Tunisie : information sur la situation des minorités sexuelles, y compris le traitement que leur réservent la société et les autorités, les lois, la protection offerte par l'État et les services de soutien (2011-novembre 2013)
Publisher | Canada: Immigration and Refugee Board of Canada |
Publication Date | 14 November 2013 |
Citation / Document Symbol | TUN104642.F |
Related Document(s) | Tunisia: Situation of sexual minorities, including their treatment by society and the authorities, legislation, state protection and support services (2011-November 2013) |
Cite as | Canada: Immigration and Refugee Board of Canada, Tunisie : information sur la situation des minorités sexuelles, y compris le traitement que leur réservent la société et les autorités, les lois, la protection offerte par l'État et les services de soutien (2011-novembre 2013), 14 November 2013, TUN104642.F , available at: https://www.refworld.org/docid/52a841fe4.html [accessed 3 November 2019] |
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1. Aperçu
Selon les Country Reports on Human Rights Practices for 2012 publiés par le Département d'État des États-Unis, [traduction] « les relations sexuelles consenties entre personnes de même sexe ne sont pas illégales en soi »(20 mai 2013, 20). Toutefois, l'article 230 du Code pénal de la Tunisie énonce que la « sodomie [...] est punie de l'emprisonnement pendant trois ans »(Tunisie 2005). D'autres sources affirment que l'homosexualité est illégale (Uncut 27 mars 2012; Grazia 15 mars 2013).
Certaines sources signalent que l'homosexualité est un sujet « tabou » (Jeune Afrique 11 oct. 2013; Tunisia Live 10 févr. 2012; AFP 3 avr. 2013). Tunisia Live, une agence de presse indépendante qui offre une couverture de l'actualité tunisienne en anglais (Tunisia Live 20 juin 2012), affirme que l'existence de la communauté homosexuelle tunisienne est un sujet qui n'est pas souvent abordé (26 janv. 2012). Un article paru dans le magazine britannique Uncut signale que, en Tunisie, les personnes gays et lesbiennes sont souvent discrètes au sujet de leur orientation sexuelle (27 mars 2012). De plus, selon Jeune Afrique, les islamistes considèrent l'homosexualité comme « une maladie ou [...] une déviance de l'Occident »(11 oct. 2013). Pour sa part, Tunisia Live signale que la société tunisienne associe l'homosexualité à la pédophilie (26 janv. 2012).
1.1 Changements depuis la révolution de 2011
On peut lire dans un article de Gay Star News (GSN), un site international d'actualités, de divertissement et de voyage consacré à la communauté LGBT (15 janv. 2012), que, selon des [traduction] « personnes bien informées », la situation des personnes LGBT en Tunisie n'a pas changé depuis la révolution de janvier 2011 (1er mars 2012). Par contre, un article paru dans le magazine français Grazia signale que « la situation est bien plus tendue » depuis la révolution (15 mars 2013). Lors d'un entretien accordé à Grazia, la présidente de l'Association tunisienne de soutien des minorités (ATSM), une ONG tunisienne qui lutte contre l'homophobie et l'antisémitisme (AFP 9 janv. 2013), a dit qu'elle reçoit « "de plus en plus de témoignages de gays qui se font agresser, car, même s'ils sont discrets, les gens parlent autour d'eux et les dénoncent" » (Grazia 15 mars 2013). De même, un journaliste écrivant pour The Advocate, un magazine et site Internet consacré aux nouvelles et aux politiques touchant la communauté LGBT (HereMedia s.d.), signale que, selon des Tunisiens gays qu'il a rencontrés au pays, il y aurait eu depuis 2011 une augmentation du nombre d'arrestations de personnes qui auraient commis des actes homosexuels (The Advocate 4 déc. 2012).
Cependant, certaines sources signalent que la liberté de la presse se serait améliorée depuis la révolution (É.-U. 20 mai 2013, 20; Tunisia Live 26 janv. 2012; Uncut 27 mars 2012). D'après le rédacteur en chef du magazine électronique Gayday, le premier magazine LGBT de la Tunisie qui a été lancé en mars 2011, il aurait été [traduction] « difficile » de lancer une telle entreprise avant la révolution à cause de la censure (ibid.).
