Des réfugiées rohingyas font entendre leur voix au Bangladesh
Des femmes rohingyas assument des rôles-clé en tant que chefs de secteur, enseignantes et ouvrières sur des chantiers routiers au Bangladesh où elles ont trouvé refuge.
Tansima et Amira, deux réfugiées rohingyas, dans le camp de réfugiés de Kutupalong au Bangladesh, où elles sont élues chefs de secteur.
© HCR/Roger Arnold
Dans la salle de réunion bondée du bureau du responsable de camp, Tansima*, jeune réfugiée rohingya, lève la main pour prendre la parole au nom de sa communauté.
« Nous avons besoin de davantage d’éclairage de rue », explique Tansima, 28 ans, adjointe élue de l’un des chefs de secteur du plus vaste camp de réfugiés au monde où vivent 620 000 personnes dont plus de la moitié sont des femmes et des filles.
« Cela nous permettrait d'accéder plus facilement aux latrines et les boutiques pourraient rester ouvertes le soir », ajoute-t-elle.
Maintenue sous silence et dans l’incapacité d’exercer ses droits fondamentaux dans son pays d'origine, le Myanmar, Tansima fait partie d’un nombre croissant de réfugiées rohingyas qui assument des rôles importants, que ce soit en tant que représentantes communautaires élues, enseignantes, pompiers et même ouvrières sur des chantiers routiers au Bangladesh.
« Nous sommes les voix de notre communauté et nous nous exprimons en leur nom. »
Élue par ses voisins de secteur au sein du camp tentaculaire, cette mère de trois enfants va régulièrement à la rencontre des résidents de son quartier pour s'informer de leurs difficultés, qu'il s'agisse de l'accès aux distributions d'aide, de questions touchant aux services ou encore de terrains de jeux pour les enfants.
Aux côtés des autres élus de quartier, elle participe ensuite aux réunions organisées pour présenter les demandes des réfugiés aux autorités bangladaises qui administrent le camp et aux agences humanitaires qui appuient leur action.
« Nous sommes les voix de notre communauté et nous nous exprimons en leur nom face aux pouvoirs publics, aux partenaires de l'ONU et aux agences humanitaires pour nous assurer que leur voix soit entendue », dit-elle.
Environ 740 000 réfugiés rohingyas apatrides ont fui la répression meurtrière lancée contre eux en août 2017 dans l'État de Rakhine au nord du Myanmar, après des décennies de persécutions et de violences.
Le rôle de Tansima en tant que représentante de secteur - qui regroupe 6200 femmes, hommes et enfants - n'a plus rien à voir avec ce qu'elle était au Myanmar où elle n'a jamais eu la possibilité d'aller à l'école, de se déplacer librement, de trouver un emploi ou de se faire entendre.
« C'est une expérience nouvelle pour moi. Je suis respectée dans ma communauté, les gens écoutent mes conseils et au sein du comité, nous travaillons ensemble pour coordonner notre action », explique la jeune femme.
Sa journée commence de bonne heure avec la tournée des maisons de bambou aux toits bâchés qu'elle assure avec trois autres représentants de secteur. Il y a quatre élus par secteur, deux hommes et deux femmes. Tous sont des responsables respectés au sein de leur communauté, ils servent de médiateurs dans les violences conjugales et les querelles de famille et sensibilisent les résidents à des problèmes majeurs tels que la santé publique et la préparation aux situations d'urgence dans cette région très exposée aux catastrophes naturelles.
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À mesure qu'elle prend de l'assurance dans ce rôle, elle compte sur l'entier soutien de son mari, Selim. « Je suis d'accord pour que ma femme travaille et qu'elle s'efforce d’aider la communauté », dit-il. « Elle fait partie intégrante de notre famille et de notre communauté, pourquoi ne pourrait-elle pas travailler ? »
Le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, soutient activement la participation des femmes aux structures de gouvernance des camps du Bangladesh et à toute la gamme des activités qui s'y déroulent.
Parmi le nombre croissant de femmes qui assument des rôles-clé, il faut également citer Nur Begum, 20 ans, qui enseigne les deux premières classes du centre d'éducation informelle. Installé dans un bâtiment de deux étages, le centre est financé par le HCR et administré par la BRAC, une ONG bangladaise.
« Dans mon pays d'origine, je n'ai pas pu aller au-delà de la 10e à cause des restrictions de déplacement, mais j'avais de très bons résultats en birman et en maths. Aujourd'hui, j'aide les enfants en leur apportant un enseignement », dit Nur qui travaille avec des enseignantes bangladaises.
« J'aime transmettre mes connaissances et ici, c'est une autre expérience d'apprentissage pour moi. »
« J'aime transmettre mes connaissances et ici, c'est une autre expérience d'apprentissage pour moi, j'apprends l'anglais avec l’enseignante d'anglais », dit-elle.
Samia, 21 ans, est une éducatrice rohingya qui travaille avec elle au centre. Mariée et mère d'une petite d'un an, elle enseigne les maths et l'autonomie fonctionnelle. Même si les conditions restent extrêmement difficiles pour les réfugiés vivant dans le camp, elle peut au moins rêver d'un avenir pour ses enfants.
« Ce que je veux pour ma fille, c'est une bonne éducation », dit-elle.
Plus de 30 000 des réfugiées du camp sont chefs de famille. Pour nombre d'entre elles, comme Amira, il est capital de répondre aux besoins essentiels, pour elle comme pour ses proches.
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Comme une demi-douzaine d'autres ouvrières, cette jeune femme de 20 ans est employée à paver une route d'accès, niveler le sol, aménager les abords et transporter des pierres et des sacs de sable.
« Je suis heureuse et motivée », dit-elle en prenant une pause. « Ça me ramène un peu d'argent pour m'occuper de mon père qui est âgé et incapable de travailler et de mes jeunes sœurs. »
Le HCR est déterminé à montrer sa solidarité avec les femmes du camp en les aidant à assumer toute une gamme de rôles qui contribuent à leur autonomisation et transforme de sombres existences d'exilées en un chemin de vie valorisant.
*Les noms des réfugiées ont été modifiés à des fins de protection.