Conférence de plénipotentiaires sur le statut des réfugiés et des apatrides: Compte rendu analytique de la vingt-quatrième séance, tenue au Palais des Nations à Genève le mardi 17 juillet 195, à 9 heures 30
Publisher | UN Conference of Plenipotentiaries on the Status of Refugees and Stateless Persons |
Author | UN General Assembly |
Publication Date | 27 November 1951 |
Citation / Document Symbol | A/CONF.2/SR.24 |
Cite as | UN Conference of Plenipotentiaries on the Status of Refugees and Stateless Persons, Conférence de plénipotentiaires sur le statut des réfugiés et des apatrides: Compte rendu analytique de la vingt-quatrième séance, tenue au Palais des Nations à Genève le mardi 17 juillet 195, à 9 heures 30, 27 November 1951, A/CONF.2/SR.24, available at: https://www.refworld.org/docid/3ae68ce410.html [accessed 4 November 2019] |
Présents: |
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Président: |
M. LARSEN |
Membres: |
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Australie |
M. SHAW |
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M. BURBAGE |
Autriche |
M. FRITZER |
Belgique |
M. HERMENT |
Brésil |
M. de OLIVEIRA |
Canada |
M. CHANCE |
Colombie |
M. GIRALDO-JARAMILLO |
Danemark |
M. HOEG |
Egypte |
M. MAHER |
Etats-Unis d'Amérique |
M. WARREN |
France |
M. ROCHEFORT |
Grèce |
M. PAPAYANNIS |
Irak |
M. AL PACHACHI |
Israël |
M. ROBINSON |
Italie |
M. THEODOLI |
Monaco |
M. SALAMITO |
Norvège |
M. ARFF |
Pays-Bas |
M. van BOETZELAER |
République fédérale allemande |
M. von TRUTZSCHLER |
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord |
M. HOARE |
Saint-Siège |
Mgr. BERNARDINI, archevêque d'Antioche de Pisidie. |
Suède |
M. PERSSON |
Suisse (et Liechtenstein) |
M. SCHURCH |
Turquie |
M. MIRAS |
Venezuela |
M. MONTOYA |
Yougoslavie |
M. MAKIEDO |
|
M. BOZOVIC |
Haut-Commissaire pour les Réfugiés: |
M. van HEUVEN -GOEDHART |
Représentants d'institutions spécialisées et d'autres organisations intergouvernementales |
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Organisation internationale pour les réfugiés |
M. SCHNITZER |
Conseil de l'Europe |
M. TALIANI de MARCHIO |
Catégorie A |
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Confédération internationale des syndicats libres |
Mlle SENDER |
Catégorie B et Registre |
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Alliance universelle des unions chrétiennes des jeunes filles |
Mlle ARNOLD |
Caritas internationlis |
M. BRAUN |
|
M. METTERNICH |
Comité de coordination d'organisations juives |
M. WARBURG |
Commission des Eglises pour les affaires internationales |
M. REES |
Conférence permanente des agences bénévoles |
M. REES |
Congrès juif mondial |
M. RIEGNER |
Conseil consultatif d'organisations juives |
M. MEYROWITZ |
Conseil international des femmes |
Mme GIROD |
Pax Romana |
M. BUENSOD |
Secrétariat |
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M. Humphrey |
Secrétaire exécutif |
Mlle Kitchen |
Secrétaire exécutive adjointe |
1. DECLARATION DU PRESIDENT AU SUJET DE LA CATASTROPHE DE KANSAS CITY
Le PRESIDENT tient à exprimer la profonde sympathie de la Conférence pour les victimes du désastre qui est survenu à Kansas City et qui a privé de leurs foyers des milliers de personnes. M. WARREN (Etats-Unis d'Amérique) remercie le Président des sentiments de sympathie qu'il a exprimés et que M. Warren transmettra au gouvernement des Etats-Unis.
2. EXAMEN DU PROJET DE CONVENTION RELATIVE AU STATUT DES REFUGIES (A/CONF.2/1, A/CONF.2/5 et Corr. l) (reprise de la discussion de la 23e séance)
i) Article premier - Définition du terme "réfugié" (A/CONF.2/4, A/CONF.2/64,A/CONF.2/74, A/CONF.2/78, A/CONF.2/79) (suite)
Le PRESIDENT annonce que le chef de la délégation de l'Egypte sera absent de Genève pendant quelques jours. Il ne conviendrait pas d'étudier en son absence l'amendement (A/CONF.2/13) qu'il a proposé d'apporter à la section C de l'article premier. Le Président propose donc de renvoyer à plus tard l'examen de cet amendement.
Il en est ainsi décidé.
Le PRESIDENT ouvre le débat sur la section E de l'article premier; il attire l'attention des représentants sur l'amendement du Royaume-Uni (A/CONF.2/74) et sur l'amendement (A/CONF.2/76) soumis par le représentant de la République fédérale allemande.
M. HOARE (Royaume-Uni) présente son amendement et souligne qu'aux termes de l'alinéa b) de la section E, les dispositions de la convention ne sont pas applicables aux personnes qui font l'objet de poursuites résultant effectivement de crimes de caractère non politique ou d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies. Le Gouvernement du Royaume-Uni estime qu'il est tout à fait arbitraire et injustifié de ne pas appliquer la convention à cette catégorie de personnes. La question a déjà été étudiée à propos de l'article 28: Défense d'expulsion et de refoulement sur les frontières des territoires où la vie ou la liberté du réfugié est menacée; c'est précisément pour couvrir de tels cas que la délégation de la France et la délégation du Royaume-Uni avaient soumis un amendement à cet article (A/CONF.2/69) qui a été adopté; cet amendement vise à accorder à l'Etat le droit de refouler un réfugié qu'il avait admis sur son territoire, s'il a des raisons sérieuses de le considérer comme un danger pour la sécurité publique ou si le réfugié a été condamné, dans ce pays, pour des crimes ou délits particulièrement graves. Avec une telle disposition, il semble inutile à M. Hoare d'exclure du bénéfice de la convention des personnes auxquelles s'applique, en tout cas, la première clause du paragraphe 2 de l'article 14 de la Déclaration universelle des droits de l'homme. C'est pourquoi il a proposé un amendement (A/CONF.2/74) qui comporte deux variantes: soit la suppression totale de l'alinéa b)de la section E, soit, au moins, son remplacement par un texte s'inspirant de la deuxième partie du paragraphe 2 de l'article 14 de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Il préfère la première solution et demandera qu'elle soit mise aux voix en premier lieu ; il est difficile en effet de définir des agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies, bien qu'il suppose que l'on entend par là des agissements tels que: crimes de guerre, génocide, subversion ou renversement de régimes démocratiques.
