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Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, Rapport annuel 2007 - Malaisie

Publisher International Federation for Human Rights
Author Organisation mondiale contre la torture; Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme
Publication Date 19 June 2008
Cite as International Federation for Human Rights, Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, Rapport annuel 2007 - Malaisie, 19 June 2008, available at: https://www.refworld.org/docid/486e052bc.html [accessed 7 June 2023]
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Contexte politique

Alors que l'année 2007 a marqué le 50e anniversaire de l'indépendance de la Malaisie, à l'occasion duquel le Gouvernement a souhaité mettre en avant son fort développement économique, aucun progrès significatif n'a été accompli en termes de protection et de promotion des droits de l'Homme. En particulier, les libertés d'expression et de réunion ont continué de se détériorer, le pouvoir judiciaire reste caractérisé par sa non indépendance, et le Gouvernement a poursuivi son utilisation des lois d'urgence qui mettent à mal les libertés fondamentales, en premier lieu desquelles la Loi sur la sécurité intérieure de 1960 (Internal Security Act – ISA), qui autorise des détentions sans jugement, et l'Ordonnance d'urgence (Emergency Ordinance – EO). Le nombre de morts en détention est également resté élevé en 2007 : en novembre 2007, l'ONG "SUARA Rakyat Malaysia" (SUARAM) dénombrait ainsi 10 morts en détention, sans qu'aucune enquête ait été ouverte à leur égard.

Par ailleurs, à son arrivée au pouvoir, en 2003, le Premier ministre Abdullah Badawi avait promis de lutter contre la corruption. Cependant, en 2007, plusieurs cas de corruption ont éclaté au grand jour, mais leurs auteurs n'ont pas été poursuivis en justice. Ainsi, des allégations de corruption ont été portées à l'encontre du Ministre adjoint à la Sécurité intérieure M. Johari Baharum, de l'inspecteur général de police M. Musa Hassan, et du chef du département d'enquête sur les crimes commerciaux M. Ramli Yusuff.

Les migrants et les réfugiés ont eux aussi continué de faire l'objet de grave violations de leurs droits de l'Homme. Ainsi, le Corps volontaire du peuple (Ikatan Relawan Rakyat – RELA), auquel de larges pouvoirs ont été confiés en 2005 afin d'arrêter les migrants et les réfugiés, a poursuivi ses raids à large échelle tout au long de l'année, malgré la surpopulation et la détérioration des conditions dans les camps de détention.

Entraves à la liberté d'expression et répression des cyberdissidents

Alors que les médias de masse continuent d'être contrôlés étroitement par le Gouvernement, l'année 2007 a vu déferler une vague de censure du Web et de harcèlement par les autorités à l'encontre des "cyberdissidents", qui ont fait l'objet d'arrestations arbitraires, d'interrogatoires policiers, quant ils n'ont pas été menacés d'être poursuivis en justice sur la base de l'ISA. Ainsi, le 24 juillet 2007, le Ministre délégué à la Justice, M. Nazri Abdul Aziz, a déclaré que le Gouvernement n'hésiterait pas à avoir recours à l'ISA, à la Loi sur la sédition de 1948 (1948 Sedition Act)1 et à la section 121b du Code pénal2 pour sanctionner les cyberdissidents qui aborderaient des "sujets trop sensibles". Or il est à craindre que cette répression s'accentue à l'approche des élections anticipées prévues début 2008. A titre d'exemple, M. Nathaniel Tan a été détenu pendant quatre jours en juillet 2007 pour avoir posté un lien sur son blog vers un site publiant une information qualifiée de "secret d'État", à propos d'une affaire de corruption impliquant M. Johari Baharum. Il encourt une peine maximale de sept ans de prison. Le journal anglophone New Straits Times, proche du parti au pouvoir, a par ailleurs décidé de mettre fin en août 2007 à la collaboration de Mme Zainah Anwar, militante des droits des femmes musulmanes et directrice exécutive de l'association Soeur en Islam (Sisters in Islam – SIS), dont la colonne abordait la question de l'égalité et de la justice pour les femmes musulmanes.3

Les organisations non gouvernementales ne sont pas non plus épargnées par des restrictions à leur liberté d'expression. Par exemple, le 15 mai 2007, dix copies d'un livre écrit par un membre du conseil d'administration de SUARAM, May 13: Declassified Documents of the Malaysian Riots of 1969, dénonçant la complicité de l'État lors des émeutes raciales du 13 mai 1969, ont été saisies par des agents du ministère de la Sécurité intérieure dans une librairie de Kuala Lumpur, pour "vérification".

La liberté de réunion pacifique assaillie de toutes parts

En 2007, le Gouvernement malaisien a mené une répression quasi systématique de toute manifestation publique remettant en cause la politique du Gouvernement, notamment en matière de droits de l'Homme, des rassemblements pacifiques ayant été à plusieurs reprises violemment dispersés par la police, qu'il s'agisse de manifestations liées au droit au logement, à la lutte contre l'impunité et la corruption ou encore aux droits de la minorité indienne.

