Une nuit en mer
Un pêcheur espagnol prend la décision fatidique de sauver des réfugiés en Méditerranée.
Par Zahra Mackaoui
3 octobre 2019
Une nuit en mer
Un pêcheur espagnol prend la décision fatidique de sauver des réfugiés en Méditerranée.
Par Zahra Mackaoui
3 octobre 2019
LA DÉCISION
Le destin a frappé à la porte de Pascual Durá une nuit sur son bateau de pêche, à 90 miles nautiques des côtes libyennes, sous la forme d’une question de vie ou de mort. C’est à ce moment qu’il a découvert qu’il avait un cœur compatissant, tout comme son père avant lui.
Le 22 novembre 2018, il était sur le pont du Nuestra Madre Loreto, un bateau de pêche espagnol. En tant que capitaine, Pascual montait la garde juste en dehors des eaux territoriales libyennes. À 20h35, il a aperçu des lumières sur l’eau. Tout en se rapprochant, il a vu un navire des garde-côtes libyens intercepter un canot pneumatique Zodiac chargé de migrants et de réfugiés.
Quand ils ont vu les garde-côtes, certains ont plongé par-dessus bord car ils avaient peur de repartir en détention en Libye plus qu’ils ne craignaient la haute mer de nuit.
Pascual aurait pu faire demi-tour et continuer à pêcher. Peu de personnes l’auraient su. Au lieu de quoi, il a arrêté le moteur et lancé des gilets de sauvetage et des cordes à la mer. Dans l’obscurité et la confusion, 12 personnes sont montées à bord et ont échappé à la mort.
LA DÉCISION
Le destin a frappé à la porte de Pascual Durá une nuit sur son bateau de pêche, à 90 miles nautiques des côtes libyennes, sous la forme d’une question de vie ou de mort. C’est à ce moment qu’il a découvert qu’il avait un cœur compatissant, tout comme son père avant lui.
Le 22 novembre 2018, il était sur le pont du Nuestra Madre Loreto, un bateau de pêche espagnol. En tant que capitaine, Pascual montait la garde juste en dehors des eaux territoriales libyennes. À 20h35, il a aperçu des lumières sur l’eau. Tout en se rapprochant, il a vu un navire des garde-côtes libyens intercepter un canot pneumatique Zodiac chargé de migrants et de réfugiés.
Quand ils ont vu les garde-côtes, certains ont plongé par-dessus bord car ils avaient peur de repartir en détention en Libye plus qu’ils ne craignaient la haute mer de nuit.
Pascual aurait pu faire demi-tour et continuer à pêcher. Peu de personnes l’auraient su. Au lieu de quoi, il a arrêté le moteur et lancé des gilets de sauvetage et des cordes à la mer. Dans l’obscurité et la confusion, 12 personnes sont montées à bord et ont échappé à la mort.
LE SAUVETAGE
Frank, un Nigérian qui ne savait même pas nager, était l’un de ces rescapés.
« Je serais mort… s’ils ne nous avaient pas secourus cette nuit-là », dit-il.
LE SAUVETAGE
Frank, un Nigérian qui ne savait même pas nager, était l’un de ces rescapés.
« Je serais mort… s’ils ne nous avaient pas secourus cette nuit-là », dit-il.
LES RÉFUGIÉS EN EUROPE
Ces dernières années, il y a eu beaucoup de tragédies et aussi des actes d’héroïsme en Méditerranée. Mais, alors que les gouvernements ont durci les règles régissant les bateaux privés et les navires humanitaires, des sauvetages comme celui qu’a réalisé Pascual deviennent moins fréquents.
D’après le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, plus de 1000 personnes sont mortes ou portées disparues cette année en mer Méditerranée.
Les navires de recherche et de sauvetage des ONG font l’objet de restrictions juridiques et logistiques de plus en plus sévères. A différents moments au cours de l’année écoulée, aucun bateau d’ONG n’a été mis à disposition en mer pour secourir les personnes en détresse, ce qui n’a pas été le cas l’an.