M. ROCHEFORT (France) dit qu'il s'agit là d'une question ancienne. Le texte de la section E de l'article premier du projet de convention est d'origine française. Il a été combattu par le Royaume-Uni tant au Conseil économique et social qu'à la Troisième Commission de l'Assemblée générale et en séance plénière de l'Assemblée. Dans chacune de ces circonstances, la position du Royaume-Uni a été désapprouvée au profit de la position française.
La France ne peut envisager d'exclure la clause limitative lorsqu'il s'agit de criminels de droit commun. Certes, l'amendement commun des délégations de la France et du Royaume-Uni (A/CONF.2/69) adopté par la Conférence répond aux préoccupations de la France en ce qui concerne cet article, mais il est nécessaire, dans l'article qui définit le terme "réfugié" , d'assurer le triage des réfugiés afin d'éliminer les criminels de droit commun. Il y a suffisamment de réfugiés de bonne foi pour que l'on ne confonde pas avec ceux-ci de vulgaires criminels de droit commun.
Le représentant de la France a déjà indiqué les difficultés éprouvées par son pays à ce propos - difficultés qui sont plus considérables que celles que peuvent éprouver les pays auxquels leur situation géographique permet de refuser un visa d'entrée à un réfugié qui est un criminel de droit commun. La suppression ou le maintien des dispositions de la section E constituera un élément sérieux pour déterminer l'attitude que la France prendra à l'égard de la convention. Les observations qui précèdent qui précèdent s'appliquent mutatis mutandis aux personnes tombant sous le coup des autres dispositions du paragraphe 2 de l'article 14 de la Déclaration universelle des droits de l'homme.
M. von TRUTZSCHLER (République fédérale allemande) déclare que la délégation de la République fédérale allemande, après avoir examiné avec le plus grand soin les préoccupations et les arguments du représentant du Conseil consultatif d'organisations juives [1] en est venue à la conclusion qu'ils ne sont aucunement justifiés par les termes de l'amendement de la République fédérale(A/CONF.2/76).
On a soutenu que l'adoption de cet amendement serait susceptible de menacer le développement des principes du droit international pour ce qui concerne la responsabilité des individus en matière de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. Le Gouvernement fédéral allemand est très soucieux de voir ces principes fermement établis, et leur application universellement assurée. Il doute néanmoins qu'aucune décision prise par la Conférence aboutisse à ce résultat. L'objet réel de la section E de l'article premier est d'exclure du bénéfice de la Convention les individus considérés comme criminels, pour la raison qu'ils ne doivent pas être mis sur un pied d'égalité avec les réfugiés de bonne foi.
M. von Trutzschler croit que l'on est généralement d'accord quant à la catégorie de personnes qu'il convient d'exclure; la seule difficulté est d'exprimer cet accord sous une forme positive. En étudiant ce point, les experts juridiques du Gouvernement fédéral allemand ont estimé que la question était suffisamment réglée par les termes de l'alinéa b) de la Section E, disposant que tout individu ayant commis des crimes ou délits politiques ou des agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies sera exclu du bénéfice de la Convention. Les crimes énumérés à l'article 6 du Statut du Tribunal militaire international (Statut de Londres) sont certainement punissables, pour une très large part, en vertu du code pénal normal de la plupart des Etats civilisés. Si certains de ces crimes ne sont pas condamnables de cette façon, ils tomberont sous le coup de l'article 14, paragraphe 2, de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme en tant qu'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies. Les experts juridiques du gouvernement fédéral allemand estiment donc superflu l'ensemble de l'alinéa a) de la Section E et c'est uniquement en vue d'éviter un malentendu que l'amendement proposé par la délégation de la République fédérale allemande mentionne expressément les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et les crimes contre la paix.
Le gouvernement de la République fédérale allemande n'a pas pris part aux travaux préliminaires concernant le projet de Convention. Toutefois, M. von Trützschler présume que la section E se fonde sur des dispositions analogues figurant dans la Constitution de l'Organisation internationale pour les réfugiés (OIR). Il est tout naturel que cet instrument se réfère au Statut de Londres, car la majorité des réfugiés relevant du mandat de l'OIR sont devenus des réfugiés à la suite d'événements liés à la deuxième guerre mondiale. Toutefois, l'objet de la Convention est d'assurer une protection juridique aux autres réfugiés dont le sort n'est pas la conséquence immédiate de la guerre et des crimes mentionnés dans le Statut de Londres. Il convient de noter également que l'article 6, section c) du Statut de Londres traite expressément de crimes contre l'humanité commis "avant ou pendant la guerre", ce qui exclut les crimes commis intérieurement. Il semblerait donc logique que la Convention ne comportât pas de référence à un instrument dont la portée est incontestablement limitée.
Cette opinion ne doit pas être interprétée comme signifiant que le gouvernement de la République fédérale allemande n'accepte pas les définitions contenues dans le Statut de Londres. On a dit que la mention du Statut de Londres a pour objet d'indiquer les genres de crimes dont la perpétration interdirait aux intéressés d'invoquer la protection de la Convention. Le représentant du Conseil consultatif d'Organisations juives a proposé une rédaction qui rendrait ce point encore plus clair. M. von Trützschler, en mentionnant les conventions de Genève , n'a pas d'autre but. Le fait que les conventions de Genève, en elles-mêmes, ne peuvent s'appliquer qu'à des guerres internationales et civiles à venir, et qu'elles ne font pas expressément mention de la responsabilité des individus, est donc sans importance, puisque la Section E du projet de Convention n'a pas pour objet de confirmer les dispositions des Conventions de Genève ou de la Convention sur le Génocide en tant que telles, mais uniquement d'indiquer les divers genres de crimes envisagés, au moyen de références aux définitions contenues dans les articles pertinents de ces Conventions.