Ainsi, une manifestation organisée le 25 novembre 2007 par la Force en action en faveur des droits des Hindous (Hindu Rights Action Force – HINDRAF) afin de protester contre les politiques gouvernementales marginalisant et discriminant la communauté indienne a été dispersée à l'aide de gaz lacrymogènes et de canons à eau. HINDRAF avait annoncé son intention de déposer un mémorandum à la Haute commission britannique de Kuala Lumpur afin de dénoncer l'exploitation des Indiens qui a résulté de l'oppression coloniale et postcoloniale. Plus de 400 manifestants ont été arrêtés, dont 99 ont été accusés de "participation à une réunion illégale" et d'"émeutes". En outre, après que, le 27 novembre 2007, le Premier ministre Abdullah Ahmad Badawi eut déclaré que l'ISA était susceptible d'être invoquée à l'encontre des manifestants qui avaient été arrêtés, cinq dirigeants d'HINDRAF ont été arrêtés le 13 décembre 2007 et poursuivis sur la base de la section 8(1) de l'ISA. De même, neuf avocats spécialisés dans la défense des droits de l'Homme ont été arrêtés le 9 décembre 2007 alors qu'ils tentaient de manifester afin de célébrer la Journée internationale des droits de l'Homme. Accusés de "participation à un rassemblement illégal" et "désobéissance aux ordres de la police" de se disperser, ils encourent jusqu'à deux ans et demi de prison.

Par ailleurs, bien qu'en mars 2007 la Commission des droits de l'Homme de Malaisie (Suruhanjaya Hak Asasi Manusia Malaysia – SUHAKAM) ait conclu, dans son rapport sur la répression violente d'une manifestation contre la hausse des prix du pétrole le 28 mai 2006 à Kuala Lumpur, plus connue sous le nom de "dimanche sanglant",4 que certains policiers devraient être poursuivis pénalement, aucune poursuite pénale n'avait été engagée fin 2007. D'autre part, le 9 novembre 2007, M. Siva Subramaniam, commissaire de la SUHAKAM, a déclaré que les organisateurs de la manifestation du 10 novembre 2007 auraient dû demander une autorisation auprès de la police, contredisant ainsi l'une des recommandations de la Commission selon laquelle "les manifestations pacifiques devraient être autorisées sans devoir effectuer des demandes de permis". En outre, le commissaire a par la suite affirmé que la police n'avait pas fait usage de la violence et avait agi de façon professionnelle lors de cette manifestation, malgré de nombreux témoignages selon lesquels la police aurait violemment dispersé la foule. Ultérieurement, la Commission a clarifié que cette déclaration ne reflétait que l'opinion personnelle du commissaire et non la position de la SUHAKAM eu égard à la liberté de réunion pacifique.

Entraves à l'encontre des défenseurs des droits économiques, sociaux et culturels

Absence de liberté d'association pour les défenseurs du droit au travail

Alors que le Congrès des syndicats de Malaisie (Malaysian Trade Union Congress – MTUC) a été accusé par le Ministre adjoint aux Ressources humaines, M. Abdul Rahman Bakar, d'être un "outil pour les partis de l'opposition", témoignant du climat difficile dans lequel opèrent les syndicats en Malaisie, la Chambre basse du Parlement (Dewan Rakyat) a adopté en août 2007 des amendements à deux lois sur le travail, la Loi sur les relations industrielles (Industrial Relations Act 1967) et la Loi sur les syndicats (Trade Unions Act 1958) qui, entre autres, rendent encore plus difficile la formation de syndicats. En décembre 2007, la Chambre haute (Dewan Negara) a à son tour adopté ces amendements, qui ont été approuvés par le Roi en janvier 2008.

Obstacles à la liberté de mouvement des défenseurs des droits des populations autochtones à Sarawak

Depuis une quinzaine d'année, 12 défenseurs des droits de l'Homme auraient fait l'objet d'obstacles à leur liberté de mouvement lorsqu'ils ont voulu entrer sur le territoire de Sarawak (île de Bornéo)5. Alors que la plupart de ces personnes n'ont pas été officiellement informées des raisons pour lesquelles elles faisaient l'objet de ces restrictions, elles ont découvert qu'elles avaient été placées sur cette "liste noire" en raison de leur engagement dans des "activités contre l'exploitation du bois". En outre, la plupart avaient pris part à la campagne contre le projet du barrage hydro-électrique de Bakun, à l'origine du déplacement forcé de près de 10 000 indigènes et de la détérioration considérable de l'environnement. Dernier exemple en date, le 23 août 2007, M. Kua Kia Soong, membre du conseil d'administration de SUARAM, s'est vu refuser l'entrée dans l'État de Sarawak, et reconduit à Kuala Lumpur. L'un des agents de l'immigration de Sarawak l'a informé qu'il était sur "la liste noire en raison de ses activités contre l'exploitation du bois". M. Kua Kia Soong est en effet un fervent opposant au projet du barrage de Bakun et avait également fait partie d'une mission d'enquête en 1999 sur les conditions des populations autochtones déplacées en 1998-1999.

L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme est un programme conjoint de l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH).


1 La Loi sur la sédition criminalise les discours "séditieux" jusqu'à trois ans de prison et/ou une amende de 5 000 ringgit (environ 1 044 euros).

2 La section 121b du Code pénal pénalise le crime de "guerre contre le Roi" de la peine de mort ou de la prison à vie.

3 Cf. Echange international de la liberté d'expression (International Freedom of Expression Exchange – IFEX), 17 août 2007.

4 Cf. rapport annuel 2006 de l'Observatoire.

5 Cf. SUARAM, Memorandum to SUHAKAM – 44 Years of Nationhood: Malaysians still denied the right to travel abroad and within our own country!, 14 septembre 2007.

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