Le judoka congolais a gagné les coeurs parmi les communautés réfugiée et brésilienne du fait d’un parcours difficile et de son triomphe contre l’adversité.
RIO DE JANEIRO, Brésil – Lorsque l’image de Popole Misenga est apparue sur l’écran de télévision géant, la foule qui l’attendait a explosé de joie.
Des acclamations et des chants de soutien perçaient l’air lourd matinal au centre-ville de Rio de Janeiro.
« Allez Popole, allez Popole », scandait la foule à l’unisson.
Ce fut un spectacle à peine croyable pour le public du centre communautaire: un réfugié congolais compatriote vivant, comme eux, au Brésil participe aux Jeux Olympiques, le pinacle de la réussite sportive.
Tout au long de sa vie, Popole a continuellement déjoué les pronostics.
Pour eux, sa performance ne pouvait qu’être couronnée de succès. Sa participation elle-même représentait déjà une médaille d’or. Tout au long de sa vie, cet homme âgé de 24 ans et originaire de la République démocratique du Congo avait continuellement déjoué tous les pronostics. Il était déterminé à continuer dans cette voie. Cette partie était donc loin d’être terminée.
Vêtu d’un élégant kimono de judo bleu, il a salué son concurrent indien, Avtar Singh, plus expérimenté que lui. Un bref silence inquiet a parcouru le public du stade.
Dès le début du combat, Popole a déjoué avec succès les tentatives rusées de son adversaire pour prendre la main sur leur combat. Alors l’excitation a repris et le bruit a grandi crescendo.
Soudain, après un tourbillon de prises de judo successives et rapides, ce fut fini. Popole avait gagné. La foule de supporters était en liesse. Les enfants dansaient, les femmes pleuraient et ululaient, les hommes jouaient de la batterie et tout le monde s’embrassait.
« Je suis heureuse et ravie », a déclaré Christine Kamba, une jeune mère arrivée au Brésil il y a seulement 10 mois. « Je le connais, nous le connaissons tous. Il est notre ami. Il se bat pour nous tous. »
Popole est originaire de l’est de la République démocratique du Congo en proie au conflit. Il a gagné les 1/32 de finale puis il a été éliminé lors du combat suivant en 1/16 de finale face au champion du monde. Mais il était déjà entré dans l’histoire.
« Je pensais vraiment que personne ne m’acclamerait. Mais je me suis rendu compte que l’ensemble du Brésil me soutenait. Je suis ému. J’ai ressenti que je devais gagner ce premier combat. Et je l’ai gagné », a-t-il expliqué au HCR.
En fait, Popole est entré dans l’histoire deux fois en une semaine. Une fois, en tant que membre de la première équipe olympique d’athlètes réfugiés à participer aux Jeux olympiques. Et une deuxième fois, en tant que premier athlète réfugié olympique à progresser au-delà des premières séries.
« Pour le deuxième combat, j’étais confronté au champion du monde. Mais je serai de retour après les Jeux afin d’obtenir une médaille. Je vais revenir pour lutter contre ce champion et gagner le combat », a-t-il ajouté, tout en promettant de continuer l’entraînement : « Je suis très heureux. Mon nom figure déjà dans l’histoire de ces Jeux. Je veux continuer les matchs de judo. Je ne vais pas m’arrêter là. »
La plupart des habitants du centre ont eu peu de raisons de se réjouir au cours de leur vie. Ils ont fui les conflits et la persécution vers un avenir inconnu, ils ont perdu famille et amis et, parfois, l’espoir. Comme les réfugiés et d’autres personnes dans le monde entier, ils ont été gagnés par la liesse grâce à l’équipe olympique des athlètes réfugiés.
L’équipe des 10 athlètes réfugiés, établie par le Comité international olympique avec le soutien de l’Agence des réfugiés des Nations Unies, le HCR, a gagné des admirateurs à travers le monde – non seulement pour donner une chance au plus haut niveau à une population silencieuse, mais aussi en tant que symbole d’espoir et de triomphe contre l’adversité.
Popole et sa compatriote Yolande Mabika, qui avait combattu un peu plus tôt mais qui a perdu son combat, étaient particulièrement importants pour cette foule. La plupart des quelque 1000 réfugiés congolais présents à Rio de Janeiro sont passés par ce centre de soutien, qui est géré par Caritas, un partenaire opérationnel du HCR.
« Ils ont tous des problèmes d’adaptation et de langue ainsi que des traumatismes à gérer. Alors nous faisons notre possible pour les aider. Nous répondons à leurs besoins essentiels et les aidons à se remettre sur pied », a déclaré Diogo Felix, employé de Caritas.
En 2013, Yolande et Popole étaient venus ensemble à Rio pour participer au Championnat du monde de judo. Leur entraîneur avait confisqué leurs passeports et leur donnait peu de nourriture – comme il le faisait à chaque compétition à l’étranger.
Ils en ont eu assez de toutes ces années d’abus et ils ont fui l’hôtel ensemble. Ils ont erré dans les rues pour chercher de l’aide. Ils sont finalement arrivés dans ce centre où ils ont trouvé des amis et un soutien. Alors leur vie a recommencé lentement.
« Nous sommes tous unis ici. Ils ont lutté aujourd’hui pour nous et pour tous les réfugiés. Ils ont montré ce qu’un réfugié peut accomplir », a déclaré Charly Kongo, 35 ans, qui a été l’un des premiers Congolais à arriver au centre il y a huit ans. Il travaille désormais dans un hôtel à Rio. « La vie est difficile, mais Caritas et le HCR m’ont aidé à me remettre sur pied ».
Popole est également populaire auprès des Brésiliens. De nombreux jeunes démunis s’identifient à lui et son histoire. Il a beaucoup ému quand il a éclaté en sanglots lors d’une conférence de presse la semaine dernière, en rappelant qu’il n’avait pas vu ses proches depuis plus de 18 ans – lorsqu’ils ont été séparés par la guerre et qu’il s’était caché tout seul dans une forêt pendant huit jours.
Son coach Geraldo Bernardes, qui est également entraîneur de l’équipe du Brésil, avait déclaré qu’il était fier de travailler pour aider l’équipe olympique des athlètes réfugiés.
« Il a quitté le stade avec une médaille sur sa poitrine. Et j’ai gagné une médaille d’or, une médaille d’or sociale… Le Brésil donne l’exemple, pour ces Jeux Olympiques, sur la façon de recevoir des personnes qui ont souffert et qui sont confrontées à des inégalités », a-t-il déclaré.