Déclaration du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Filippo Grandi, à l'occasion de l'anniversaire du naufrage près de Lampedusa
Aujourd'hui à Lampedusa, des représentants du HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, se sont joints à la société civile, aux autorités locales et nationales, aux survivants du naufrage et à des sympathisants italiens pour marquer la Journée nationale du souvenir et de la réception, décrétée en 2016 en l'honneur des 368 réfugiés et migrants qui ont péri dans le naufrage de leur bateau au large des côtes de Lampedusa le 3 octobre 2013 et de toutes les autres personnes qui ont perdu la vie en traversant la Méditerranée.
Le nombre de personnes qui entreprennent la traversée vers l'Europe a considérablement diminué durant les dernières années, surtout via la Méditerranée centrale. Parallèlement, le nombre de vies perdues en mer a proportionnellement augmenté. Plus tôt cette semaine, nous avons passé le cap tragique de plus de 1000 personnes ayant péri en mer en 2019, la grande majorité d'entre elles entre la Libye et l'Europe. Depuis le début de 2014, plus de 15 000 personnes sont mortes en Méditerranée centrale pour tenter d'atteindre la sécurité.
Nous pouvons et nous devons mieux faire.
Le HCR réaffirme sa position selon laquelle il faut rétablir d'urgence l'entière capacité de recherche et de sauvegarde en Méditerranée. Cela implique notamment la remise en service d'un navire européen chargé des opérations de recherche et de sauvegarde. Les moyens aériens pourraient apporter un soutien hautement nécessaire, bien qu'ils soient incapables de faire quoi que ce soit pour sauver des personnes en détresse en mer. Tous les États du bassin méditerranéen doivent assumer leurs responsabilités et s'assurer que les personnes soient secourues et débarquées dans les plus brefs délais, la priorité majeure étant d'éviter toute perte de vie humaine.
Il est temps de remercier nos ONG partenaires et de rendre hommage au rôle crucial qu'elles ont joué durant les dernières années pour éviter que le bilan des victimes ne soit pire encore. Lorsque leurs navires touchent terre après avoir secouru des êtres humains en mer, ils ne devraient pas être saisis, pas plus que leurs équipages ne devraient être arrêtés. Il convient d'applaudir leurs efforts, et non de les criminaliser ou de les stigmatiser.
Le HCR accueille avec satisfaction les discussions récemment engagées entre les États en vue de l'établissement d'une approche régionale du débarquement des personnes secourues en mer. N'oublions pas que secourir des gens signifie les sortir de l'eau et les acheminer vers des lieux où ils seront en sécurité sur la terre ferme. Nous espérons que la prochaine réunion du Conseil Justice et Affaires intérieures, le 8 octobre, ouvrira sur de nouvelles avancées, dans un esprit de partage des responsabilités et de solidarité.
Par ailleurs, des efforts doivent être engagés pour s'attaquer aux causes premières des déplacements, notamment par un renforcement de l'aide apportée aux pays d'asile et de transit et d'un regain d'efforts pour instaurer et maintenir la paix.
Enfin, vu la violence régnant actuellement en Libye, il convient de rappeler que les personnes secourues en mer ne peuvent y être renvoyées en toute sécurité. Depuis avril, les violences vont croissant, exacerbant une situation déjà volatile. Tant que cette situation n'a pas radicalement évolué, la Libye ne peut être considérée comme un lieu de débarquement sûr pour les personnes secourues en mer.
Trois mois après la frappe aérienne sur le centre de détention de Tajoura qui a coûté la vie à plus de 50 réfugiés et migrants qui y étaient détenus, les personnes secourues et interceptées en mer par les garde-côtes libyens continuent d'être ramenées vers la Libye et systématiquement maintenues dans des centres de détention où elles sont soumises à d'horribles conditions, à d’intolérables abus des droits de l'homme et à la menace croissante de se retrouver piégés au cœur des hostilités. Le HCR continue d'appeler à la clôture de tous les centres de détention. Le décret pris le 1er août par le Ministère de l'intérieur en vue de la clôture de trois centres de détention constitue une avancée positive qu'il convient désormais de mettre en application.