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Comité spécial de l'apatridie et des problèmes connexes, Compte rendu analytique de la vingt-huitième séance, tenue à Lake Success, New York, le lundi 13 février 1950, à 14 heures 30

Publisher UN Ad Hoc Committee on Refugees and Stateless Persons
Author UN Economic and Social Council
Publication Date 23 February 1950
Citation / Document Symbol E/AC.32/SR.28
Cite as UN Ad Hoc Committee on Refugees and Stateless Persons, Comité spécial de l'apatridie et des problèmes connexes, Compte rendu analytique de la vingt-huitième séance, tenue à Lake Success, New York, le lundi 13 février 1950, à 14 heures 30, 23 February 1950, E/AC.32/SR.28, available at: https://www.refworld.org/docid/3ae68c2210.html [accessed 4 November 2019]

Président :

M. Leslie CHANCE

Canada

Membres :

M. GUERREIRO

Brésil

 

M. CHA

Chine

 

M. LARSEN

Danemark

 

M. ROBINSON

Israël

 

M. KURAL

Turquie

 

Sir Leslie BRASS

Royaume-Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord

 

M. HENKIN

Etats-Unis d'Amérique

 

M. PEREZ PEROZO

Venezuela

Représentant d'une institution spécialisée :

 

M. WEIS

Organisation internationale des réfugiés

Représentants d'organisations non gouvernementales :

 

M. LEWIN

Organisation mondiale Agudas Israël

 

M. BERNSTEIN

Comité de coordination d'organisations juives

 

Mlle BAER

Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté

Secrétariat :

M. GIRAUD

Représentant du Secrétaire général

 

M. HOGAN

Secrétaire du Comité

SUPPRESSION DE L'APATRIDIE : MEMORANDUM PREPARE PAR LE SECRETAIRE GENERAL (E/AC.32/4, E/1112, E/1112/Add.1, E/AC.32/L.35) (suite)

1.     M. GIRAUD (Secrétariat) dit que la Convention concernant certaines questions relatives aux conflits de lois sur la nationalité, signée à La Haye le 12 avril 1930, n'a qu'une portée très limitée mais il estime, toutefois, que les Etats qui ont adopté cette Convention ont fait un pas important vers la suppression de l'apatridie. On a objecté que la Convention était périmée du fait qu'elle ne prévoyait pas l'égalité des hommes et des femmes en matière de nationalité, mais le but de la convention était d'éliminer l'apatridie en ce qui concerne les femmes et non d'assurer l'égalité des hommes et des femmes en matière de nationalité.

2.     Le Secrétariat a procédé à une étude approfondie des sources générales de l'apatridie. Pour ce qui est de la position prise par les législations nationales sur les questions de nationalité, une étude telle que celle qu'a suggérée le représentant d'Israël exigerait l'entière collaboration des divers Gouvernements. Eux seuls peuvent présenter et interpréter leur législation sous sa forme la plus récente. La meilleure méthode serait donc de les consulter. D'autre part, ce qu'il importe surtout de connaître, c'est l'attitude des Gouvernement à l'égard d'une réforme éventuelle de leur législation.

3.     Le PRESIDENT dit qu'à la suite de la proposition soumise par le représentant d'Israël à la précédente séance sur les moyens « de supprimer le problème de l"apatridie » (E/AC.32/L.35), deux courants d'opinion se sont manifestés. Certains membres du Comité ont pensé que la question devait être renvoyée à un autre organisme ; d'autres ont estimé que le Comité devait poursuivre l'examen de la question à la lumière de la résolution N° 248 (IX) du Conseil économique et social. Le Président estime que les vues du représentant d'Israël et celles d'autres membres du Comité ne sont pas inconciliables et que la question pourrait être renvoyée à la Commission du droit international avec les recommandations du Comité.

4.     A la précédente séance, le représentant du Royaume-Uni a fait observer que les sources de l'apatridie sont la naissance, le mariage, la renonciation volontaire à la nationalité ou le retrait de la nationalité par l'Etat à la suite, soit d'une absence prolongée à l'étranger, soit de modifications territoriales. Le Président estime que chacune de ces sources de l'apatridie doit être étudiée séparément et qu'une recommandation doit être faite dans chaque cas.