Le représentant de la République fédérale allemande a déjà expliqué qu'il n'insistera pas sur le maintien du texte de son amendement. Le gouvernement fédéral allemand acceptera toute solution proposée, pourvu qu'elle ne contienne aucune référence expresse au Statut du Tribunal militaire international. Le gouvernement fédéral espère que la conférence ne fera pas figurer dans la Convention des considérations entièrement étrangères à son objet.
M. von TRUTZSCHLER s'excuse de la longueur de son intervention; s'il a agi ainsi, c'est pour essayer de surmonter un sérieux obstacle et pour réaffirmer l'accord sincère du gouvernement de la République fédérale allemande sur ce principe que les criminels de guerre, en quelque lieu qu'ils se soient réfugiés, doivent être exclus de la protection assurée par la Convention.
M. HOARE (Royaume-Uni) indique que, si sa première proposition la suppression totale de l'alinéa b) ne rallie pas l'assentiment de la majorité des représentants, il n'insistera pas sur son maintien. Ce qui le préoccupe, c'est que les personnes ayant commis des fautes peu importantes dans leur pays d'accueil ne soient pas exclues des avantages accordés aux réfugiés par la Convention. Il tient à assurer le représentant de la France qu'il a pleinement conscience des réalités de la situation et qu'il est guidé par des considérations qu'il regarde comme parfaitement raisonnables. M. Rochefort fait erreur s'il suppose que des réfugiés n'ont jamais commis de crimes dans le Royaume-Uni, ou que le gouvernement du Royaume-Uni n'a pas admis de temps à autre des réfugiés que fussent des criminels. La question dont il s'agit est une question de principe. La Conférence s'occupe d'élaborer une Charte des droits minimum à garantir aux réfugiés droits de propriété, sécurité sociale, droit au travail, drops relatifs au statut personnel, droit d'accès aux tribunaux, etc. Dans tous les pays civilisés, les criminels eux-mêmes jouissent de ces droits; et un homme emprisonné pour un crime, bien qu'il soit temporairement privé des prestations de la sécurité sociale, conserve néanmoins le droit d'accès aux tribunaux, comme il appert, par exemple, de son droit d'appel.
Le représentant du Royaume-Uni tient ardemment à ce que les réfugiés qui ont commis des délits tels que de menus larcins dans leurs camps, ne se trouvent pas, pour autant, définitivement exclus du bénéfice de la Convention. On a prétendu que tel ne serait jamais le cas, dans une société civilisée; s'il en est ainsi, M. Hoare ne peut voir aucune objection à ce que ce principe soit juridiquement reconnu dans la Convention. Sinon, les Etats trouveront là une échappatoire dont ils pourront profiter pour se décharger de leurs responsabilités à l'égard de tout réfugié qui se trouvera convaincu d'un délit sur leur territoire.
M. Hoare éprouve quelque difficulté à comprendre l'attitude du représentant de la France. En effet, l'article 28, sous sa forme amendée, assure déjà air Etats une protection suffisante contre l'obligation d'héberger certains éléments indésirables. Si le prétendu criminel de droit commun doit renoncer au droit d'être considéré comme réfugiés, aux fins d'application de la Convention, l'amendement à l'article 28, proposé conjointement par la France et le Royaume-Uni, devient entièrement superflu.
M. HERMENT (Belgique) fait observer que l'on a surtout examiné le cas de réfugiés ayant commis des crimes sur les territoires d'accueil; or, la section E vise également les réfugiés ayant commis des crimes dans les pays étrangers et même dans leur pays d'origine . Dans la conjoncture actuelle, un réfugié de bonne foi poursuivi par son pays d'origine pourra être expulsé par le pays d'accueil et remis aux autorités du pays d'origine en vertu des dispositions de l'article 28. L'amendement du Royaume-Uni tend à éviter cette possibilité. Or, il se peut que le pays d'accueil soit lié au pays d'origine par un traité d'extradition dont les clauses peuvent s'opposer aux dispositions de la convention. Ainsi, une convention internationale se trouverait en contradiction avec une convention bilatérale.
Le représentant de la Belgique attire l'attention de la Conférence sur ce point: en droit international, il n'est pas possible qu'un réfugié coupable ou accusé d'un crime de droit commun ne puisse être remis aux autorités de son pays d'origine. Dans la pratique, il n'est donc pas possible de ne pas insérer la disposition actuelle dans le projet de convention.
M. van HEUVEN GOEDHART (Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés) déclare qu'il y a, en dehors du point soulevé par le représentant de la Belgique, une autre question qu'il importe d'examiner. Il y a lieu de relever qu'aux termes du statut du Haut Commissent pour les réfugiés (A/CONF.2/4), chapitre Il, paragraphe 7 d), trois catégories de réfugiés ne relèvent pas de la compétence du Haut Commissaire: deux de ces catégories sont celles indiquées dans la section E du projet de convention et la troisième comprend les personnes qui ont commis un crime ou délit visé par les dispositions des traités d'extradition. Il serait peut-être indiqué de faire concorder les deux dispositions.
M. ROCHEFORT (France) pense les observation que vient de faire le représentant de la Belgique éclairent bien la situation. Il convient d'insister sur le fait que la disposition actuelle avait fait, d'abord, l'objet d'un compromis accepté à l'unanimité mais que le Royaume-Uni a, par la suite, dénoncé. L'article 14 de la Déclaration universelle des droits de l'homme concerne le droit d'asile. Les Nations Unies n'ont pas hésité à refuser ce droit aux criminels de droit commun. Dans le cas de la Convention, l'article premier joue le rôle d'un filtre pour l'admission des réfugiés de bonne foi. Il est nécessaire de conserver cet article tel qu'il est car il n'est pas toujours possible de filtrer convenablement le flot des réfugiés à la frontière. Le texte actuel de la section E est satisfaisant. Son maintien n'empêchera pas la France d'accorder asile à des criminels de droit commun, mais si ces personnes n'ont pas droit à un asile, aux termes de la Déclaration universelle, elles ont encore moins le droit de jouir du bénéfice de la convention. Sans la clause limitative en question, la France ne pourrait appliquer la définition proposée.
