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Comité spécial de l'apatridie et des problèmes connexes, Compte rendu analytique de la vingt-troisième séance, tenue à Lake Success. New York, le vendredi 3 février 1950, à 10 heures 30

Publisher UN Ad Hoc Committee on Refugees and Stateless Persons
Author UN Economic and Social Council
Publication Date 10 February 1950
Citation / Document Symbol E/AC.32/SR.23
Cite as UN Ad Hoc Committee on Refugees and Stateless Persons, Comité spécial de l'apatridie et des problèmes connexes, Compte rendu analytique de la vingt-troisième séance, tenue à Lake Success. New York, le vendredi 3 février 1950, à 10 heures 30, 10 February 1950, E/AC.32/SR.23, available at: https://www.refworld.org/docid/3ae68c1f24.html [accessed 22 May 2023]

Président:

M. Leslie CHANCE

Canada

Présents:

M. CUVELIER

Belgique

 

M. GUERREIRO

Brésil

 

M. CHA

Chine

 

M. LARSEN

Danemark

 

M. DEVINAT

France

 

M. ROBINSON

Israël

 

M. KURAL

Turquie

 

Sir Leslie BRASS

Royaume-Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord

 

M. HENKIN

Etats-Unis d'Amérique

 

M. PEREZ PEROZO

Venezuela

Représentant d'une institution spécialisée

 

M. WEIS

Organisation internationale pour les réfugiés(OIR)

Consultants d'Organisations non gouvernementales

Catégorie A:

M. STOLZ

Fédération américaine du travail (AF OF L)

Catégorie B:

M. PERIZWEIG

Congrès Juif mondial

 

M. BERNSTEIN

Comité de coordination d'organisations juives

 

M. LEWIN

Organisation mondiale Agudas Israël

Secrétariat:

M. John HUMPHREY

Directeur de la Division des droits de l'homme

 

M. HOGAN

Secrétaire de la Commission

STATUT INTERNATIONAL DES REFUGIES ET APATRIDES: PROJET DE CONVENTION RELATIF AU STATUT DES REFUGIES (E/AC. 32/2,E/AC. 32/L.3)(suite)

Article 8 (suite)

1.     Le PRESIDENT rappelle que, lors de l'examen de l'article 8 relatif à la dispense de réciprocité, la décision a été remise à plus tard. Le moment est venu d'en revenir aux articles dont l'examen a été différé; aussi, le Président invite-t-il le Comité à reprendre la discussion de l'article 8 du projet de convention présenté par le Secrétariat (E/AC. 32/2) et de l'article 6 du projet de la France (E/AC.32/L.3).

2.     M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) rappelle qu'au moment où cet article a été examiné on s'est demandé s'il était nécessaire de prévoir une telle clause. Il explique que le principe de la réciprocité est généralement appliqué aux droits qu'un pays est disposé à accorder aux étrangers. Si l'on soumet de tels droits à la condition de réciprocité, c'est pour encourager les autres pays à appliquer un régime aussi libéral aux étrangers qui se trouvent sur le territoire, Il n'y a évidemment rien à gagner à appliquer le principe de la réciprocité aux droits des réfugiés; de plus, s'ils ne bénéficiaient pas d'une dispense de réciprocité, les réfugiés se trouveraient dans une situation d'infériorité injustifiée par rapport aux autres étrangers.

3.     Au cours du premier examen de cet article, le représentant d'Israël a soulevé la question de la place de cet article dans le projet de convention. M. Henkin reconnaît que l'article devrait porter sur l'ensemble du projet de convention et qu'il conviendrait, par conséquent, le de faire figurer à la fin du document.

4.     M. ROBINSON (Israël) est d'accord sur la nécessité d'insérer une clause de réciprocité dans la convention. Toutefois, il doute que le texte proposé par le Secrétariat soit entièrement satisfaisant. Il ne faut pas oublier que les droits et les privilèges accordés aux réfugiés en vertu du projet de convention, se divisent en trois catégories. Selon la nature du droit considéré, les réfugiés jouiront, soit du traitement accordé aux étrangers en général, soit du traitement dont bénéficient les ressortissants de la nation la plus favorisée, soit d'un traitement identique à celui des nationaux du pays d'accueil. A son avis, le principe ce la réciprocité doit nécessairement s'appliquer dans les trois cas. Il est donc indispensable que la convention comporte une clause prévoyant une dispense de réciprocité car, dans le cas contraire, l'ensemble du projet de convention serait sans effet. Toutefois, avant que le Comité se prononce sur le texte de cette clause, il devrait déterminer si la clause s'appliquera seulement aux droits énumérés dans le projet de convention ou si sa portée dépassera le cadre du projet de convention.