5.     M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) pense que le Comité devrait aussi discuter des moyens propres à supprimer ou à réduire l'apatridie d'une manière générale et fait observer que l'un de ces moyens, par exemple, pourrait être la naturalisation d'un plus grand nombre d'apatrides. Le Comité pourrait demander au Conseil économique et social d'inviter les Etats Membres à faciliter et à accélérer sur leurs territoires respectifs, le processus de la naturalisation.

6.     M. Henkin propose que, lors de l'examen des diverses causes de l'apatridie, le Comité examine d'abord celles qui sont susceptibles d'être supprimées par des mesures d'ordre national et celles qui exigent des mesures d'ordre international.

7.     Sur Leslie BRASS (Royaume-Uni) se réfère à l'article 15 de la Convention concernant certaines questions relatives aux conflits de lois sur la nationalité, signée à La Haye le 15 avril 1930, et à l'article 1 du Protocole à cette Convention, qui se rapporte a un cas particulier d'apatridie, et propose que le Comité recommande qu'un enfant né de parents apatrides dans un pays où la lex sanguinia est appliquée acquière la nationalité de ce pays.

8.     M. LARSEN (Danemark) fait observer que les divers pays professent des thèses différentes sur la nationalité. Il est intéressant de noter que le jus soli a été, d'une façon générale, adopté par les pays qui sont séparés d'autres continents par la mer et où le nombre des étrangés traversant en transit leur territoire est peu élevé.

9.     Lorsqu'un enfant naît dans un pays d'Europe où le jus sanguinis est appliqué, le gouvernement de ce pays considère que le simple fait accidentel de sa naissance en ce pays ne crée pas, automatiquement, des liens de nationalité entre cet enfant et ce pays. Toutefois, si l'enfant réside dans le pays jusqu'à sa majorité, on considère alors que les liens sont établis avec le pays où il est né et que cet enfant a, par suite, le droit d'acquérir la nationalité du pays.

10.  M. Larsen est donc d'avis que le Comité doit rédiger un projet de recommandation suivant lequel un enfant né dans un pays où n'est pas appliqué le jus soli et qui réside dans ce pays jusqu'à sa majorité, a automatiquement le droit d'acquérir la nationalité de ce pays. Si les pays où le jus sanguinis est appliqué acceptent cette recommandation, le nombre des apatrides par naissance sera considérablement réduit. Cette recommandation n'est peut-être pas tout à fait en harmonie avec l'article 15 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, en ce sens que l'enfant n'aurait pas de nationalité jusqu'à ce qu'il soit majeur, mais elle pourrait aider à la solution du problème de l'apatridie.

11.  M. CHA (Chine), en tant que représentant d'un Etat qui applique le jus sanguinis pense que, malgré que la recommandation proposée par le représentant du Danemark soit judicieuse, elle ne peut être appliquée par tous les Etats. Il cite le cas de réfugiés qui ont cherché asile en Chine, mais qui n'ont pas manifesté l'intention d'acquérir la nationalité chinoise. Ces réfugiés ont été autorisés à travailler et à exercer leur profession, mais ne sont pas obligés de se faire naturaliser. Lorsqu'un réfugié gagne convenablement sa vie dans un pays, il ne se préoccupe pas de se faire naturaliser et ne s'inquiète pas davantage du fait que ses enfants naissent apatrides. M. Cha ne propose pas que, dans ce cas, les Gouvernements se montrent plus sévères. Il n'en est pas moins vrai que la seule manière de faire accepter la nationalité à certains réfugiés serait de montrer plus de sévérité. M. Cha ne tient cependant qu'à souligner le fait que les réfugiés autorisés à travailler, sans être obligés de se faire naturaliser, préfèrent souvent rester apatrides, et que les Gouvernements ne sauraient encourir de ce fait aucun blâme.