M. HOARE (Royaume-Uni) reconnaît le bien-fondé du point soulevé par le représentant de la Belgique à propos de l'extradition. C'est une question délicate. Par exemple, une demande d'extradition pourrait être présentée par le pays dont un réfugié s'est enfui par suite de persécutions. En présentant l'amendement commun à l'article 28, M. Hoare avait supposé que les dispositions concernant l'expulsion, contenues dans cet article, n'influeraient en rien sur la procédure d'extradition qui, du moins en ce qui concerne le Royaume-Uni, est entièrement différente. Il avait présumé que les dispositions des accords bilatéraux continueraient de s'appliquer à l'extradition. Une solution possible serait de modifier la section E, de manière à exclure de l'application de la Convention les personnes passibles d'extradition. A son avis, il serait, toutefois, préférable de procéder différemment et de modifier, le cas échéant, l'article 28, de façon à montrer clairement que ses dispositions n'exercent aucune influence sur les accords en vigueur découlant de traités bilatéraux d'extradition.
M. ROBINSON (Israël) fait observer que ce n'est pas par hasard que la clause relative à l'extradition qui figure dans le statut du Haut Commissariat a été omise dans le projet de convention. Ce dernier texte ne saurait affecter les accords bilatéraux en vigueur, conclus par deux Etats non contractants, mais la question se pose de savoir quel instrument primerait l'autre dans le cas où un gouvernement persécuteur ratifierait le projet de convention.
M. Robinson ne croit pas que la section E devrait être modifiée par l'insertion d'une clause relative à l'extradition; en signant la Convention, les Etats ont toujours latitude de formuler une réserve précisant que la Convention ne porte aucune atteinte à leurs droits ni aux obligations contractuelles qui leur incombent en vertu d'accords bilatéraux conclus précédemment en matière d'extradition.
M. HERMENT (Belgique) se range à l'opinion du représentant du Royaume-Uni. Il est nécessaire d'inscrire dans le projet de convention une disposition visant les traités d'extradition mais il faut préciser que ces traités doivent être respectés et doivent rester en dehors du cadre de l'article 28.
M. ROCHEFORT (France) ignore comment le Haut Commissaire pour les réfugiés a l'intention d'interpréter son statut en ce qui concerne les criminels de droit commun. Mais, si l'on oblige les Etats contractants à reconnaître la qualité de réfugié aux criminels de droit commun, il peut advenir que ces personnes soient considérées comme des réfugiés au titre de la Convention et ne le soient pas aux termes du mandat du Haut Commissaire.
M. HOARE (Royaume-Uni) reconnaît qu'il y a certains inconvénients à admettre des divergences entre la définition du terme "réfugié" contenue dans le statue du Haut Commissariat et celle qui figure dans la Convention. Néanmoins, il faut regarder la réalité en face. Il se révélera peut-être possible, dans l'avenir, de modifier le statut du Haut Commissariat.
M. ROCHEFORT (France) fait observer que la divergence des deux positions provient du fait que certaines délégations désirent que leur Gouvernement puisse refouler et expulser les réfugiés qui sont des criminels de droit commun, alors que le Gouvernement français voudrait pouvoir, sous certaines conditions, les accueillir sans être obligé, néanmoins, de leur accorder le bénéfice de la Convention. Pour la France, la définition est le crible du droit d'asile et c'est pourquoi elle y tient essentiellement.
M. van HEUVEN GOEDHART (Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés), fait remarquer que le représentant d'Israël a admis que la question pourra se poser de savoir si un Etat signataire est lié par les dispositions de la Convention ou par les obligation qu'il a assumées envers un autre Etat en vertu d'un traité d'extradition. Peut-être y aurait-il lieu d'aboutir à une décision explicite sur ce point et d'insérer cette décision dans le projet de Convention.
M. ROBINSON (Israël) souligne que la question comporte des considérations juridiques extrêmement complexes et qu'il pourrait y avoir quelque danger à mentionner les accords bilatéraux traitant exclusivement de l'extradition, à l'exclusion d'autres accords bilatéraux susceptibles d'être affectés par les dispositions de la Convention. La question pourrait être envoyée au Comité du style.
M. HERMENT (Belgique) fait observer qu'il ne s'agirait pas de citer, dans le projet de Convention, des traités d'extradition. Il suffirait de dire que la disposition en question ne s'applique pas aux cas d'extradition.
Le PRESIDENT, parlant en qualité de représentant du Danemark, déclare que s'il est fait explicitement mention, dans la Convention, des traités bilatéraux d'extradition, il y aura lieu d'y faire figurer également une clause applicable aux Etats qui, en vertu de leur système juridique interne, accordent l'extradition sans avoir conclu de traités à cet effet. Il faudrait tenir compte des deux méthodes.
M. van BOETZELAER (Pays-Bas) estime que le point soulevé par le Président, en sa qualité de représentant du Danemark, pourra être réglé, ainsi que l'a suggéré le représentant de la Belgique en faisant allusion à l'extradition d'une manière générale, sans mentionner des traités ou des accords.
Le PRESIDENT, parlant en qualité de représentant du Danemark, fait observer que l'Etat saisi d'une demande d'extradition relative à un réfugié que a commis un délit sans grande importance et émanant du gouvernement qui pourrait persécuter ce réfugié aura à prendre une décision très délicate. D'autre part, on ne saurait attendre d'un Etat qu'il accorde à des personnes ayant commis des crimes graves, pour la seule raison qu'elles se trouvent exposées en même temps à des dangers négligeables du fait d'une activité politique sans importance. Il y a lieu de maintenir un juste équilibre entre toutes les considérations en jeu.
M. HOARE (Royaume-Uni) désire vivement que la question de l'extradition qui, chacun l'admet, doit être résolue - soit dissociée de l'amendement du Royaume-Uni. Ce qui le préoccupe tout particulièrement, c'est que les personnes qui ont commis des délits dans leur pays d'accueil ne soient pas exclues de l'application de la Convention.
M. ROCHEFORT (France) pense que, les dispositions de l'article 28, ni les clauses des traités d'extradition ne réglant tous les problèmes.