5.     M. Robinson demande, pour conclure, quel est le but de l'amendement que contient l'article 6 du projet de convention présenté par la France (E/AC.32/L.3).

6.     M. CHVELIER (Belgique) rappelle que le projet de la France contenait, à l'origine, une définition très générale du terme "réfugié". Le texte de l'article 6 a probablement été rédigé compte tenu de cette définition. Puisque le Comité n'a pas adopté la définition proposée par la France, l'amendement contenu dans l'article 6 n'a plus de raison d'âtre.

7.     M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) déclare, en réponse au représentant d'Israël, que la question de la réciprocité ne peut, à son avis, se poser que dans les cas où le réfugiés est appelé à jouir du même traitement que les étrangers en général. Le fait de spécifier, dans un article, qu'un réfugié doit jouir du même traitement que les nationaux du pays d'accueil sous-entend automatiquement qu'il ne peut être question de réciprocité. Cela est également vrai en ce qui concerne les articles qui établissent qu'un réfugié doit jouir d'un traitement analogue à celui qui est accordé aux nationaux de la nation la plus favorisée.

8.     En ce qui concerne la seconde question soulevée par le représentant d'Israël, M. Henkin considère que la clause de réciprocité devrait s'appliquer à tous les droits dont doivent bénéficier les réfugiés, et non pas seulement aux droits qui sont expressément énoncés dans le projet de convention.

9.     M. KURAL (Turquie) estime que l'article 8 ne doit viser que les droits qui ne sont pas déjà définis dans le projet de convention.

10.  M. WEIS (Organisation internationale pour les réfugiés) déclare que la clause de réciprocité est l'une des plus importantes de tout le projet de convention. A son avis, cette clause doit viser tant les droits définis dans le projet de convention que ceux qui n'y sont pas expressément énoncés. Il estime, comme le représentant des Etats-Unis, que la nécessité d'une clause prévoyant la dispense de réciprocité ne s'impose que dan les cas où il est prévu d'accorder aux réfugiés les même droits qu'aux étrangers en général.

11.  M. Weis rappelle que les Conventions antérieures relatives au statut des réfugiés contiennent une clause de réciprocité. Ci donc la nouvelle convention ne contenait pas une clause similaire, les réfugiés de date récente ne recevraient pas un traitement aussi favorable que celui dont jouissent les personnes reconnues comme réfugiés avant l'ouverture de la deuxième guerre mondiale.

12.  M. CUVELIER (Belgique) accepte en principe l'insertion d'une clause de réciprocité. Il souligne toutefois que les réfugiés ne sauraient bénéficier de la réciprocité de traitement dans les cas où le droit ou le privilège en question ne sont accordés qu'à la suite d'un accord international intervenu entre deux Etats. M. Cuvelier pense que l'article 8 ne vise que les lois et les règlements internes qui accordent un certain nombre de droits à tous les étrangers, sous réserve de réciprocité.

13.  M. HENKIN (Israël) propose que cette interprétation figure au procès-verbal et que cette proposition recueille l'assentiment du Comité.

15.  Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord), ne voit pas comment une clause de réciprocité pourrait être applicable sauf dans les cas où il s'agit d'accorder aux réfugiés le même traitement que celui dont jouissent les étrangers en général.

16.  Il reconnaît, comme le représentant de la Belgique, que la clause de réciprocité ne saurait viser les droits et privilèges qui seraient accordés en vertu d'un traité particulier entre deux Etats.

17.  Sir Leslie Brass rappelle que son Gouvernement et gouvernements n'ont pas été en mesure d'accepter la clause de réciprocité telle qu'elle figurait dans les Conventions de 1933 et 1938. Le principal obstacle à cette acceptation a été la portée très vaste de cette clause. Il se peut que son Gouvernement estime encore qu'il se trouve dans l'obligation de réserver sa position en ce qui concerne la clause de réciprocité, mais il acceptera volontiers de reexaminer sa position en tenant compte de la discussion qui vient de se dérouler. Par conséquent, Sir Leslie Brass n'est pas opposé à l'introduction d'une telle clause, mais il propose que le texte du Secrétariat soit remplacé par le texte suivant:

"Toutes les fois que des droits et des faveurs sont accordés à des étrangers en général sous condition de réciprocité, afin d'assurer l'octroi de droits et de faveurs équivalents aux ressortissants se trouvant à l'étranger, ces droits et des faveurs ne seront pas refusés aux réfugiés".