2. Attitudes et traitement réservé aux minorités sexuelles par les autorités
Plusieurs sources signalent qu'en 2012, le ministre des Droits de l'homme et de la Justice transitionnelle, Samir Dilou, a déclaré lors d'une entrevue télévisée que l'homosexualité est une [traduction] « perversion » qui doit être soignée à l'aide d'un traitement médical (É.-U. 20 mai 2013, 20; Tunisia Live 10 févr. 2012; GSN 1er mars 2012). Le ministre a également affirmé qu'exprimer son orientation sexuelle ne constitue pas un droit de la personne et que la liberté d'expression a des limites (ibid.; Tunisia Live 10 févr. 2012). Il aurait aussi condamné le magazine Gayday (GSN 1er mars 2012).
Diverses sources signalent que le gouvernement tunisien a rejeté la recommandation du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies de décriminaliser les actes homosexuels (ibid. 6 juin 2012; AFP 1er juin 2012; AI 20 sept. 2012). La recommandation avait été faite en 2012 lors de l'Examen périodique universel de la Tunisie (ibid.). Selon l'Agence France-Presse (AFP), le ministre des Droits de l'homme et de la Justice transitionnelle aurait expliqué que les recommandations rejetées n'étaient pas « "en harmonie avec la législation et la réalité de la société tunisienne" » (1er juin 2012).
Citée dans un article de l'AFP, la présidente de l'ATSM affirme qu'il est « rare que des gens soient arrêtés pour sodomie car cela suppose un flagrant délit » (AFP 3 avr. 2013). Elle précise que la loi sert plutôt « "de loi de réserve pour l'intimidation" » (ibid.). De même, la présidente du bureau tunisien d'Amnesty International, citée dans un article de Tunisia Live, a exprimé qu'à son avis, [traduction] « ces lois concernant les moeurs ne sont presque jamais appliquées » et qu'elles ne sont appliquées que pour des raisons politiques (19 avr. 2013). Selon le rédacteur en chef de Gayday, l'homophobie en Tunisie est utilisée comme une [traduction] « arme politique » (GSN 7 févr. 2012).
En avril 2013, le chef du parti libéral tunisien, décrit par l'AFP comme « un petit mouvement d'opposition » (AFP 3 avr. 2013), a été arrêté dans un hôtel pour acte de sodomie présumé (ibid.; GSN 23 avr. 2013; Tunisia Live 19 avr. 2013). Un avocat du chef du parti, interviewé par Tunisia Live, a affirmé que, sur ordre d'un juge, son client aurait été obligé de subir un examen rectal afin de « vérifier » s'il avait participé à un acte de sodomie (ibid.; GSN 23 avr. 2013). Selon GSN, des sites Internet pro-gouvernementaux ont été les premiers à révéler l'arrestation du chef de parti, en utilisant [traduction] « des descriptions extrêmement incendiaires et explicites [...] afin de discréditer son image publique et de l'humilier » (ibid.). La même source signale que le chef du parti était toujours détenu 25 jours après son arrestation (ibid.).
En janvier 2012, une vidéo, montrant en apparence le ministre de l'Intérieur en train d'avoir des relations sexuelles avec un autre homme en prison, a été diffusée sur Internet (France 24 19 janv. 2012; Le Monde 19 janv. 2012; GSN 7 févr. 2012). La vidéo aurait été filmée dans les années 1990 lorsque le ministre était en prison (ibid.; France 24 19 janv. 2012). Selon GSN, la vidéo a permis à l'opposition politique de profiter des sentiments homophobes de la société pour fustiger et discréditer le parti Ennahda (7 févr. 2012).
Amnesty International signale que, en avril 2012, un jeune homme a été condamné à quatre ans de prison pour « attaque contre une mosquée » et « atteinte à un rituel religieux » (23 avr. 2012). Le jeune homme aurait produit une vidéo dans laquelle il déclare avoir jeté le Coran dans la salle d'ablution de plusieurs mosquées parce qu'il s'oppose à l'islam et parce qu'il est laïc et gay et qu'il voudrait pouvoir se marier avec un homme (AI 23 avr. 2012). Amnesty International signale également que sa famille et son avocat ont affirmé qu'il était « mentalement instable » et qu'il a subi un traitement psychiatrique (ibid.). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a trouvé aucune autre information allant en ce sens.