12.  M. LARSEN (Danemark) déclare que la proposition du représentant du Royaume-Uni va plus loin qu'il ne croit personnellement souhaitable. Il propose au Comité de formuler des recommandations dans le genre des suivantes :

« Toute personne née sur le territoire d'un Etat dont la nationalité ne s'acquiert pas du seul fait de la naissance sur le territoire dudit Etat, prendra la nationalité dudit Etat :

1)    Si la mère jouit de la nationalité de cet Etat, le père étant soit apatride, soit de nationalité inconnue, ou ayant une nationalité non transmissible à l'enfant ;

2)    Si les parents ont déjà eu, autrefois, la nationalité du pays en question ;

3)    Si l'enfant reste dans le pays en question jusqu'à l'âge de 18 ans (par exemple) ».

13.  M. Larsen presse le Comité de ne pas s'abstenir de formuler ses recommandations sous la forme d'un projet de convention, de crainte que ce projet ne soit pas ratifié ; il rappelle, à cet égard, qu'une Commission mixte composée de Suédois, de Danois et de Norvégiens, qui s'est réunie en 1949 en vue d'étudier la question de la nationalité, a proposé d'adopter une loi contenue dans le Protocole de La Haye, bien que le Danemark n'ait pas ratifié ledit Protocole.

14.  Le PRESIDENT estime qu'à ce stade de leurs travaux, les membres du Comité devraient s'efforcer de se mettre d'accord sur des principes généraux de nature à fournir une base convenable pour des recommandations raisonnables. Il leur demande s'ils accepteraient de poser en principe que, lorsqu'un enfant n'acquiert pas d'office la nationalité du pays dans lequel il est né, il faudrait lui conférer cette nationalité, s'il n'en a pas d'autre. La mise en oeuvre de ce principe serait laissée parque entièrement à l'appréciation de chaque Gouvernement.

15.  M. LARSEN (Danemark) déclare que la proposition du représentant du Royaume-Uni n'est pas nouvelle, mais que sa mise en oeuvre présente des difficultés dans le cas de pays qui n'appliquent pas le jus soli. Si, par exemple, une anglaise non mariée, après s'être rendue dans un autre pays pour y mettre au monde son enfant, rentrait en Grande-Bretagne peu après la naissance de l'enfant, ce dernier n'aurait pas la nationalité britannique et les pays qui n'appliquent pas le jus soli ne s'estimeraient pas tenus de conférer leur nationalité à l'enfant. En réalité, la faute incombe, dans ce cas particulier, au droit britannique qui n'accorde pas à l'enfant la nationalité de sa mère.

16.  M. Larsen suggère que le Comité pourrait recommander d'accorder à l'enfant la nationalité du pays lequel il est né, s'il a ou acquiert avec ledit pays, d'autres liens que le hasard de sa naissance sur son territoire.

17.  M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) craint qu'il ne soit difficile, en pratique, de faire doit à sa proposition initiale, qui visait à établir une démarcation nette entre le domaine relevant de mesures d'ordre national et celui qui appelle des mesures d'ordre international. En général, ce problème nécessite la modification des lois internes, modification qui pourrait s'effectuer soit par voie de mesures législatives nationales prises individuellement dans les différents pays, soit par un accord international portant engagement d'apporter ces modifications à la loi nationale des parties contractantes. Si le Comité tient à ce que soient faites certaines recommandations visant à ce que des modifications soient apportées aux législations nationales, M. Henkin estime que le Comité devrait examiner les possibilités suivantes :

1)    Une recommandation tendant à ce que chaque pays procède à une révision de ses propres lois en vue de faciliter la naturalisation ;

2)    Une recommandation tendant à ce que les divers pays passent en revue leurs lois en vue d'accorder leur nationalité aux personnes nées sur leurs territoires qui, autrement, n'auraient pas de nationalité.

18.  Il serait probablement nécessaire de réexaminer également les lois relatives à la déchéance de la nationalité, bien qu'interviennent dans ce cas de nombreux facteurs de politique nationale susceptibles de l'emporter sur le souci de supprimer l'apatridie.