18.  M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) appuie ce texte tout en faisant remarquer que le but de la condition de réciprocité n'est généralement pas mentionné dans les lois de réciprocité.

19.  M. WEIS (Organisation internationale pour les réfugiés) craint que le texte proposé par le représentant du Royaume-Uni ne donne lieu à une interprétation plus restrictive que celui du Secrétariat. Il suggère la suppression des mots "se trouvant à l'étranger" (abroad) à la suite du mot "ressortissants".

20.  Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) accepte cette suggestion.

21.  M. KURAL (Turquie), tout en reconnaissant que, dans certains cas, la condition de réciprocité ne présente pas une grande importance, estime néanmoins qu'il y en a d'autres dans lesquels elle est d'une importance capitale. Il est d'avis qu'il convient de laisser une certaine latitude au Gouvernement du pays intéressé; il propose donc d'insérer les mots "Sauf lorsqu'il en est disposé autrement dans la présente convention" au début de l'article. Au cas où cette proposition ne serait pas acceptée, son Gouvernement se verrait dans l'obligation de réserver sa position en se qui concerne cet article.

22.  M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) craint que l'addition proposé par le représentant de la Turquie ne rende inopérante la clause tout entières.

23.  Le PRESIDENT déclare que le projet de convention doit exprimer le but que le Comité se propose d'atteindre – à savoir assurer aux réfugiés une situation meilleure et, en quelque sorte, privilégiée. Il lui semble que le texte proposé par le représentant du Royaume-Uni énonce, de manière précise, ce que les membres du Comité ont en vue; il les invite donc à l'accepter.

24.  M. WEIS (Organisation internationale pour les réfugiés) estime qu'il serait plus exact de dire qu'on envisage d'octroyer aux réfugiés, non pas une situation privilégiée, mais une situation correspondant à leur statut particulier. Il se demande si le texte proposé par Sir Leslie pourrait être amélioré en supprimant les mots "en général". Les Etats qui se trouveraient dans l'impossibilité d'accepter cette clause pourraient, le cas échéant, réserver leur position sur cette question dans le projet de convention.

25.  Le PRESIDENT estime que la proposition du représentant du l'OIR n'est pas acceptable. La clause toute entière vise à empêcher qu'on n'enlève d'une main aux réfugiés ce qu'on leur accorde de l'autre.

26.  M. CUVELIER (Belgique) déclare qu'il pourra accepter le projet du représentant du Royaume-Uni après en avoir examiné la traduction française dont il ne connaît pas encore les termes, et sous réserve d'un examen ultérieur du texte définitif de la clause par le Comité de rédaction.

Le Comité approuve le texte de l'article 8 proposé par le représentant du Royaume-Uni, sous réserve de modifications de rédaction.

27.  Le PRESIDENT annonce qu'il a acquiescé à la demande de M. Perlzweig du Congrès juif mondial de faire une déclaration devant le Comité.

28.  M. PERLZWEIG (Congrès juif mondial) rend hommage à l'oeuvre accomplie par le Comité en faveur des réfugiés.

29.  Il y a trois catégories de personnes dont le Comité devrait examiner le sort avec la plus grande bienveillance :a) les réfugiés, b) les apatrides de jure et c) les apatrides de facto.

30.  L'Organisation internationale des réfugiés, en collaboration avec les différents gouvernements, a fait d'excellent travail pour des centaines de milliers de réfugiés. Toutefois, la situation est différente en ce qui concerne les apatrides de l'une et l'autre catégories. Les apatrides de jure ont, au moins, la triste satisfaction de savoir qu'ils ne peuvent être déportés, étant donné qu'aucun pays ne consentirait à les recevoir. Les apatrides de facto se trouvent dans une situation très difficile et sont, de loin, les plus défavorisée.