LES RÉFUGIÉS EN EUROPE
Ces dernières années, il y a eu beaucoup de tragédies et aussi des actes d’héroïsme en Méditerranée. Mais, alors que les gouvernements ont durci les règles régissant les bateaux privés et les navires humanitaires, des sauvetages comme celui qu’a réalisé Pascual deviennent moins fréquents.
D’après le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, plus de 1000 personnes sont mortes ou portées disparues cette année en mer Méditerranée.
Les navires de recherche et de sauvetage des ONG font l’objet de restrictions juridiques et logistiques de plus en plus sévères. A différents moments au cours de l’année écoulée, aucun bateau d’ONG n’a été mis à disposition en mer pour secourir les personnes en détresse, ce qui n’a pas été le cas l’an.
L’HISTOIRE DU PÈRE
L’héroïsme de Pascual est une histoire de famille. Son père, Pepe Durá, a sauvé 51 personnes au large des côtes maltaises en 2006 et une petite plaque le commémore à l’entrée du port de la petite ville de Santa Pola.
« Cet acte nous rappelle que les pêcheurs sont toujours les gentilshommes de la mer », peut-on lire sur la plaque.
Lorsqu’il était enfant, Pascal a grandi sur le pont du Nuestra Madre Loreto, long de 25 mètres, et il avait 16 ans au moment du sauvetage de son père. Il se souvient de la couverture médiatique pendant les huit jours où le bateau a été bloqué en mer, empêché de débarquer.
Quand le navire a finalement pu accoster en Espagne avec les migrants et les réfugiés, les membres d’équipage ont été félicités comme des héros locaux et ont reçu deux prix pour leur courage. Fin 2007, les bateaux de la famille Durá avaient réalisé deux autres sauvetages en mer, portant à près d’une centaine le total des personnes sauvées.
« Il a montré l’exemple… mais c’est aussi la chose la plus naturelle à faire », remarque Pascual depuis sa maison à Santa Pola. « C’est juste faire preuve d’humanité. »
L’HISTOIRE DU PÈRE
L’héroïsme de Pascual est une histoire de famille. Son père, Pepe Durá, a sauvé 51 personnes au large des côtes maltaises en 2006 et une petite plaque le commémore à l’entrée du port de la petite ville de Santa Pola.
« Cet acte nous rappelle que les pêcheurs sont toujours les gentilshommes de la mer », peut-on lire sur la plaque.
Lorsqu’il était enfant, Pascal a grandi sur le pont du Nuestra Madre Loreto, long de 25 mètres, et il avait 16 ans au moment du sauvetage de son père. Il se souvient de la couverture médiatique pendant les huit jours où le bateau a été bloqué en mer, empêché de débarquer.
Quand le navire a finalement pu accoster en Espagne avec les migrants et les réfugiés, les membres d’équipage ont été félicités comme des héros locaux et ont reçu deux prix pour leur courage. Fin 2007, les bateaux de la famille Durá avaient réalisé deux autres sauvetages en mer, portant à près d’une centaine le total des personnes sauvées.
« Il a montré l’exemple… mais c’est aussi la chose la plus naturelle à faire », remarque Pascual depuis sa maison à Santa Pola. « C’est juste faire preuve d’humanité. »
L’ÉPREUVE
Jusqu’à cette nuit de novembre dernier, Pascual supposait que l’histoire familiale avec les sauvetages de migrants était terminée. Quand les migrants étaient à bord, il a aussi pensé que leurs difficultés étaient finies. Pourtant, une nouvelle épreuve l’attendait.
L’Espagne, l’Italie et Malte ont refusé d’autoriser le navire à débarquer ses passagers. Pendant dix jours, le Nuestra Madre Loreto est resté bloqué en mer. Avec les vivres et le carburant diminuant et deux fois plus de personnes entassées sur le pont qu’en temps normal, les conditions de vie de l’équipage ont rapidement empiré.