La France donne asile à un certain nombre de ressortissants polonais condamnés pour des crimes graves et auxquels le Consulat polonais refuse un passeport. Cette raison n'est pas suffisante pour qu'on leur reconnaisse la qualité de réfugié Certaines délégations entendent reconnaître aux Etats contractants le droit d'expulser ou d'extrader des réfugiés se trouvant sur leur territoire mais elles leur contestent le droit de ne pas reconnaître la qualité de réfugié à des criminels de droit commun. Certes, il est difficile de comparer la situation des pays insulaires et celle des pays continentaux devant le problème des réfugiés. En ce qui la concerne, la France tient essentiellement à la barrière assurée par la section E et sans laquelle elle ne saurait adhérer à la convention. Il ne faut pas le Conseil économique et social et par l'Assemblée générale. Si la position de la France est aussi ferme sur ce point, c'est qu'elle est obligée de pratiquer le droit d'asile dans des conditions beaucoup plus difficiles que les pays se trouvant à même de pratiquer à leurs frontières un filtrage serré des immigrants.
M. ROBINSON (Israël)constate que le représentant de la République fédérale allemande a présenté son amendement (A/CONF.2/76) comme une modification, surtout de forme, et non de fond. Toutefois, cet amendement semble être dû à la crainte d'appeler les choses par leur nom; il remplace la référence faite au Statut du Tribunal militaire international par la mention d'autres sources à savoir la Convention de Genève du 12 août 1949 relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, trois autres Conventions de Genève, portant la même date, et la Convention sur le génocide du 9 décembre 1948-, ainsi que d'une définition des crimes contre la paix reproduite de l'article 6 du Statut de Londres, sans indication de source. Si l'on considère la question sous un angle purement juridique, deux questions se posent: y a-t-il, en fait, une différence quelconque de fond entre la section E de l'article premier et l'amendement présenté par le représentant de la République fédérale allemande et, dans la négative, quel sera l'effet juridique de l'omission de toute référence au Statut de Londres?
A l'égard de la première question, on remarquera que, pour ce qui est des crimes contre la paix, le texte de l'amendement est identique à celui du Statut de Londres. Quant aux crimes de guerre dans le sens étroit de l'expression, il y a de légères divergences entre les dispositions de l'article 147 de la Convention de Genève et l'article 6, alinéa b) du Statut de Londres, bien que le texte de la Convention ait certainement été influencé par celui du Statut.
Pour ce qui est des crimes contre l'humanité, tels qu'ils sont définis à l'article III de la Convention sur le génocide et par la Convention de Genève de 1949 d'une part, et par le Statut de Londres, d'autre part, il y a des divergences significatives. L'article 147 de la Convention de Genève donne une énumération limitative de ces infractions ; en revanche, l'article 6, alinéa c) du Statut de Londres fait allusion à "tout autre acte inhumain", l'interprétation de cette formule étant laissée aux tribunaux. Il y a encore d'autres divergences: la Convention de Genève ne mentionne pas les persécutions pour des raisons politiques, raciales ou religieuses, et a trait à des actes commis en "cas de guerre" - conformément aux définitions des articles 2 et 3- alors que l'article 6, alinéa c) du Statut de Londres s'applique aux crimes commis "avant ou pendant la guerre". Enfin, la Convention de Genève ne prévoit que les crimes commis par l'ennemi dans les territoires occupés alors que le Statut de Londres vise les crimes commis contre toutes les populations, y compris celle de l'Etat contractant intéressé.
Même si la section E de l'article premier du projet de convention devait reproduire dans sa totalité l'article 6 du Statut de Londres, il se présenterait néanmoins des difficultés sérieuses, car la compétence de la Conférence se limite à l'établissement d'un statut juridique des réfugiés. Elle n'est pas appelée à légiférer sur des questions de droit pénal international, ni à définir les crimes internationaux et à les faire figurer dans des dispositions qui excluraient certaines catégories de personnes du champ d'application de la convention. Toutefois, il n'y a rien qui empêche la Conférence de faire allusion, dans la Convention, à des instruments en vigueur qui formulent des principes de droit international et c'est peut-être cette considération qui a engagé la délégation de la République fédérale allemande à mentionner la Convention de Genève et la Convention sur le génocide, au lieu de reproduire le texte de l'article 6, alinéas b) et c) du Statut de Londres. Dans son amendement, toutefois, cette délégation ne donne aucune indication quant aux sources de sa définition des crimes contre la paix.
Aucune source de droit pénal international ne fait davantage autorité et n'est plus largement reconnue que le Statut de Londres, et il serait extrêmement dangereux de supprimer toute référence à ce texte. En outre, il serait impossible d'appliquer et d'interpréter les dispositions de la section E de l'article premier sans se reporter à ce statut. La documentation connexe, telle que les documents réunis au cours des travaux préparatoires du Tribunal militaire international et les archives de Nuremberg et d'autres procès , contribuera à déterminer quels sont les actes criminels commis par les Etats, la responsabilité pénale des fonctionnaires des gouvernements, la valeur qu'il convient d'attacher aux arguments tels que "les ordres supérieurs", "la contrainte", "la nécessité", "la primante de l'intérêt national" ou "la situation critique du pays". Supprimer toute référence à l'article 6 du Statut de Londres rendrait lettre morte la section E. Le représentant d'Israël ne croit pas que l'état actuelles affaires mondiales justifie une telle mesure.
On a soutenu, pour défendre la section A de l'article premier du projet de convention, qu'il convenait de s'en tonner aux décisions de la majorité des Nations Unies; cet argument s'applique certainement avec beaucoup plus de force encore à la section E. L'Assemblée générale a réaffirmé , à deux reprises, les principes de Nuremberg qui n'ont jamais été remis en question depuis lors. M. Robinson considère qu'indépendamment de considérations juridiques d'une valeur incontestables, il est du devoir de la Conférence, en tant qu'organisme convoqué par l'Assemblée générale, de rejeter l'amendement soumis par le représentant de la République fédérale allemande.
M. ROCHEFORT (France) suggère que l'amendement présenté par la délégation de la République fédérale allemande soit examiné par un groupe de travail.
