Aisha, une mère syrienne de quatre enfants, entoure ses épaules d’une couverture car le vent frappe contre les parois de la tente. Au dehors, la neige s’accumule, et bientôt la famille va se trouver à cours de nourriture. « Nous avons vraiment très peur de la tempête », dit-elle en frissonnant, alors qu’elle donne des fruits à ses enfants. « Mon époux doit monter sur le toit toutes les heures pour ôter la neige et je crains qu’il tombe! »
Baignée par la faible lueur orange d’un poêle à bois, Aisha, 36 ans, semble épuisée. Cela va faire le quatrième hiver qu’elle et sa famille passent loin de chez eux, et des tempêtes comme celle-ci ne font qu’ajouter à leur sentiment d’isolement et de désespoir. « Le HCR prend soin de nous en nous donnant des couvertures et des bâches, et le poêle est bien chaud—mais nous avons besoin de bois », dit-elle.
Dans moins d’une semaine, nous serons en 2015, et une violente tempête s’est abattue sur le Liban. De fortes chutes de neige et des vents glacés balaient les montagnes de la plaine de la Bekaa, bloquant les routes et coinçant des milliers de réfugiés. La température est en chute libre. Beaucoup de gens, déjà déplacés, tentent désespérément de protéger leurs abris contre le vent. Certains sont obligés de creuser un chemin pour sortir.
Il y a plus de 850 installations informelles de réfugiés dans la plaine de la Bekaa, établis dans des terrains vagues, des bâtiments désaffectés, des garages, des cabanes et sur des terres cultivables. Avec les vents violents qui secouent la région, des dizaines d’abris improvisés se sont effondrés. Le HCR et ses partenaires font de leur mieux pour fournir des couvertures, des bâches en plastique et des matériaux pour réparer les abris, mais il reste encore beaucoup à faire.
Hany, vingt ans, qui vit dans une tente sur le campement, voit que les gens commencent à paniquer. “Les gens ont peur lorsqu’il n’arrête pas de neiger, parce que les tentes ne tiendront pas sous ce poids,” dit-il, alors qu’une femme âgée passe devant lui en se traînant à travers le blizzard. Il regarde son téléphone mobile—sa bouffée d’oxygène vers le monde extérieur – qu’il utilise pour prendre des photos et les envoyer à ses amis. La batterie est à plat. “Nous n’avons plus d’électricité depuis hier.”
Près de 250 000 personnes vivant dans les bâtiments inachevés et les campements informels de la plaine de la Bekaa luttent contre des conditions de vie de plus en plus misérables. Mais les souffrances ne s’arrêtent pas là. Les réfugiés qui vivent sur le mont Liban, à Beyrouth et dans le nord et le sud du pays doivent également beaucoup lutter pour survivre.
La Jordanie doit aussi affronter des températures au-dessous de zéro. Au camp de réfugiés Za’atari, où environ 16 000 personnes (soit près de six pour cent des 80 000 résidents) vivent encore dans des tentes, la neige est arrivée, couvrant le paysage désertique d’un manteau blanc glacé.
Mais c’est peut-être l’après-tempête que les gens redoutent le plus, lorsque la neige fond et que les tentes sont inondées. Ils s’inquiètent également de l’accès à l’eau potable. Aujourd’hui, dans une région où plus de 3,3 millions de réfugiés sont venus pour fuir la guerre civile en Syrie, certains réalisent qu’ils risquent encore de perdre le peu de biens qu’ils étaient parvenus à sauver de leur précédente demeure.
Des efforts pour minimiser les dégâts sont en cours. Le HCR prépare, depuis octobre, des stocks d’urgence dans son programme d’hiver, et il distribue maintenant des bons de carburant, des couvertures, des poêles et de la nourriture.
Parmi la mosaïque créée par les abris dans le camp Za’atari en Jordanie, Shetta, 44 ans, est debout et regarde avec stupeur la bâche qui, hier encore, lui servait d’abri. Après une nuit de tempête, il attend dehors, dans le froid, qu’on l’aide à reconstruire sa tente.
Quelques mètres plus loin, Suleimane et son épouse Hasna, ont échappé de peu à la tragédie. Dans la nuit, leur tente s’est effondrée, et leurs 13 enfants étaient à l’intérieur. Hasna, qui a fui Damas avec sa famille deux ans auparavant, est encore visiblement sous le coup de l’émotion. « Le vent était trop fort et les enfants étaient terrifiés dans la tente », dit-elle d’une voix brisée. « Quand la tente s’est effondrée avec nous à l’intérieur, nous nous sommes précipités dehors vers la caravane d’un voisin, mais nous n’avons pas pu sauver nos biens. »
Le personnel de le HCR et ses partenaires travaillent jour et nuit, et ont installé une douzaine de centres de sécurité avec matelas, couvertures supplémentaires et beaucoup d’appareils de chauffage. Des centaines de personnes s’abritent dans les centres de sécurité; certains ont été envoyés à l’hôpital pour y être soignés.
Avec la neige, le vent violent et les conditions météorologiques glaciales qui continueront au cours des prochains jours, les réfugiés de la région auront bien peu de répit.
Par Kate Bond