituée et je ne voyais quasiment jamais mon père. J'ai grandi avec différentes personnes. À neuf ans, je suis allée vivre chez mon parrain qui a abusé de moi sexuellement, physiquement et mentalement. Je retournais tout le temps à la capitale pour voir ma mère. Elle m'achetait des cadeaux, des montres en or, des tennis Nike… J'étais la plus riche de l'école. Mais je n'étais jamais à la maison parce que je me faisais abuser là-bas. Je menais une double vie. »
« Nous avons été d'un grand soutien l'une pour l'autre. J'aurais aimé qu'on se rencontre 20 ans plus tôt. »
À 17 ans, Maritza est partie pour les États-Unis où elle a trouvé du travail. Lorsqu'elle est revenue au Honduras en 2004, elle savait qu'elle était homosexuelle.
« C'était horrible », dit Maritza. « Je suis devenue institutrice, mais ils m'ont licenciée quand ils se sont rendu compte que j'étais lesbienne. Je savais que la directrice m'avait vue avec mon amie parce qu'elle était passée devant nous en voiture à deux reprises. J'étais vraiment en colère. J'ai commencé à militer quand mon amie a reçu 22 coups de couteau. Au Honduras, les homosexuels n'ont pas la vie facile. On est constamment victimes de discrimination. Je ne pourrai jamais retourner là-bas. »
Même après avoir fui leurs foyers, les réfugiés LGBTI peuvent rester la cible d'attaques, que ce soit en déplacement ou dans leur pays d'asile. Nombre d'entre eux cherchent à dissimuler leur orientation ou leur identité sexuelle pour se mettre à l'abri des abus, ce qui ne facilite pas le travail des agences humanitaires telles que le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, qui a du mal à les identifier et à les soutenir.
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Samer* et Fadi* sont encore en souffrance, même aujourd'hui où ils sont demandeurs d'asile. Ce couple de Syriens a pris la fuite quand le frère de Samer a menacé de tuer Fadi. Depuis lors, ils ont été contraints de déménager six fois de suite pour lui échapper.
Même aujourd'hui, les deux hommes ont peur de dire où ils habitent.
« Nous avons planifié notre fuite pendant un an », dit Samer, 28 ans. « Nous n'avions pas d'argent, rien du tout, alors nous avons essayé d'économiser. Notre expérience de l'exil n'a rien de ce que nous espérions. La peur n'a pas disparu, les menaces non plus et nous vivons toujours dans la crainte. Vivre ici, ça a été difficile. Il y a tant de discrimination contre nous les Syriens qu'il nous a même été difficile d'intégrer la communauté LGBT. On se sent différents. »
Fadi et Samer espèrent être réinstallés dans un pays où ils seront en sécurité. Et malgré les menaces et la peur, l'amour qu'ils partagent leur donne la force nécessaire pour continuer d'avancer.
« J'ai tout abandonné pour être avec lui », dit Fadi, 24 ans. « C'est mon droit de vivre avec la personne que j'aime sans que quiconque me demande ce qui se passe et pourquoi. Je veux être libre et vivre une vie normale. Je l'aime tant. Il me rend plus fort. »
Samer, qui a déjà empêché Fadi de se suicider quand leurs familles ont tenté de les séparer, ne peut imaginer une existence sans son partenaire.
« Il est fort », dit-il. « S'il n'était pas fort, il ne serait pas ici aujourd'hui. »
« C'est mon droit de vivre avec la personne que j'aime sans que quiconque me demande ce qui se passe et pourquoi. »
Les réseaux d'entraide sont essentiels pour les réfugiés LGBTI qui ont souvent perdu le soutien de leurs familles et de leurs amis et sont vulnérables à la violence ou aux abus.
« Nous autres les humains, nous nous appuyons tous sur nos réseaux de soutien, que ce soit la famille, les amis ou des groupes communautaires et religieux », a déclaré l'an dernier le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Filippo Grandi. « Quand les gens fuient leurs foyers et leurs communautés, leurs réseaux d'entraide se fragilisent et s'écroulent et privés de protection, ils se retrouvent souvent bien plus à risque. »
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Pedro*, un militant transgenre de 25 ans, peut enfin envisager l'avenir depuis qu'il a fui le Salvador pour chercher asile au Guatemala.
« Au Salvador, c'est extrêmement difficile quand on est transgenre », dit Pedro. « Ma transidentité me mettait en danger. Des gangs voulaient que je vende de la drogue pour eux. Ils pensaient que parce que j'étais trans, je passerais inaperçu aux yeux de la police. J'ai refusé plusieurs fois jusqu'à ce qu'ils fassent irruption chez moi une nuit pour me menacer. Ils m'ont dit qu'ils me tueraient si je n'obéissais pas. Je ne voulais pas quitter mon pays, mais je ne pouvais pas rester dans un endroit où ma vie était en danger. »
Même si les LGBTI sont parfois soumis à de graves violences et à la discrimination au Guatemala, Pedro a trouvé la sécurité dans sa petite communauté.