Le PRESIDENT juge opportune la proposition à l'encontre de la proposition française. L'ensemble de la section E pourrait fort bien être examiné par le groupe de travail, qui tiendrait également compte des points qui ont été soulevés, au sujet de l'extradition, par d'autres représentants et par lui-même à propos de l'amendement du Royaume-Uni.
M. del DRAGO (Italie) appuie la proposition du représentant de la France.
M. CHANCE(Canada) se prononce, lui aussi, en faveur de la proposition du représentant de la France. Il lui semble que toutes les délégations se préoccupent très vivement de l'éventualité dans laquelle des réfugiés ou des personnes présumées telles s'introduiraient dans un pays pour y attenter à la sûreté de l'Etat. Le groupe de travail pourrait envisager l'inclusion d'une référence appropriée à l'article 30 de la Déclaration universelle des droits de l'homme.
Le PRESIDENT propose que le groupe de travail soit nommé immédiatement et qu'il comprenne les représentants de la France, d'Israël, de la République fédérale d'Allemagne et du Royaume-Uni. Le Haut-commissaire pour les réfugiés devrait également être invité à participer aux discussions du groupe de travail concernant l'alinéa b) de la section E, qui auront des répercussions sur la définition employée dans le Statut du Haut-Commissariat.
A l'unanimité, la proposition du Président est adoptée.
Le PRESIDENT attire ensuite l'attention des représentants sur les amendements à la section F de l'article premier présentés par les délégations belge et yougoslave (A/CONF.2/79 respectivement).
M. ROBINSON (Israël) fait observer que les sections B,C,D et E ont toutes un caractère restrictif, à l'inverse de la section F. Le représentant de la Yougoslavie a sans doute raison de penser que, à moins que la section F ne s'entende sous réserve des dispositions de la section E, de nouvelles catégories de réfugiés créées à l'avenir pourront être considérées comme exemptes de toute restriction. D'autre part, il y a quelque danger à y inclure les mots proposés par ce représentant car ils pourraient s'interpréter comme signifiant "sous réserve des dispositions de la section E exclusivement". Il prie le représentant yougoslave de vouloir bien examiner de nouveau son amendement sous cet angle. A son avis, la section F devrait venir logiquement après la section A. Ainsi, l'amendement yougoslave à la section E ne donnerait lieu à aucun malentendu.
M. ROCHEFORT (France) dit que, si la proposition d'Israël pouvait être acceptée par la Yougoslavie, tout serait pour le mieux. Maux l'amendement yougoslave répond à des préoccupations partagées par la France. Lorsqu'on suit l'évolution du texte du projet de convention, on constate que le paragraphe F n'est plus qu'une survivance et qu'il n'a plus de sens, maintenant que la définition de l'article premier a été élargie. De quelles autres catégories de personnes peut-il, en effet, être question maintenant Il semble que l'on ait déjà prévu toutes les catégories de réfugiés auxquels on peut donner la qualité de réfugiés internationaux, en dehors de ceux qui se trouvent obligatoirement et malheureusement exclus en vertu de la section C. Il est certain que les Nations Unies n'ont pas l'intention d'appliquer les dispositions de la convention à des réfugiés matinaux tels que les réfugiés en Allemagne, dans l'Inde et au Pakistan. La section F de l'ait le premier semble, cependant , impliquer que l'on a laissé hors de la convention certaines catégories de réfugiés internationaux, ce qui n'est pas le cas.
En tout état de cause, l'amendement belge à la section F constitue une formule plus satisfaisante que le texte actuel. Il manifeste, en effet, une certaine délicatesse à l'égard des Etats contractants puisqu'il prévoit que, si un Etat contractant décide d'appliquer le terme «réfugié» à d'autres catégories de personnes, il en fera part au Secrétaire général des Nations Unies qui invitera les autres Etats contractants à lui faire savoir s'ils acceptent cette extension.
M. ROBINSON (Israël) fait observer qu'entre la définition du terme «réfugié» telle qu'elle figure dans le statut du Haut-Commissariat pour la Conférence, il existe une divergence sur la projet de Convention examiné par la Conférence, il existe une divergence sur la question de date. Dans le projet de convention, il s'agit d'événements antérieurs au le janvier 1951; or, aucune date n'est mentionnée dans le statut du Haut-Commissariat. C'est pour donner aux activités du haut-commissaire une base juridique plus étendue que l'Assemblée générale a cru devoir inclure dans la convention relative au statut des réfugiés une disposition qui permet d'en étendre les effets, à savoir la section F.
M. ROCHEFORT (France) ne pense pas ce soit là les raisons qui ont conduit à l'introduction de la section F. La France n'a pas d'objection sérieuse à ce texte, à condition toutefois qu'il ne soit pas considéré comme autorisant l'Assemblée générale à placer sous le mandat du haut-commissaire les réfugiés auxquels le représentant de la France a fait tout à l'heure allusion.
Si l'on envisage des événements qui peuvent se produire postérieurement au le janvier 1951, il ne peut s'agir que d'événements qui bouleverseraient une nouvelle fois le monde et, dans ce cas, il est probable qu'une nouvelle conférence de plénipotentiaires devra se tenir.
M. HERMENT (Belgique) désire que l'on conserve la possibilité d'une extension dans le temps. C'est dans cette intention que la Belgique a présentée son amendement à la section F de l'article premier.
M. MAKIEDO (Yougoslavie) attache une grande importance aux dispositions restrictives de la section E. Il appuie les observation du représentant de la France, mais ne peur accepter l'amendement du Royaume-Uni (A/CONF.2/74) qui étendrait le bénéfice de la convention à des réfugiés coupables de crimes de droit commun et, dans le cas où la première variante du Royaume-Uni serait acceptée, à des personnes coupables d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies.
Pour les mêmes raisons que celles qui ont été données par le représentant d'Israël à la section E, présenté par la délégation de la République fédérale allemande, il ne peut accepter l'amendement. Etant donné la place où se situe la section F dans le projet original, il est nécessaire de spécifier que toutes les extensions possibles du terme "réfugié" tombent sous le coup des réserves exclusives indiquées à la section E, cm le propose l'amendement yougoslave. Cela permettrait d'éviter, par la suite, tout malentendu. D'ailleurs, même si l'on plaçait la section F immédiatement après la section A, l'amendement yougoslave serait, à son avis, tout aussi nécessaire.