31.  Il se peut qu'un très petit nombre de personnes appartenant à cette catégorie, dans l'espoir de retourner un jour dans leur pays d'origine à la suite d'un changement de régime, préfèrent conserver leur statut actuel; néanmoins, l'écrasante majorité des apatrides de facto n'éprouve aucun désir de ce genre et c'est pourquoi il conviendrait d'inviter les Gouvernements à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour faciliter l'assimilation de ces personnes. M. Perlzweig n'ignore pas que, dans la plupart des cas, ceci pose un problème de législation nationale qu'il est impossible de résoudre au moyen de mesures internationales. Il adjure néanmoins le Comité de se montres aussi généreux que possible à l'égard de ces personnes dont la détresse actuelle est généralement la conséquence de sacrifices désintéressés. Ces personnes ont besoin d'aide en ce qui concerne l'obtention de services consulaires et la naturalisation. Il leur est très souvent impossible d'obtenir du Gouvernement de leur pays d'origine les papiers qui leur sont nécessaires. Si l'on pouvait faire quelque chose à ce point d vue, cela présenterait pour eux un très grand intérêt.

32.  En ce qui concerne l'importante question de la déportation, M. Perlzweig fait remarquer qu'au Royaume-Uni, par exemple, il n'existe pas de recours judiciaire contre un arrêté de déportation, car le Ministre de l'intérieur a pouvoir discrétionnaire pour prendre ces arrêtés. M. Perlzweig se rend pleinement compte que le Ministre n'a fait usage de ce pouvoir que de façon très restreinte et avec la plus grande réserve, et qu'il a, en réalité, sauvé la vie de dizaines de milliers d'individus. S'il est absolument certain que le droit en question ne fera jamais l'objet d'abus au Royaume-Uni, il reste néanmoins choquant, en principe, qu'un réfugié ou un apatride puisse, en théorie tout au moins, faire l'objet d'une expulsion arbitraire sans que la loi lui accorde la moindre protection. Il conviendrait d'établir une procédure normale afin de remédier à cet état de choses.

33.  M. Perlzweig invite également le Comité à recommander que le projet de convention soit transmis directement à une conférence internationale spéciale et non à l'Assemblée générale, ce qui permettrait de gagner un temps précieux. Etant donné que l'Organisation internationale des réfugiés est sur le point de cesser de fonctionner, le facteur temps prend une importance essentielle.

34.  Le PRESIDENT assure au représentant du Congrès juif mondial que le Comité tiendra compte de ses observations.

Article 10 (E/AC.32/2)

35.  M. DEVINAT (France) dit que, pour les raisons déjà fournies par sa délégation, le Gouvernement de la France attache une grande importance à l'amendement qu'il a présenté (E/AC.32/L.3, art.8).

36.  M. KURAL (Turquie) appuie l'amendement de la France qui présente une grande importance pour certains pays, étant donné que ses incidences politiques sont considérables. S'il n'était pas incorporé au projet de convention, on rencontrerait de graves difficultés.

37.  M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) comprend parfaitement les préoccupations de certains pays, comme la Turquie et la France. Il hésite à s'opposer à l'inclusion de dispositions demandées par des pays que la question des réfugiés intéresse tout particulièrement, mais il votera néanmoins contre l'amendement de la France car, à son avis, il serait regrettable d'insérer dans un document des Nations Unies une clause interdisant l'activité politique- clause qui s'inspire d'une conception trop générale et imprécise.

38.  La disposition qui reconnaît le droit d'expulser les réfugiés pour violation de l'ordre public répond peut-être déjà aux intentions des représentants de la France et de la Turquie. Si l'expression "ordre public" manque également de précision et ne devrait pas être utilisée sans discernement, elle s'applique probablement à la plupart des cas que vise l'amendement de La France.

39.  Comme l'a déjà constaté M. Henkin, le projet d convention ne peut conférer de droits aux gouvernements. En l'absence d'une disposition spéciale, les gouvernements conserveront le droit de restreindre l'activité politique des réfugiés comme de tous les autres étrangers. D'autre part, l'insertion de la disposition proposée pourrait être interprétée comme un blanc-seing international donné à une restriction de cet ordre. Pareille interprétation n'est pas souhaitable; c'est pourquoi M. Hankin ne peut appuyer l'amendement de la France.

40.  Le PRESIDENT, parlant en qualité de représentant du Canada, partage entièrement l'opinion du représentant des Etats-Unis.

41.  M. ROBINSON (Israël) estime que l'article sur le droit d'association permet déjà, sans équivoque possible, d'atteindre les buts que vise l'amendement français. Sous sa forme actuelle, l'on pourrait croire que cet amendement établit une discrimination entre les réfugiés et les autres étrangers.