19.  M. GUERREIRO (Brésil) pense, comme le représentant des Etats-Unis, que le Comité devrait se borner à formuler des recommandations d'ordre général. Il pourrait recommander aux divers pays de faciliter la naturalisation et de s'efforcer de réduire le nombre des cas d'apatridie. Il pourrait, en outre, recommander des mesures propres à faciliter l'acquisition d'une nationalité et recommander aux Gouvernements de n'appliquer la déchéance de la nationalité à titre de sanction pénale que dans les cas les plus graves et de faire en sorte que la nationalité ne se perde pas du fait de mariage. Toutefois, le Comité devrait veiller à formuler ces recommandations en termes généraux, en laissant une assez grande liberté d'action aux pays intéressés.

20.  M. CHA (Chine) estime qu'il faut tenir compte de la responsabilité de l'apatride lui-même. Il arrive fréquemment, son Gouvernement en a fait l'expérience, que des apatrides ne tiennent pas à se faire naturaliser, et si un apatride ne sollicite pas sa naturalisation, les Gouvernements n'y peuvent rien.

21.  M. WEIS (Organisation inter nationale des réfugiés) comprend les réserves que le représentant du Danemark a faites en ce qui concerne la proposition du Royaume-Uni ; il est, en effet, facile à un pays qui applique le jus soli de conférer sa nationalité aux enfants nés sur son territoire, mais cela est très difficile pour un pays où règne le jus sanguinis. Aussi estime-t-il qu'à ce stade de ses travaux, le Comité doit se borner à formuler des recommandations d'ordre général et remettra à plus tard l'examen de leur mise en oeuvre.

22.  Le PRESIDENT propose au Comité de passer à l'examen de la question de la perte de la nationalité du fait du mariage ou de la dissolution du mariage.

23.  M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) fait observer que certains membres du Comité ont paru craindre que les recommandations relatives à la naturalisation ne soient trop vagues et trop timides. C'est pour cette raison et parce qu'il est impossible à l'heure actuelle d'examiner comme il convient l'ensemble du problème de la suppression de l'apatridie que M. Henkin aurait préféré que le Comité s'abstînt de faire aucune recommandation. Mais, puisque le Comité a décidé de faire un certain nombre de recommandations, il serait normal d'en formuler une tendant à faciliter la naturalisation, bien qu'une disposition à cet effet figure également dans le projet de convention concernant les réfugiés. M. Henkin souligne qu'une convention n'a force obligatoire que pour les pays qui la ratifient tandis qu'une recommandation spécial s'adresserait à tous les pays. On pourrait induire les divers pays à examiner avec la plus grande attention les recommandations du Conseil en les invitant à remettre au Secrétaire général un rapport sur la question.

24.  M. Henkin rappelle au Comité que la question de la perte de la nationalité du fait du mariage a été examinée par la Commission de la condition de la femme ; il propose de laisser à cet organisme le soin d'en poursuivre l'étude.

25.  Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) rappelle que les articles 8 à 11 de la Convention de la Haye traitent de la question de la perte de la nationalité du fait du mariage ou de la dissolution du mariage. L'article 8 constituait une recommandation excellente lors de sa rédaction, en 1930, mais dans l'intervalle, la condition de la femme mariée a complètement changé et s'est améliorée. Il convient d'examiner la question du point de vue de la condition de la femme plutôt que de celui de l'apatridie ; c'est pourquoi Sir Leslie Brase appuie la proposition du représentant des Etats-Unis visant à laisser à la Commission de la condition de la femme le soin de poursuivre l'examen de cette question.

26.  M. LARSEN (Danemark) préfère des propositions concrètes présentées sous forme d'un projet de convention, plutôt que des recommandations de caractère général. A son avis, le Comité, s'il voulait bien y consacrer un peu de temps, n'aurait aucune difficulté à mettre sur pied un projet de convention relatif à l'apatridie.

27.  Le PRESIDENT constate que le Comité estime, dans l'ensemble, ne pas être en mesure de formuler des recommandations concernant la perte de la nationalité du fait du mariage, étant donné que cette question est déjà étudiée par un organisme des Nations Unies. Il propose au Comité de passer à l'examen de la question de la renonciation volontaire à la nationalité.