M. CHANCE (Canada) attire l'attention des représentants sur une difficulté technique, à savoir qu'on ignore encore la portée exacte de section E.
Le PRESIDENT pense, comme M. MAKIEDO (Yougoslavie) que ce point pourrait être laissé en suspens pour le moment, et, puisque la Conférence a poussé l'étude sur l'article l aussi loin qu'elle peur l'être actuellement, il propose de reprendre l'examen de l'article 2.
Il en est ainsi décidé
ii) Article 2 - (Obligations fédérales) (suite de la quatrième séance).
M. ROCHEFORT (France) fait observer que la délégation de la France, ayant reporté ses objections sur l'article 28 (Défense d'expulsion), a retiré son amendement (A/CONF.2/18) à l'article 2.
Le PRESIDENT met aux voix l'article 2.
Par 24 voix contre zéro, avec une abstention, l'article 2 est adopté.
iii) Article 3 - Non discrimination ( A /CONF.2/28, A/CONF.2/72) (suite de la dix-huitième séance)
Le PRESIDENT attire l'attention de la Conférence sur le rapport du Comité chargé d'examiner l'article 3 (A/CONF.2/72) Et, en particulier, sur les six possibilités de choix qui s'offraient au Comité (Paragraphe 5 ).
M. ROCHEFORT (France) se prononce en faveur du texte figurant à l'alinéa (6) du paragraphe 5 du rapport du Comité chargé de l'examen de l'article 3. Il conviendrait, toutefois, d'ajouter à ce texte une précision qui pourrait être formulée ainsi "et sans préjudice, en ce qui concerne le pays d'origine, de la déclaration figurant à l'article premier". Sans cette précision, le nouvel article et l'article premier se trouveraient en contradiction car on pourrait faire valoir que le fait que certains pays n'appliqueraient la Convention qu'à l'égard des réfugiés européens constituerait une discrimination.
M. HOARE (Royaume-Uni) reconnaît le bien-fondé de l'argument du représentant de la France, mais impenses que le texte du Comité (paragraphe 5(6)) répond suffisamment à la préoccupation de son collègue ; en effet, les Etats contractants sont tenus d'appliquer les dispositions de la convention aux personnes définies à l'article premier, sans distinction de pays d'origine, de race, etc. L'article premier prévoit maintenant que les Etats pourront choisir entre deux possibilités pour ce qui est de la portée géographique de la convention ; il en résulte que la clause de non discrimination ne s'appliquera qu'aux réfugiés dans le sens que l'Etat contractant aura donné à ce terme en choisissant l'une des deux définitions géographiques.
M. ROCHEFORT (France) pense que l'amendement qu'il a suggéré est essentiel. En réponse à une question du PRESIDENT, il déclare qu'il pourra présenter un peu plus tard un texte écrit.
M. ROBINSON (Israël) , prenant la parole sur une motion d'ordre, propose que, si le représentant de la France n'y voit d'objection, la Conférence passe au vote sur le fond de l'article 3, compte tenu des modifications de forme qui pourraient y être apportées.
Le PRESIDENT demande au représentant de la France s'il veut bien accepter cette procédure; ce dernier accepte. Le Président attire ensuite l'attention des représentants sur le paragraphe 5(6) du rapport du Comité.
M. HERMENT (Belgique) tient à ce que le vote porte uniquement sur le texte tel qu'il est présenté, à l'exclusion des modifications qui pourraient être apportées à ce texte par le Comité du style et qui pourraient fort bien ne pas être seulement des modifications de forme.
M. ROCHEFORT (France) dit que, dans ces conditions, il s'abstiendra lors du vote sur le projet de nouvel article.
M. HERMENT (Belgique) indique que la délégation de la Belgique entend faire toutes réserves sur un texte qui sera modifié par le Comité du style.
Le PRESIDENT fait observer que tous les votes qui ont eu lieu jusqu'à présent portent sur le texte dans sa première varois; les représentants restent libres de modifier leur attitude selon les textes préparés par le Comité du style. Il met alors aux voix le nouvel article 3 tel qu'il figure au paragraphe 5(6) du rapport du Comité.
Par 21 voix contre zéro, avec 3 abstentions, le nouvel article 3 est adopté.
M. MAKIEDO (Yougoslavie ) explique qu'il s'est abstenu parce que son amendement, qui visait à empêcher les discriminations de tous ordres n'a pas été adopté; il ne peut voter en faveur d'un texte qui, tout en interdisant la discrimination en raison de la race et du pays d'origine, laisse la porte ouverte à d'autres formes de discrimination.
M. MAHER (Egypte) déclare que sa position est analogue à celle du représentant de la Yougoslavie. La délégation égyptienne, elle aussi, présenté un amendement à l'article 3 (A/CONF.2/28) qui n'a pas été retenu.
iv) Article 3 B ( suite de la sixième séance)
Le PRESIDENT rappelle que la Conférence a décidé d'ajourner l'examen de l'article 3 B en attendant la préparation d'un texte par les représentants du Royaume-Uni et d'Israël. Malheureusement, le Secrétariat n'a pas encore pu traduire et distribuer ce texte. Il propose donc, en attendant, que la Conférence passe à l'article 4.
Il en est ainsi décidé.
v) Article 4 - Dispense de réciprocité (A/CONF.2/32) (suite de la sixième séance)
M. van BOETZELAER (Pays-Bas) rappelle qu'à l'origine, il a appuyé l'amendement franco- belge à l'article 4 (A/CONF.2/32), mais il s'est aperçu, depuis lors que certains points demandent à être éclaircis. D'après le premier paragraphe de l'amendement franco- belge, certains réfugiés continueraient à bénéficier de la réciprocité dont ils bénéficiaient déjà. Ceci s'entend de la réciprocité législative mentionnée au second paragraphe, aussi bien que de la réciprocité diplomatique et de la réciprocité de facto. D'autre part, d'après le même amendement, les nouveaux réfugiés ne bénéficieraient de la dispense de réciprocité législative qu'après un délai de résidence de trois ans dans le pays d'accueil. Le représentant des Pays-Bas comprend les raisons pour lesquelles certains Etats croient devoir limiter anis les droits des nouveaux réfugiés, mais il fait observer qu'il y a d'autres Etats qui envisagent la possibilité d'étendre l'ailée de réciprocité même aux réfugiés non couverts par le statut. Il demande donc aux auteurs de l'amendement de supprimer le mot «législative»; les pays qui jugeraient indispensable de maintenir ce mot pourront faire une réserve à ce sujet.
