En Jordanie, la santé des réfugiés syriens en péril après une hausse des frais médicaux

La forte hausse du coût des soins de santé conduit des Syriens comme Walaa, 24 ans, à faire l'impasse sur des examens médicaux essentiels et mettre leur vie en danger.

Pour les réfugiés en Jordanie, la forte hausse du coût des soins de santé a conduit des Syriens comme Walaa, 24 ans, à faire l'impasse sur des examens médicaux essentiels et mettre leur vie en danger.
© HCR/Mohammad Hawari

Née avec une malformation cardiaque congénitale qui prive son corps d'oxygène et la laisse désespérément faible avec un teint bleu pâle, Walaa, une réfugiée syrienne de 24 ans, passe beaucoup de temps dans les hôpitaux.


Il y a trois ans, lorsque sa famille a finalement fui le centre de la Syrie, au milieu de violentes frappes aériennes après deux ans de déplacement interne, le voyage périlleux vers la sécurité en Jordanie l'a épuisée au point qu'elle a été transportée aux urgences dès le passage de la frontière.

Depuis lors, elle se rend régulièrement à l'hôpital local de Zarqa, une ville située à 25 kilomètres au nord-est d'Amman, la capitale, où vit actuellement sa famille. Toutefois, plus tôt cette année, une forte hausse des frais médicaux pour les réfugiés syriens a forcé Walaa à prendre des risques pour sa santé.

« L'état de santé de ma fille nécessite des soins hospitaliers, mais nous ne pouvons pas nous permettre de payer ces coûts à chaque fois », explique sa mère Rima, 45 ans. « Dans le passé, nous ne payions qu'une petite somme à l'hôpital mais maintenant, nous payons beaucoup. »

La Jordanie accueille plus de 673 000 réfugiés syriens enregistrés, dont beaucoup sont arrivés au début du conflit meurtrier en Syrie, qui en est à sa huitième année. De plus, 86 000 réfugiés d'autres nationalités, dont des Irakiens, des Soudanais, des Yéménites et des Somaliens, sont actuellement accueillis dans le Royaume.

Le fardeau financier que représente l'accueil de tant de réfugiés depuis si longtemps a mis à rude épreuve le pays et son infrastructure, y compris les hôpitaux et les cliniques publics. Après avoir subventionné, pendant des années, les services de santé aux réfugiés syriens à un généreux taux, le gouvernement a été contraint, en février dernier, d'augmenter le coût des soins administrés dans les établissements du ministère de la Santé. Les coûts ont augmenté jusqu'à cinq fois leur niveau précédent.

« En tant que réfugiés, ils n'ont pas les moyens de payer cette hausse. »

N'ayant plus les moyens de payer les examens hospitaliers réguliers dont Walaa avait besoin, la famille a commencé à consulter un médecin local pour obtenir directement des médicaments et faire des économies. Mais les conséquences de cette démarche se sont révélées lorsqu'elle s'est récemment rendue à l'hôpital pour son premier examen de santé approprié depuis la hausse des coûts.

Selon les tests, son taux d'oxygène dans le sang était dangereusement bas et elle avait développé une infection thoracique. Elle a été admise dans une unité de soins spécialisés pour la nuit. « Après un examen par des médecins aujourd'hui, ils ont dit qu'elle doit rester à l'hôpital pour une surveillance », explique Rima.

La directrice financière de l'hôpital de Zarqa, Sanaa Albalbisi, a déclaré que le coût d'un examen d'urgence est passé de moins de la moitié d'un dinar jordanien (0,7 USD) à 6,40 JOD (9 USD), les radiographies et analyses de sang augmentant encore le total. Cette augmentation a eu un impact notable sur le nombre de Syriens se rendant à l'hôpital, ajoute-t-elle.

« La hausse des coûts a réduit le nombre de Syriens qui se présentent aux urgences car ils doivent aujourd’hui débourser davantage d'argent et, en tant que réfugiés, ils n'ont pas les moyens de payer les soins », explique Sanaa Albalbisi.

Plus de 85 % des réfugiés syriens habitant dans des villes grandes et moyennes en Jordanie vivent en-dessous du seuil de pauvreté avec moins de trois dollars par jour. De nombreuses familles luttent pour se procurer de la nourriture, de l'eau et un abri décent et peu d'entre elles peuvent se permettre de payer des frais médicaux supplémentaires.

Par conséquent, le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, a fait son possible pour combler ce manque et fournir un financement supplémentaire afin que les réfugiés obtiennent les soins de santé de base dont ils ont besoin. L'agence a triplé le financement des soins de santé recherché pour 2019, le portant à 65,5 millions de dollars pour les réfugiés syriens et à 4,8 millions de dollars supplémentaires pour les non-Syriens. Parallèlement, le HCR a intensifié son plaidoyer auprès des organismes de développement pour répondre aux besoins à long terme du Ministère de la santé.

« Je ne peux pas vivre comme les gens ordinaires. »

Selon Dina Jardana, employée du HCR en charge de santé publique en Jordanie, le cas de Walaa s'inscrit dans une tendance plus large et potentiellement dangereuse parmi les réfugiés syriens, suite au changement de politique en matière de coûts des soins de santé.

« Le cas de Walaa est un exemple clair d’une politique qui incite les réfugiés à réduire au minimum le nombre de visites dans les établissements du ministère de la Santé en raison de l'augmentation des coûts », explique Jardana. « Cela a eu un impact sur sa vie, au point qu’elle a été hospitalisée d'urgence. »

Pour Walaa, bien que le coût de son admission pour la nuit soit pris en charge par le HCR, elle craint toujours que sa famille n'ait pas les moyens de payer les examens réguliers qu'elle tenait auparavant pour acquis, et en craint les conséquences pour sa santé.

« Je n'aime pas faire payer les dépenses à ma famille, qui a beaucoup d'autres responsabilités comme le loyer de la maison et les factures. Notre situation financière est mauvaise », dit-elle.

« Je ne peux pas vivre comme les gens ordinaires, ceux qui courent, marchent... Je ne peux rien faire de tout cela », a-t-elle ajouté. « J'espère me remettre de ma maladie, ne plus me sentir fatiguée et vivre toutes les jeunes femmes en bonne santé. »

Informations additionnelles recueillies par Mohammad Hawari en Jordanie