2.1 Police et forces de sécurité
D'après le rédacteur en chef de Gayday, les personnes LGBT courent un risque [traduction] « constant » d'être arrêtées ou censurées (Tunisia Live 5 mars 2012). Selon les Country Reports for 2012, des agents de police auraient parfois [traduction] « harcelé » des personnes ouvertement homosexuelles et les auraient accusées de propager le VIH/SIDA; de plus, des membres des forces de sécurité auraient « continué à attaquer » des personnes perçues comme étant LGBT (20 mai 2013, 20). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a trouvé aucune autre information allant en ce sens.
Selon la présidente de l'ATSM, interviewée par Grazia, il n'y a pas de statistiques sur la fréquence des actes de violence contre les personnes LGBT, « d'abord parce que personne n'ose porter plainte, ensuite parce que la police étouffe ce genre d'affaires » (Grazia 15 mars 2013). La présidente de l'ATSM a également dit que son organisation a reçu un jeune homme qui aurait été « livré à la rage des détenus » dans une prison par des policiers à cause de son orientation sexuelle (ibid.).
3. Traitement réservé aux minorités sexuelles par la société
Selon les Country Reports for 2012, des personnes LGBT auraient été victimes de [traduction] « discrimination » (É.-U. 20 mai 2013, 20). Le rédacteur en chef de Gayday, cité dans un article de GSN, a dit qu'en raison de la loi, il court le risque perpétuel d'être arrêté ou d'être victime de chantage (3 mars 2012). Il a expliqué que, si son orientation sexuelle était révélée à ses parents ou à sa communauté, il pourrait être marginalisé et perdre le support familial et ses perspectives d'emploi (GSN 3 mars 2012). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a trouvé aucune autre information allant en ce sens.
Par ailleurs, le rédacteur en chef et un de ses amis auraient reçu des menaces de mort via Internet (ibid. 7 févr. 2012). Le site européen de nouvelles en ligne Pink News, qui se spécialise dans les nouvelles touchant les LGBT, signale également que le site Internet de Gayday a été piraté et vandalisé plusieurs fois et que ses comptes Facebook, Twitter et de messagerie en ligne ont aussi été piratés (15 mars 2012).
Certaines sources signalent que les locaux de l'ATSM ont été vandalisés et cambriolés en janvier 2013 (AFP 9 janv. 2013; GSN 14 janv. 2013). Selon l'ONG, les responsables étaient des membres d'un groupe militant pro-islamiste, lequel aurait des liens avec le parti au pouvoir, Ennahda (AFP 9 janv. 2013). La présidente de l'ATSM a affirmé avoir déjà reçu des menaces de la part de ce groupe militant avant que l'attaque n'ait lieu (ibid.).
En août 2012, un touriste italien gay a été tué à Hammamet (GSN 7 août 2012; Grazia 15 mars 2013). En octobre 2012, un ressortissant belge gay a été poignardé à mort dans la même ville (ibid.; Tunisie Focus 12 oct. 2012).
Selon Tunisia Live, lors d'une manifestation publique en janvier 2012, des manifestants ont appelé le gouvernement à mieux garantir les droits des minorités sexuelles (10 févr. 2012). Cependant, GSN signale que la manifestation, à laquelle presque 10 000 personnes ont participé, visait à promouvoir la défense de [traduction] « toutes les libertés », mais surtout la liberté d'expression (7 févr. 2012). La même source signale que la majorité de la communauté LGBT a ressenti que les manifestants ne défendaient pas leurs intérêts, et que certains manifestants portaient des pancartes avec des slogans homophobes (GSN 7 févr. 2012).
Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.