En second lieu, le paragraphe 3 de l'article 4 n'amendent n'ont pas clairement expliquée. Enfin, M. van Boetzelaer demande au représentant de la Belgique s'il ne pense pas qu'il serait utile d'ajouter un paragraphe supplémentaire relatif aux accords régionaux réciproques qui existent entre certains groupes de pays, tels que le Bénélux et les pays scandinaves.
M. HERMENT (Belgique) ne pense pas qu'une clause concernant les accords régionaux, puisse figurer dans le projet de Convention. Il sera toujours possible aux Etats contractants qui le désirent de faire, sur ce point, une réserve au moment de la signature.
En ce qui concerne le paragraphe 3 de l'article 4, dont le sort préoccupe le représentant des Pays-Bas, il n'est nullement dans les intentions de la Belgique de le supprimer. L'amendement franco- belge à l'article 4 ne porte en effet que sur le second paragraphe de cet article. L'amendement conjoint de la France et de la Belgique n'entend pas écarter la réciprocité de fait. Pour ce qui est de la réciprocité diplomatique, le représentant de la Belgique a reçu des instructions précises de son Gouvernement pour l'écarter. Toutefois, si l'amendement franco- belge est rejeté, le représentant de la Belgique se réserve la possibilité de faire une nouvelle proposition sur ce point.
M. van BOETZELAER (Pays-Bas) n'insiste pas sur l'inclusion du paragraphe supplémentaire relatif aux accords régionaux, mais il pense qu'il faudrait supprimer le mot "législative" qui figure dans l'amendement franco- belge.
M. ROCHEFORT (France) désirerait savoir combien de pays pratiquent la dispense de réciprocité législative, aux termes de la Convention de 1933 ; il est certain que leur nombre doit être fort restreint, car la position de dispense est exceptionnelle. Le débat actuel est donc purement théorique. En tout état de cause, il est préférable d'éviter la possibilité de réserves sur ce point.
M. WARREN (Etats-Unis d'Amérique) fait observer que si l'on supprime le mot "législative" le texte de l'amendement commun sera à peu près le même que le texte original de l'article 4.
M. HERMENT (Belgique) dit qu'à son avis, le sous-amendement des Pays-Bas à l'amendement franco- belge ne constitue pas une modification de fond, mais seulement une modification de forme qui, d'ailleurs, n'améliorerait pas le texte.
M. von TRÜTZSCHLER (République fédérale allemande ) fait observer que, dans le texte original, il est dit "depuis un certain délai", tandis que l'amendement précise "après un délai de résidence de trois ans".
Le PRESIDENT répond qu'on pourra voter séparément sur le membre de phrase qui mentionne la durée du délai.
Le SECRETAIR EXECUTIF signale que, dans la Convention de 1933, l'article 14, qui a trait à la dispense de réciprocité, avait fait l'objet de réserves de la part de la Belgique, du Danemark, de la Norvège, du Royaume-Uni et de la Tchécoslovaquie, mais qu'aucune réserve n'avait été formulée par la Bulgarie, la France et l'Italie.
M. HOARE (Royaume-Uni) précise que le Royaume-Uni a fait alors une réserve simplement parce que l'article en question ne trouvait pas son application dans le Royaume-Uni.
M. ROCHEFORT (France) estime qu'il est difficile de voter sur ce point avant de savoir exactement à quilles sortes de dispenses de réciprocité l'on s'engage.
Le PRESIDENT met aux voix la proposition du représentant des Pays-Bas tendant é ce que le mot "législative" soit supprimé de l'amendement franco- belge (A/CONF.2/32).
Par 5 voix contre 3, avec 15 abstentions, l'amendement est rejeté.
Le PRESIDENT propose de mettre aux voix l'expression limitative "après un délai de résidence de trois ans".
M. HERMENT (Belgique) demande pourquoi l'on ne vote pas sur le texte de l'amendement commun, tel qu'il figure dans le document A/CONF.2/32. On pourra voter ensuite séparément sur la question du délai de résidence.
Le PRESIDENT pense que certains représentants seraient disposés à appuyer l'amendement si la mention d'un délai de résidence de trois ans était supprimée.
M. ROCHEFORT (France) estime qu'au stade actuel des débats, rien ne permet d'affirmer que la question du délai a été examinée. Selon lui, on ne peut donc pas disjoindre la question du délai de trois ans du reste de l'amendement franco- belge.
Par 9 voix contre 5 avec 11 abstentions, l'amendement franco- belge (A/CONF.2/32 est adopté.
Par 20 voix contre zéro, avec 4 abstentions, l'article 4, ainsi amendé est adopté.
vi) Article 5 - Dispense de mesures exceptionnelles (A/CONF.2/37,A/CONF.2/83). (suite de la septième séance)
Le PRESIDENT rappelle que l'examen de l'article 5 a été renvoyé, sur la demande du représentant du Royaume-Uni qui désirait présenter un amendement. Cet amendement fait l'objet du document A/CONF.2/83; la délégation suédoise a également présenté un amendement à l'article 5 (A/CONF.2/37). M. PERSSON (Suède) demande à la Conférence de vouloir bien renvoyer au lendemain l'examen de l'amendement de la Suède, étant donné que chef de la délégation suédoise est absent.
M. HOARE (Royaume-Uni) appuie la proposition du représentant de la Suède, d'autant plus que les membres de la Conférence n'ont pas eu le temps nécessaire pour étudier son propre amendement (A/CONF.2/83).
La proposition du représentant de la Suède est adoptée.
La séance est levée à 12h. 45.
[1]1 Voir le compte rendu analytique dela vingt-et-unième séance (A/CONF.2/SR.21)