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Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, Rapport annuel 2007 - Équateur

Publisher International Federation for Human Rights
Author Organisation mondiale contre la torture; Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme
Publication Date 19 June 2008
Cite as International Federation for Human Rights, Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, Rapport annuel 2007 - Équateur, 19 June 2008, available at: https://www.refworld.org/docid/486e0522c.html [accessed 7 June 2023]
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Contexte politique

L'accession, le 15 janvier 2007, de M. Rafael Correa à la présidence de la République, après qu'il eut remporté l'élection présidentielle du 26 novembre 2006, a fait naître l'espoir que son élection puisse mettre un terme à la grande instabilité politique qui règne dans le pays depuis 1997. En effet, entre 1997 et avril 2005, trois présidents ont été destitués et, en 2004 et 2005, l'Équateur a vécu une crise institutionnelle dramatique, le Parlement ayant décidé en décembre 2004, sous la pression du Gouvernement, de destituer tous les juges de la Cour suprême et de les remplacer par des juges à la solde du pouvoir. Cette décision, suivie de l'annulation irrégulière de poursuites contre trois anciens présidents destitués, avait soulevé l'indignation générale. La crise économique et l'aggravation de la pauvreté due à une libéralisation effrénée des institutions publiques avaient alors été à l'origine d'une révolte généralisée en avril 2005, entraînant la destitution du Président Gutiérrez le même mois.

Le Gouvernement de M. Rafael Correa a été porté à la fonction présidentielle sur un programme de réformes constitutionnelles, économiques et sociales et, dans cette perspective, le peuple équatorien s'est exprimé, le 15 avril 2007, en faveur d'une réforme de la Constitution et des institutions de l'État, en donnant les pleins pouvoirs à l'Assemblée constituante. Le 30 septembre 2007, les élections parlementaires ont donné 70 % de la formation de l'Assemblée en faveur du mouvement du Gouvernement. Désormais, les décisions doivent se prendre à la majorité simple et être ratifiées par référendum.

Cependant, en 2007, les populations autochtones sont restées les principales victimes de la répression et des violations des droits de l'Homme, en particulier dans les conflits qui les opposent aux compagnies multinationales d'exploitation minière et pétrolière. En effet, les principaux conflits sociaux sont alimentés par la mise en place de projets d'extraction (bois, pétrole et minéraux) dans les territoires autochtones et dans les zones naturelles protégées, sans consultation préalable des populations affectées par ces projets.

Campagne de discrédit et actes de représailles à l'encontre des défenseurs du droit à l'environnement

Cette année encore, des défenseurs des droits de l'Homme, des dirigeants communautaires et des écologistes qui ont dénoncé les politiques du Gouvernement et les effets néfastes des industries extractives ont été la cible de menaces et d'actes d'intimidation. Ceci a particulièrement été le cas des ONG environnementales, dont les dirigeants ont activement pris part à la protestation contre les activités extractives (minières, hydrocarbures, bois, etc.) réalisées par des entreprises privées, nationales et internationales, qui ont des effets néfastes pour l'environnement et les habitants des régions avoisinantes. Ainsi, le 1er décembre 2007, le Président Correa a affirmé lors d'une intervention publique sur la chaîne nationale que "les communautés qui protestent ne sont rien d'autre que des terroristes", que "quiconque s'oppose au développement du pays est un terroriste" et que les écologistes sont des "romantiques" qui "souhaitent déstabiliser le Gouvernement" et sont "les principaux ennemis de [son] projet". Le Président Correa a également annoncé une "tolérance zéro pour [les personnes] qui désire[nt] faire grève et générer le chaos" dans le but de "paralyser le développement du pays" et a promis que ces personnes seraient punies "avec toute la rigueur prévue par la loi". Il a de plus affirmé que le Gouvernement menait une enquête sur les personnes "qui se cachaient derrière [ces mouvements]". Ainsi, le Gouvernement aurait suggéré de façon officieuse qu'il allait mener une enquête sur l'organisation "Action écologique" (Acción Ecológica). Fin 2007, aucune poursuite à l'encontre de l'organisation n'était cependant officiellement connue.

Dans ce contexte, les défenseurs du droit à l'environnement font parfois l'objet d'agressions physiques, à l'exemple de M. Jaime Polivio Pérez Lucero, dirigeant d'une association de défense des petits agriculteurs dans la paroisse de García Moreno, qui a été menacé, le 4 août 2007, après s'être opposé à un projet d'exploitation d'une mine de cuivre dans la région d'Intag (province d'Imbabura). Les villageois s'inquiètent notamment des conséquences que le projet pourrait avoir sur l'environnement dans la région, une réserve naturelle où la plupart des habitants vivent de l'agriculture.