Depuis Santa Pola, les parents et la communauté de Pascual suivaient les événements avec consternation. Ils étaient impuissants à intervenir, ce qui était particulièrement douloureux pour Pepe, qui voyait l’histoire se répéter mais cette fois pour son fils.
« C’était difficile de voir cela se reproduire… Il n’allait pas laisser ces gens mourir », explique Pepe.
LE RETOUR
Après dix jours à bord du bateau de pêche de Pascual, les 12 survivants ont finalement été autorisés à débarquer à Malte, puis transférés en Espagne. Lorsque le Nuestra Madre Loreto est rentré à son port d’attache à Santa Pola, Pascual et son équipage – tout comme Pepe une douzaine d’années auparavant – a été célébré pour avoir sauvé des vies en mer.
Rafael Bonmati, le propriétaire d’un restaurant local, a déclaré : « Presque toute la ville est venue pour le recevoir… Il y avait de la musique et des tambours. La Mairie l’a remercié et a posé une plaque en son honneur. »
« On ne peut pas laisser des individus seuls dans la mer comme ça. Il faut les sauver. Ce sont des êtres humains », remarque Bonmati.
LES RETROUVAILLES
Des mois ont passé depuis cette nuit fatidique. Pascual est revenu à Santa Pola au sud de l’Espagne après une expédition de pêche de trois mois et son bateau avait besoin d’être réparé. La peinture s’écaillait et l’huile d’un treuil cassé couvrait le pont.
Deux des hommes qu’il avait sauvés, Frank. originaire du Nigéria, et Diop, originaire du Sénégal, lui ont rendu visite. Ils avaient été transférés dans un centre de réception à Madrid pendant l’examen de leur demande d’asile. Leur voyage périlleux et cette nuit de novembre ont laissé des cicatrices qui ont rendu les retrouvailles encore plus poignantes.
« Le voir me fait sentir… vivant. J’ai l’impression que j’ai quelqu’un derrière moi, comme une famille… qui souhaite aider ceux qui sont dans le besoin », a dit Frank.
LES RETROUVAILLES
Des mois ont passé depuis cette nuit fatidique. Pascual est revenu à Santa Pola au sud de l’Espagne après une expédition de pêche de trois mois et son bateau avait besoin d’être réparé. La peinture s’écaillait et l’huile d’un treuil cassé couvrait le pont.
Deux des hommes qu’il avait sauvés, Frank. originaire du Nigéria, et Diop, originaire du Sénégal, lui ont rendu visite. Ils avaient été transférés dans un centre de réception à Madrid pendant l’examen de leur demande d’asile. Leur voyage périlleux et cette nuit de novembre ont laissé des cicatrices qui ont rendu les retrouvailles encore plus poignantes.
« Le voir me fait sentir… vivant. J’ai l’impression que j’ai quelqu’un derrière moi, comme une famille… qui souhaite aider ceux qui sont dans le besoin », a dit Frank.
DE RETOUR EN MER
Pascual devait repartir pour une autre expédition en mer de trois mois. Les derniers jours sur la terre ferme sont les plus durs, dire au revoir à la famille et s’inquiéter de savoir si les nouvelles prises seront suffisantes. Il est aussi inquiet à l’idée de rencontrer d’autres personnes naufragées en mer, lui valant une nouvelle épreuve. Pourtant, sa décision est prise.
« Si cela arrive à nouveau, bien sûr, je referais la même chose un millier de fois. »
DE RETOUR EN MER
Pascual devait repartir pour une autre expédition en mer de trois mois. Les derniers jours sur la terre ferme sont les plus durs, dire au revoir à la famille et s’inquiéter de savoir si les nouvelles prises seront suffisantes. Il est aussi inquiet à l’idée de rencontrer d’autres personnes naufragées en mer, lui valant une nouvelle épreuve. Pourtant, sa décision est prise.
« Si cela arrive à nouveau, bien sûr, je referais la même chose un millier de fois. »