28.  Selon Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni), le Comité devrait recommander que nul ne soit autorisé à renoncer à sa nationalité avant d'en avoir acquis une autre. L'acceptation générale de ce principe, qui est déjà appliqué dans la législation du Royaume-Uni, contribuerait grandement à la suppression de l'apatridie.

29.  M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) fait observer qu'obliger une personne à conserver une nationalité dont il ne veut pas se réclamer peut constituer dans certains cas un mal plus grand que l'apatridie elle-même. A la différence de la perte de la nationalité à la suite d'actes volontaires, le problème de l'apatridie résultant de la renonciation volontaire à la nationalité ne soulève, dans des conditions normales, que relativement peu de difficultés. De plus, certains Etats exigent, quelque temps avant d'accorder une nouvelle nationalité, que le bénéficiaire renonce à sa nationalité précédente. Pour toutes ces raisons, il vaudrait mieux s'abstenir de faire des recommandations à ce sujet.

30.  M. LARSEN (Danemark) déclare que la législation des pays scandinaves ne prévoit pas la renonciation volontaire à la nationalité à moins que le citoyen en question n'ait acquis une autre nationalité ou ne soit sur le point d'en acquérir une autre. Le principe dont le représentant du Royaume-Uni recommande l'acceptation est donc déjà appliqué dans ces pays. De plus, ce principe est énoncé à l'article 7 de la Convention de La Haye. M. Larsen estime que la question n'est importante que dans la mesure où elle intéresse le statut juridique des apatrides, c'est-à-dire les obligations de l'Etat à leur égard. La question de savoir si des citoyens isolés doivent avoir le droit de renoncer volontairement à leur nationalité ne présente guère d'intérêt pour les pays scandinaves.

31.  M. Larsen souligne qu'il convient d'établir une nette distinction entre l'apatridie résultant de la renonciation volontaire et celle due à la déchéance de la nationalité prononcée par l'Etat à la suite d'actes commis par les citoyens, tels que l'engagement dans une armée étrangère, la participation à des élections dans un pays étranger, etc.

32.  Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) propose que sa recommandation soit modifiée de manière à viser tant les personnes qui sont sur le point d'acquérir une autre nationalité que celles qui en ont déjà acquis une.

33.  M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) fait observer que la suppression des permis autorisant la renonciation à la nationalité risque d'entraîner l'augmentation plutôt que la diminution du nombre des apatrides. De nombreux pays refusent en effet de recevoir des étrangers qui ne sont pas munis de ces permis. L'article 7 de la Convention de La Haye ne dispose pas qu'une personne ne peut pas renoncer volontairement à sa nationalité ; il contient simplement de dispositions pour la période entre le moment où une personne renonce à sa nationalité précédente et celui où elle en acquiert une nouvelle. Obliger quelqu'un à conserver une nationalité qu'il n'a pas choisie pourrait même sembler incompatible avec la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui reconnaît a chacun le droit de changer de nationalité.

34.  M. CHA (Chine) estime que l'on ne saurait résoudre, par voie législative, le problème de la renonciation volontaire à la nationalité. A cet égard, il rappelle le cas d'un citoyen des Etats-Unis qui a renoncé à sa nationalité sans en acquérir une autre et a déclaré être citoyen du monde. Il serait impossible de faire des recommandations visant de pareils cas.

35.  M. LARSEN (Danemark), tout en étant d'accord en principe avec le représentant de la Chine, fait remarquer que des cas de cet ordre constituent des exceptions. En général, la renonciation résulte de la connaissance insuffisante des conséquences de l'acte ou de la négligence des autorités intéressées.

36.  Le PRESIDENT fait remarquer que le droit de renoncer à la nationalité n'est pas inhérent à la qualité de citoyen ; un citoyen a seulement la faculté de demander d'être déchargé de ses obligations en tant que ressortissant d'un Etat.

37.  M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) déclare que les citoyens des Etats unis ne sont pas autorisés à renoncer à leur nationalité, à moins qu'ils ne résident en permanence à l'étranger. Des dérogations à cette règle ne sont faites que dans des circonstances exceptionnelles ou en temps de guerre. En période normale, le nombre de personnes qui deviennent apatrides à la suite d'une renonciation volontaire à leur nationalité est négligeable. Les autres causes de l'apatridie sont infiniment plus importantes.