Criminalisation de la protestation sociale et poursuites judiciaires à l'encontre des défenseurs protestant contre les projets d'exploitation des ressources naturelles

Tout au long de l'année, l'absence de consultations préalables avec les communautés paysannes et autochtones a donné lieu à des mouvements de contestation pacifiques pour dénoncer l'impact des industries extractives sur l'environnement et les moyens de subsistance de la population. Ces manifestations ont été systématiquement réprimées par l'armée et la police, qui ont fait un usage excessif de la force. Ainsi, le 4 octobre 2007, l'armée a violemment dispersé une manifestation pacifique dans la paroisse de Tiguino, au sud d'Orellana (Amazonie équatorienne), qui réclamait à l'entreprise "Petrobell" des réparations après que l'eau du fleuve avoisinant eut été contaminée suite aux activités de forage de l'entreprise.

Par ailleurs, fin novembre 2007, les communautés de la paroisse de Dayuma (province d'Orellana) ont initié des protestations afin d'exiger du Gouvernement la réalisation des accords signés en 2005 avec l'entreprise étatique "Petroproducción"1 ainsi que des compensations pour les dégâts environnement aux causés par les fuites du pétrole qui ont empoisonné le sol et l'eau de la région. Le 29 novembre 2007, le Gouvernement a décidé de renforcer le contingent des forces armées déjà présentes sur les installations pétrolières. Le même jour, le Président de la République a destitué le président exécutif de Petroproducción, qu'il a remplacé par un officier de l'armée, et déclaré l'état d'urgence dans la province d'Orellana, suspendant les libertés d'expression, de circulation, de réunion et d'association. En outre, les forces armées ont été déployées sur l'ensemble du territoire de la province et la Loi relative à la sécurité nationale (Ley de Seguridad Nacional), qui permet qu'une personne arrêtée puisse être jugée par un tribunal militaire, a été décrétée. Toute manifestation, même de nature pacifique, a été interdite. Le 30 novembre 2007, les manifestations ont été violement dispersées par les militaires, qui ont également arrêté une quarantaine de personnes, dont M. Wilmer Armas, Vice-président de la paroisse de Dayuma, qui a été accusé de "terrorisme" puis transféré à la prison de Tena. L'état d'urgence a été levé le 11 décembre 2007.

C'est dans ce contexte que de nombreux défenseurs ont fait l'objet de poursuites judiciaires en raison de leurs activités de défense des droits de l'Homme, notamment pour "sabotage", "terrorisme" et "rébellion". La plupart de ces poursuites ont été initiées par des entreprises nationales et transnationales d'exploitation des ressources naturelles, qui considèrent les dirigeants sociaux et les défenseurs environnementalistes comme représentant un obstacle à leurs activités. Par exemple, le 10 décembre 2007, MM. Alberto Timbelo et Julio Granado, membres du Réseau des dirigeants communautaires "Ángel Shigre" (Red de Lideres Comunitarios Angel Shingre), ont été arrêtés et accusés de "rébellion" après avoir distribué des tracts en faveur de la défense de la communauté paysanne de Dayuma, région d'Orellana, à l'occasion de la Journée internationale des droits de l'Homme. De même, Mme Aida Astudillo Durán et MM. Franklín Reinoso Ruíz, Marco Ochoa Durán et Tarquino Cajamarca Mariles, quatre membres de la Coordination pour la défense de la vie et de la nature (Coordinadora en Defensa de la Vida y la Naturalez) du canton de Limón Indanza, dans la province de Morona Santiago, ont été accusés de "sabotage", "terrorisme" et "usage d'explosifs" suite à leur participation, le 6 mars 2007, à une marche afin de demander la non poursuite du projet hydro-électrique "hidrotambo".2 Cette marche a été violement dispersée par la police et quatre mandats d'arrêt ont été émis contre ces défenseurs.

D'autre part, le 21 septembre 2007, des poursuites judiciaires ont été engagées, pour "rébellion", contre Mme Nathalie Weemaels, citoyenne belge et porte parole du Comité pour une eau sans arsenic (Comité pro-Agua sin arsénico – CPASA), du quartier de Tumbaco, à Quito, suite aux dénonciations contre la mairie et l'entreprise chargée de la gestion de l'eau potable (EMAAP Q) après la découverte de taux très élevés d'arsenic dans l'eau potable. Outre l'amélioration de la qualité de l'eau, le Comité exige la réalisation de contrôles médicaux de la population et la réparation des préjudices subis par la consommation d'eau contenant des taux élevés d'arsenic. Fin 2007, les charges judiciaires à l'encontre de Mme Weemaels étaient toujours pendantes.

L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme est un programme conjoint de l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH).


1 Dans le cadre de ces accords, le Gouvernement s'était engagé à goudronner toutes les rues principales de la province, entre autres celles reliant la capitale Coca à tous les chefs-lieux de la paroisse de Dayuma. Seul 30 % du projet final était alors réalisé.

2 Ce projet aurait été mis en place sans consultation préalable avec les communautés et serait à l'origine de préjudices sérieux y compris le déplacement forcé de la population sans indemnisation et/ou possibilités réelles de réinstallation.

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