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Saltan c. C.P.A.S. de Bruxelles

Publisher Belgium: Chambre de recours de Brabant
Author Chambre de Recours de Brabant
Publication Date 13 March 1987
Cite as Saltan c. C.P.A.S. de Bruxelles, Belgium: Chambre de recours de Brabant, 13 March 1987, available at: http://www.refworld.org/cases,BEL_CRB_BRABANT,3ae6b7060.html [accessed 25 June 2017]
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CHAMBRE DE RECOURS - Brabant.

 13 mars 1987

Siég.

: MM. Schittecatte, président - Van Itterbeek, Hujoel-Lagneau, Sand, membres effectifs.

Pl.

: Nimal, Funck.

REFUGIE - AIDE SOCIALE - DECISION ILLEGALE DES C.P.A.S. BRUXELLOIS - OBLIGATION D'EXAMINER CHAQUE DOSSIER INDIVIDUELLEMENT.

La décision du 28 octobre 1986 par l'ensemble des C.P.A.S. bruxellois de refuser l'aide sociale aux candidats - réfugiés résidant régulièrement sur le territoire est illégale, tant sur le plan national qu'international. Chaque dossier doit être examiné individuellement et il n'entre pas dans les attributions du C.P.A.S. d'exclure certains groupes sur base d'une appréciation de la situation globale.

Le requérant d'origine turque arménienne, est arrivé en Belgique le 8 novembre 1986, accompagné par son épouse et trois enfants, le quatrième étant né dans notre pays le 12 novembre 1986;

-           ont sollicité l'obtention du statut de réfugié politique;

-           ont été hébergés par des compatriotes, bénéficiant eux aussi de l'aide sociale;

-           étant sans ressources, ont sollicité l'intervention du C.P.A.S. en date du 28 octobre 1986; par décision confirmée individuellement le 9 décembre 1986 et notifiée aux demandeurs le 19 décembre 1986, cette aide a été refusée en exécution de la décision du Conseil de l'Aide sociale du 28 octobre 1986 de ne plus accepter aucune demande d'aide de candidats-réfugiés politiques qui se sont fait connaître après le 28 octobre 1986;

-           l'intéressé est toujours hébergé chez des compatriotes tandis que son épouse et leurs quatre enfants demeurent en maison d'accueil à charge de l'O.N.E.;

1. La décision du 28 octobre 1986 par l'ensemble des C.P.A.S. de la région bruxelloise.

Telle qu'elle est rapportée par les conclusions du défendeur elle révèle à la fois une incohérence sérieuse, une usurpation de compétence manifeste, une méconnaissance de la législation pour ne pas parler d'une hypocrisie assez écoeurante.

L'incohérence découle de la constatation évidente que les candidats-réfugiés résident bel et bien sur le territoire de la commune en cause mais qu'il leur incombe d'aller demander de l'aide ailleurs.

L'usurpation de compétence est ici le fait d'un pouvoir qui s'arroge unilatéralement le droit d'intervenir dans l'exécution d'une législation qui n'est en rien de son ressort.

La méconnaissance de la législation est multiforme. L'on feint d'oublier que la norme d'application est de droit international et qu'elle place le réfugié et le candidat-réfugié sur un plan de stricte - avec les nationaux; qu'en principe du mois, le candidat-réfugié n'obtient pas de titre lui permettant de travailler; que l'aide sollicitée enfin, ne dépend nullement d'une inscription au registre des étrangers que les autorités communales diffèrent ou refusent avec un arbitraire évident.

2. Il est exact que le nombre de candidats-réfugiés s'accroît non seulement en Belgique mais aussi dans les pays limitrophes. Cette constatation ne modifie cependant en rien les obligations des C.P.A.S. qui sont tenus d'intervenir dès lors que le candidat-réfugié a reçu des autorités compétentes l'accès au moins temporaire du territoire belge et qu'il se trouve dans des conditions requises pour obtenir l'aide sociale qui serait accordée à un ressortissant belge.

3. Sans doute le C.P.A.S. défendeur peut-il citer une série de voies de fait imputables à d'autres C.P.A.S. et tout aussi illégales; leur nombre ne les rend cependant pas plus légales pour autant.

4. En vain le C.P.A.S. invoquerait-il le fait indéniable que l'Etat règle avec un retard considérable les montants qu'il doit incontestablement aux C.P.A.S. du chef de leurs interventions en faveur des réfugiés et candidats-réfugiés, dès lors que le C.P.A.S. défendeur dispose de moyens financiers, il ne peut les réserver à certaines catégories de bénéficiaires, mettant ainsi à mal le principe de la justice distributive qu'il invoque.