38.  Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) persiste à croire que la renonciation volontaire à la nationalité ne devrait être permise que si elle constitue une étape vers l'acquisition d'une autre nationalité. Etant donné toutefois que les avis sont partagés sur ce point, il est évident que le Comité n'est pas en mesure de faire des recommandations à ce sujet.

39.  Le PRESIDENT invite les membres du Comité à examiner le problème de l'apatridie résultant de la déchéance de la nationalité prononcée par l'Etat pour cause de résidence à l'étranger. Il propose que le Comité recommande aux Gouvernements de réexaminer leur position en cette matière.

40.  M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) explique que, comme il l'a déjà déclaré, en matière de déchéance de nationalité entrent en ligne de compte de nombreux éléments qui peuvent être plus importants que l'apatridie qui en résulte. Dans certains cas par exemple, les Etats-Unis retirent leur nationalité à leurs propres citoyens à titre de sanction. M. Henkin ne saurait dire si son Gouvernement serait disposé à modifier les lois régissant la déchéance de la nationalité mais il est convaincu que le Gouvernement des Etats-Unis examinera sérieusement la question, si le Conseil économique et social le lui recommande.

41.  M. LARSEN (Danemark) déclare que la position de son Gouvernement en ce qui concerne l'octroi de la nationalité aux enfants des apatrides est analogue à celle du Gouvernement des Etats-Unis. Dans l ‘un et l'autre pays, on veut empêcher les personnes n'ayant aucun lien réel avec l'Etat, d'en devenir les ressortissants.

42.  Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) estime que, en plus de la recommandation proposée par la Président, le Comité devrait aussi recommander aux Gouvernements d'examiner s'il ne serait pas opportun d'accorder aux personnes susceptibles d'être déchues de leur nationalité pour cause de résidence prolongée à l'étranger, la possibilité d'expliquer, de démontrer que leur absence est due à des motifs valables. A cet égard, il déclare que les personnes qui sont ressortissants britanniques de naissance ne sont jamais privées de leur nationalité, et que les citoyens naturalisés n'en sont privés que dans des cas très exceptionnels.

43.  le PRESIDENT constate que le Comité semble d'accord pour faire une recommandation dans le sens qu'il a initialement proposé.

44.  Il invite les membres à examiner le problème de l ‘apatridie résultant de changement territoriaux.

45.  Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) déclare que l'expérience passée à démontré que ce problème ne peut être réglé que dans des cas d'espèce. La politique générale de son Gouvernement, dans les cas où un territoire est devenu indépendant, a été de prévoir que l es personnes ayant des liens étroits avec le Royaume-Uni conserveraient leur nationalité britannique alors que les personnes n'ayant de liens qu'avec le territoire en question ne pourraient le faire. Certaines personnes ne rentrant pas nettement dans une de ces deux catégories avaient la faculté d'opter.

46.  M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) fait remarquer que, lorsque des changements territoriaux résultent de la création d'un nouvel Etat, les habitants des territoires intéressés sont généralement absorbés par ce nouvel Etat.

47.  M. WEIS (Organisation internationale des réfugiés) estime qu'il est impossible de formuler des recommandations précises à ce sujet. Certaines dispositions doivent toutefois être prévues pour régler le sort des personnes résidant habituellement dans des régions soumises à des changements territoriaux. Le statut de ces personnes a été précédemment déterminé d'après leur naissance ou leur domicile; cette méthode a été la cause de nombreux cas d'apatridie. Le système préconisé par le Traité de Versailles, fondé sur la résidence habituelle, s'est révélé plus satisfaisant.

48.  L'apatridie résultant des changement territoriaux provient souvent du fait que ni l'Etat cédant, ni l'Etat cessionnaire n'est disposé à considérer les habitants des régions intéressées comme étant ses citoyens. Des tentatives ont été faites, dans le passé, pour régler le problème par voie d'arbitrage international. Un système d'arbitrage entre les Etats intéressés éliminerait probablement la difficulté.

La séance est levée à 16 heures 10.

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