Références
The Advocate. 5 décembre 2012. Michael Lucas. « Op-ed: Gays in the New, Complicated Tunisia ». [Date de consultation : 24 oct. 2013]
Agence France-Presse (AFP). 3 avril 2013. « Tunisie : un avocat opposant incarcéré pour "sodomie" ». (Factiva)
_____. 9 janvier 2013. « Une ONG tunisienne accuse des militants pro-islamistes de l'avoir attaquée ». (Factiva)
_____. 1er juin 2012. « Tunis a rejeté 2 recommandations du Conseil des droits de l'Homme de l'ONU ». (Factiva)
Amnesty International (AI). 20 septembre 2012. « Tunisia: Amnesty International Regrets Rejection of Recommendations Regarding Decriminalization of Defamation, Non-discrimination Against Women and on the Basis of Sexual Orientation, and Abolition of the Death Penalty ». (MDE 30/009/2012) [Date de consultation : 24 oct. 2013]
_____. 23 avril 2012. « Tunisie. Les attaques contre la liberté d'expression se multiplient ». [Date de consultation : 8 nov. 2013]
États-Unis (É.-U.). 20 mai 2013. Department of State. « Tunisia ». Country Reports on Human Rights Practices for 2012. [Date de consultation : 24 oct. 2013]
France 24. 19 janvier 2012. « Vidéo Ali Larayedh : "Le retour de la porno-politique de Ben Ali" ». [Date de consultation : 4 nov. 2013]
Gay Star News (GSN). 23 avril 2013. Dan Littauer. « Tunisia: Liberal Leader Forced into Gay Anal Probe Test ». [Date de consultation : 25 oct. 2013]
_____. 14 janvier 2013. Dan Littauer. « Tunisia Militia Raids Pro-Gay Charity that Criticized Minister ». [Date de consultation : 25 oct. 2013]
_____. 7 août 2012. Dan Littauer. « Brutal Murder of Gay Italian in Tunisia ». [Date de consultation : 25 oct. 2013]
_____. 6 juin 2012. Dan Littauer. « Tunisia Rejects UN Call to Make Gay Sex Legal ». [Date de consultation : 25 oct. 2013]
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Grazia [Paris]. 15 mars 2013. Jean Berthelot. « Tunis plus très gay; témoignages ». (Factiva)
Heremedia. S.d. « Subscribe to OUT and The Advocate ». [Date de consultation : 8 nov. 2013]
Jeune Afrique. 11 octobre 2013. « Cinéma - Abdellatif Kechiche tel qu'en lui-même ». (Factiva)
Le Monde [Paris] avec AFP. 19 janvier 2012. « Tunisie : une vidéo scabreuse impliquant un ministre provoque l'indignation ». [Date de consultation : 4 nov. 2013]
Pink News. 15 mars 2012. « Tunisia Gay Magazine Hacked ». [Date de consultation : 4 nov. 2013]
Tunisie. 2005. Code pénal. [Date de consultation : 25 oct. 2013]
Tunisie Focus. 12 octobre 2012. « Un second crime en moins de trois mois : Un belge tué à Hammamet ». [Date de consultation :7 nov. 2013]
Tunisia Live [Tunis]. 19 avril 2013. « Politician Arrested for Sodomy Subjected to Invasive Examination ». [Date de consultation : 8 nov. 2013]
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_____. 5 mars 2012. Farah Samti. « Human Rights Minister refuses to Retract Homophobic Comments ». (Factiva)
_____. 10 février 2012. « Human Rights Minister's Remarks Spark Debate on Homophobia ». (Factiva)
_____. 26 janvier 2012. Farah Samti. « LGBT Community - a "Don't Ask Don't Tell" Situation ». (Factiva)
Uncut. 27 mars 2012. Afef Abrougui. « Gayday Magazine: Tunisia's First LGBT Magazine ». < [Date de consultation : 24 oct. 2013]
Autres sources consultées
Sources orales : Un représentant de l'Association tunisienne de soutien des minorités n'a pas pu fournir de renseignements. Les tentatives faites pour joindre des représentants des organisations suivantes ont été infructueuses : Association tunisienne de lutte contre les maladies sexuellement transmissible et le SIDA; GayTunisie.net; Tunisie Tolérance.
Sites Internet, y compris : Agence Tunis Afrique Presse; AllAfrica; Association tunisienne de lutte contre les maladies sexuellement transmissible et le SIDA; ecoi.net; GayTunisie.net; Huffington Post Maghreb; International Gay and Lesbian Human Rights Commission; International Lesbian, Gay, Bisexual, Trans and Intersex Association; LGBT Asylum News; Nations Unies - Haut-Commisariat aux droits de l'homme; La Presse; Le Temps; Radio France internationale; Shems FM.