42.  M. KURAL (Turquie) affirme que l'article concernant le droit d'association n'est pas assez précis et que l'on pourrait croire qu'il accorde aux réfugiés le droit illimité d'exercer une activité politique. Il ne pense pas que l'article concernant le droit d'expulsion pourrait s'appliquer à toutes les questions qu'il a présentes à l'esprit. Il propose d'ajouter au projet du Secrétariat les mots "…et aux dispositions prises pour la protection de l'ordre public,", formule de compromis susceptible d'être acceptée par tous.

43.  M. CUVELIER (Belgique) propose une formule de compromis analogue.

44.  M. DEVINAT (France) déclare que l'amendement français ne doit pas être considéré comme une mesure discriminatoire contre les réfugiés, mais comme une mesure de sécurité. S'il est délicat de demander le retrait des droits d'un groupe d'individus, ceci est préférable que d'exposer ce même groupe, en l'occurrence les réfugiés, à la seule autre mesure possible, et du reste beaucoup plus rigoureuse: la déportation.

45.  M. LARSEN (Danemark) estime que l'article 10 est superflu dans n document juridique tel que le projet de convention, qui vise avant tout à assurer la protection du réfugié. Le premier paragraphe est inutile, puisqu'il s'applique à toutes catégories de personnes, qu'il s'agisse des ressortissants d'un Etat, d'étrangers en général ou de réfugiés, et qu'il n'est pas nécessaire de rappeler d'un Etat a le droit d'exiger que ceux qui résident sur son territoire se conforment à ses lois. Le paragraphe 2 du texte présenté par la délégation de la France introduit une disposition spéciale applicable aux réfugiés, ainsi rangés dans une catégorie distincte de celle des autres étrangers; c'est sanctionner en fait une discrimination à leur encontre. On peut considérer dangereuse pour l'Etat l'activité politique de tout groupe d'étrangers, qu'ils soient ou non réfugiés; en droit, l'Etat est toujours habilité à prendre les mesures nécessaires pour apporter des restrictions à cette activité. Dans ces conditions, M. Larsen propose la suppression intégrale de l'article 10.

46.  M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) fait également ressortir que rien dans le projet de convention n'interdit à un Etat d'exercer son autorité en ce qui concerne l'activité politique de ses résidents. En réponse à un point précédemment soulevé par le représentant de la Turquie, il remarque que l'expulsion n'est pas forcément le seul châtiment qu'on puisse infliger à ceux qui troublent l'ordre public. Pour les raisons que vient d'exposer le représentant du Danemark, M. Hankin se déclare favorable à la suppression de l'article 10.

47.  M. GURREIRO (Brésil) juge l'article en question quelque peu superflu. Son objection est toutefois d'ordre technique. Si certains Etats estiment que l'article 10 doit figurer dans le projet de convention, M. Guerreiro est prêt à l'accepter, sous l'une des formes amendées, suggérées par les représentants de la France, de la Belgique ou de la Turquie.

48.  De l'avis de M. CHA (Chine), le paragraphe 2 du texte présenté par la délégation de la France n'est nullement nécessaire. Rien dans le projet de convention ne peut être interprété comme apportant une dérogation au droit souverain qu'a tout Etat de restreindre l'activité politique sur son territoire. Par contre, M. Cha partage l'opinion du représentant de la Turquie: on doit mettre les réfugiés dans l'obligation de se conformer aux lois et règlements édictées par un Etat en vue du maintien de l'ordre public; la clause qui a trait à l'expulsion n'énonce que la plus sévère des mesures auxquelles peut recourir un Etat. En conséquence, M. Cha pencherait pour le maintien du paragraphe premier du texte de la délégation de la France, sous la forme amendée proposée par la Turquie, et il supprimerait le paragraphe 2.

49.  M. CUVELIER (Belgique) fait remarquer que la position adoptée par certains gouvernements vis-à-vis des étrangers en général, est essentiellement différente de leur attitude à l'égard des réfugiés. Demander à un ressortissant étranger de quitter un pays n'est pas trop difficile, mais il est souvent impossible, en pratique, d'expulser un réfugié. Des mesures différentes doivent être prises pour ces deux catégories de personnes. En outre, certains Etats ont appris par expérience que les ressortissants étrangers se livrent rarement à une activité politique, alors que c'est chose fréquente parmi les réfugiés. Il convient de maintenir le paragraphe 2 du texte de la délégation de la France, à titre d'avertissement donné aux réfugiés dans leur intérêt personnel.