« Ça a été un coup de foudre instantané », poursuit Pedro. « Grâce à elle, j'ai le sentiment d'être de nouveau engagé dans la vie. Ça fait presque un an maintenant que nous sortons ensemble. On adore aller dans les parcs du voisinage pour s'asseoir sur les racines des grands arbres et discuter. »
Pedro et son amie Lucia de 25 ans rayonnent de bonheur. Passionnés par les droits de l'homme, ils sont déterminés à continuer de se battre pour les autres.
« Si des LGBTI sont victimes d'abus ou de discrimination, c'est important de le signaler », dit Pedro. « On ne doit pas se taire quand des choses comme ça se produisent. La peur ne doit pas nous arrêter. Nous devrions avoir le droit d'être qui nous sommes, libres et en sécurité. »
« Nous devrions avoir le droit d'être qui nous sommes, libres et en sécurité. »
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Les réfugiés LGBTI ont aussi beaucoup à apporter.
Amani, 38 ans, a fui la Libye quand sa famille a découvert son homosexualité et menacé de faire fermer son entreprise. Les LGBTI peuvent devenir très vulnérables lorsqu'ils sont privés du soutien financier, social ou autre de leurs familles et de leurs communautés. Les lesbiennes sont particulièrement à risque dans les sociétés où les femmes ont un moindre statut social et économique.
Coupée de sa famille, Amani a demandé asile en Italie. Cette jeune entrepreneure a passé près d'un an dans un centre pour réfugiés et migrants, avec 60 autres femmes.
« J'étais triste et je passais mon temps à pleurer dans la chambre », se souvient-t-elle. « J'aurais voulu être seule, mais je la partageais avec trois autres filles. Il fallait faire attention à qui on parlait. Je me sentais isolée et je dissimulais mon identité parce que j'avais peur de me faire harceler. Après quelques mois, j'ai commencé à m'ouvrir à la personne qui s'occupait de mon dossier et je lui ai dit pourquoi j'étais là. »
Pour se rapprocher des gens, Amani a commencé à faire la cuisine pour les autres réfugiés et a fini par créer une entreprise sociale qui est toujours active aujourd'hui.
« Ce n'était qu'un petit projet », dit-elle. « Maintenant, l'entreprise est devenue énorme : nous cuisinons dans de nombreux centres. Ça me plaît parce que je peux discuter avec les gens, échanger des connaissances, des recettes de cuisine et de la musique. C'est un échange de cultures. »
Elle espère que sa toute récente initiative — un groupe d'entraide et de conseil pour les lesbiennes demandeuses d'asile en Italie — facilitera la vie de ces femmes qui fuient l’adversité dans leur pays d'origine.
« C'est comme si c'était ma mission », dit Amani. « Quand je suis arrivée ici, je n'ai trouvé personne pour m'aider. Peut-être qu'aujourd'hui nous pouvons faire quelque chose. »
Amani et sa partenaire Maria qui vit en Suisse se sont rencontrées l'an dernier à une réunion de bénévoles d'un organisme de bienfaisance. Contrainte de fuir la persécution politique au Chili avec sa famille à l'âge de quatre ans, Maria a trouvé en Amani une âme sœur.
« Quand je l'ai vue, je l'ai aimée sur-le-champ », se rappelle Maria dans un sourire. « Je ne pouvais pas croire que ces yeux magnifiques étaient réels »
« Nous sommes si différentes », ajoute Amani. « Mais nous avons beaucoup de choses en commun. Elle dit que je lui montre des choses dont elle n'aurait jamais imaginé l'existence, elle dit que je lui ouvre l'esprit. »
« Quand je l'ai vue, je l'ai aimée sur-le-champ. Je ne pouvais pas croire que ces yeux magnifiques étaient réels »
À une époque où plus de 68,5 millions de personnes ont fui leur foyer, l'amour n'a jamais été plus important, car il fait tomber les barrières et soude les communautés. L'amour a le pouvoir de rassembler les individus même lorsque le monde alentour se déchire et s'écroule.
Le HCR œuvre à travers le monde pour protéger les réfugiés et les demandeurs d'asile LGBTI. Mais les défis ne manquent pas et de nombreuses personnes risquent de passer inaperçues. Nous avons besoin de votre aide.
* Les noms ont été modifiés par souci de protection.