5. En vain également évoque-t-on le «risque» de détournement de trois législations, en méconnaissant la protée des engagements internationaux souscrits par l'Etat en faveur des réfugiés il y a plus de 35 ans, engagements qui constituent une norme de droit supérieure à la norme nationale et que ni l'administration ni le juge ne peuvent transgresser.

6. En tout état de cause, l'on ne voit pas comment pourrait être justifié le refus de toute aide sociale alors qu'il est patent, même si le défendeur préfère ne pas le faire constater par ses préposés.

Que si cette aide n'est pas accordée, les demandeurs seront dans l'impossibilité absolue de mener une vie conforme à la dignité humaine.

À cet égard, il convient de relever que la demande de reconnaissance de la qualité de réfugié politique implique logiquement l'absence de responsabilité du demandeur dans l'état de dénuement plus ou moins total qui est le sien et celui de sa famille. Il n'entre pas dans les attributions du C.P.A.S. de se substituer aux autorités compétentes pour reconnaître la qualité de réfugié politique. Dès lors que ces autorités ont admis que la demande d'asile était recevable en la forme et qu'elle devait être instruite, cette première décision exclut nécessairement que le C.P.A.S. puisse considérer, lorsque l'aide sociale est nécessaire que le candidat-réfugié a une part ou toute responsabilité de la situation qui est la sienne et celle de sa famille, faute de quoi - dans la thèse même développée de manière particulièrement abusive en l'espèce - le C.P.A.S. pourrait reprocher au candidat d'être un opposant politique dans son pays voire de pratiquer une religion qui n'est pas celle de la majorité puisqu'il lui est loisible de ne pas faire de politique voire d'apostasier.

A cet égard encore, il convient de remarquer que nombre de réfugiés, et de candidats-réfugiés souhaitent être mis au travail. Indépendamment du fait qu'en principe le candidat-réfugié ne peut obtenir de permis de travail, il est bien évident que sa situation exclut au moins pendant les quelques mois qui lui sont nécessaires pour s'acclimater et apprendre à se débrouiller dans l'une ou l'autre des langues du pays, qu'un employeur quelconque soit disposé à l'embaucher.

7. Sont particulièrement irrelevantes les considérations du défendeur suivant lesquelles l'on se trouverait dans le cas «d'arrivées massives». Cette situation vise le cas de migrations involontaires de population, chassée par les conflits internes notamment ou les guerres et qui jettent sur les voies de l'exode des populations entières.

8. La disposition du code civil invoquée par le défendeur n'est pas moins irrelevante et même dans la portée fantaisiste qui lui est donnée par l'auteur des conclusions: on ne voit pas en quoi l'équité invoquée serait servie par le refus pur et simple de toute aide à certains demandeurs.

9. D'ailleurs, la décision est toute entière illégale en ce que la situation individuelle du demandeur n'est ni examinée ni invoquée pour justifier le refus qui lui est opposé.

10. Quant à l'état de nécessité invoqué, soit «le but qui domine(rait) la règle elle-même» on cherche en vain dans le galimatias juridique qui enrobe son énoncé, la moindre trace de son existence. Outre le fait qu'on voit mal comment un service public subordonné, qui n'est au surplus qu'un intermédiaire puisse l'invoquer pour permettre au tiers débiteur - qui ne le demande pas - d'échapper à ses engagements internationaux, alors que l'on sait que cet état de nécessité n'est invoqué qu'à l'égard d'une catégorie de bénéficiaires potentiels, lesquels n'émargent au budget que pour des sommes très modérées qui se traduisent d'ailleurs immédiatement en dépenses de première nécessité par les bénéficiaires voire en loyers et en fourniture d'énergie génératrices de profits pour les tiers.

PAR CES MOTIFS,

 LA CHAMBRE DE RECOURS,

Vu la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d'aide sociale;

Vu l'arrêté royal du 9 mars 1977 relatif aux chambres de recours;

Statuant contradictoirement,

Dit pour droit que le demandeur et sa famille, candidats-réfugiés politiques doivent bénéficier de l'aide sociale qui est accordée aux nationaux.

Fixe cette aide à un montant équivalent au minium de moyens d'existence au taux ménage avec effet au 1er mars 1987, augmenté d'un montant égal à celui des allocations familiales garanties, éventuellement récupérables au cas d'attribution de ces allocations.

Et, compte tenu de l'aide accordée au père de famille par des compatriotes qui sont eux-mêmes fortement démunis et escomptent se voir rembourser des dépenses ainsi occasionnées, octroye à ce demandeur, avec effet du 1er janvier 1987 au 28 février 1987 une aide équivalente au minimex, taux isolé.

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