50.  M. KURAL (Turquie) dit qu'une disposition similaire à celle énoncée au paragraphe 2 du texte proposé par la délégation de la France pour l'article 10 est précisément nécessaire pour limiter la portée de l'article 7, qui a trait au droit d'association. De plus, puisque le projet de convention sera le document définitif qui régira le statut des réfugiés, ceux-ci pourraient commodément l'invoquer et prétendre y trouver l'autorisation de se livrer à une activité politique indésirable. Tous les efforts possibles doivent être faits pour parer à ce danger.

51.  M. PEREZ PEROZO (Venezuela) note que l'article 7 ne s'applique pas à l'activité politique à laquelle un réfugié pourrait se livrer en dehors d'une association. Le représentant du Venezuela pense que le Comité doit aborder avec un esprit réaliste la question de fond que soulève l'article 10. Le paragraphe premier doit être interprété comme signifiant que les lois interdisant ou restreignant l'activité politique des étrangers en général sont également applicables aux réfugiés. Peut-être cette disposition peut-elle paraître inutile aux Etats qui n'apportent aucune restriction à l'activité politique, mais le maintien de cette clause, ainsi que l'adoption de l'amendement de la Turquie, donneraient satisfaction aux pays qui, eux, jugent nécessaire d'avertir les réfugiés qu'ils ne doivent pas se livrer à une activité de ce genre. M. Perez-Perozo partage à cet égard l'opinion du représentant du Brésil.

52.  Après avoir examiné divers amendements de rédaction, le Comité est invité à se prononcer sur un texte d'article 10 ainsi conçu:

"Les réfugiés doivent se conformer aux lois et règlements en vigueur, y compris les mesures prises en vue du maintien de l'ordre public".

L'article 10 ainsi amendé est provisoirement adopté.

53.  M. DEVINAT (France) réserve la position de son Gouvernement en ce qui concerne l'article 10.

54.  M. CUVELIER (Belgique) demande au Rapporteur de prendre acte que si l'article 10, dans le texte approuvé par le Comité, n'autorise pas l'Etat à restreindre l'activité politique des réfugiés, il ne doit cependant pas être interprété comme limitant son droit de le faire s'il le juge nécessaire.

Article 16 et 17(E/AC. 32/L.13)(suite)

55.  Le PRESIDENT rappelle qu'il a été procédé à une fusion des deux articles pour les mettre en harmonie avec la disposition correspondante du texte revisé de la Convention de l'Organisation internationale du travail sur les travailleurs migrants (E/AC. 32/L.9), et que la clause de cette dernière Convention qui porte sur les Etats fédératifs fera l'objet d'un examen séparé.

56.  A propos de l'alinéa b)du nouveau projet, M. STOLZ (Fédération américaine du Travail) réitère son objection: en certains pays, le système de sécurité sociale n'embrasse pas l'assurance contre les accidents; aussi préfère-t-il sur ce point le projet du Secrétariat.

57.  De plus, il estime que le sous-alinéa ii) devrait faire mention des accords mutuels conclus entre certains Etats en vue de sauvegarder les droits aux prestations acquis par les réfugiés. Par exemple, un réfugiés polonais, travaillant en France comme mineur, a droit, conformément à l'accord mutuel conclu à cet égard entre les deux Etats, aux prestations qu'il a acquises en Pologne comme en France.

58.  M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) dit que le sous-alinéa i) répond au point soulevé par M. Stolz. Les "arrangements appropriés", dont il est fait mention à cet alinéa, peuvent jouer au bénéfice ou au désavantage du réfugié, mais les droits acquis par le réfugié seraient sauvegardés, même en l'absence d'accords bilatéraux.

59.  M. CUVELIER (Belgique) partage l'opinion du représentant des Etats-Unis. Un mineur polonais, résidant en France, recevra normalement les prestations correspondantes aux droits accumulés dans les deux pays, en supposant qu'il y ait étroite collaboration des deux pays en ce qui concerne cette question d'assurances sociales. On ne peut, toutefois, compter qu'un réfugié qui refuse de reconnaître le Gouvernement de son pays d'origine puisse bénéficier des droits à prestations qu'il y avait acquis.

60.  Le PRESIDENT demande au représentant de la Fédération américaine du Travail de soumettre par écrit tous amendements qu'il souhaiterait voir apporter aux articles 16 et 17.

La séance est levée à 15 heures 10/2 a.m.

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