Des Rohingyas secourus par des pêcheurs indonésiens
Une communauté de pêcheurs offre un accueil chaleureux à des réfugiés en fuite.
BIREUEN, Indonésie - Durant plusieurs jours du mois dernier, les pêcheurs locaux de la province indonésienne d'Aceh ont jeté à la mer en guise des offrandes de riz et d’ossements de buffle, un rituel annuel appelé khanduri laot lors duquel les pêcheurs récitent des prières pour remercier Dieu de l'abondance de l'océan et lui demander de les protéger de ses dangers.
Quelques semaines auparavant, les pêcheurs étaient eux-mêmes devenus des sauveteurs en mer.
À deux reprises au mois d'avril, les pêcheurs d'Aceh ont guidé en sécurité jusqu'aux côtes indonésiennes deux bateaux transportant à leur bord 84 réfugiés rohingyas qui ont été autorisés à débarquer, conformément au droit de la mer et au décret présidentiel emblématique de 2016 relatif au traitement des réfugiés étrangers.
Plusieurs milliers de réfugiés ont trouvé la mort en mer.
Ces 84 réfugiés sont les premiers mouvements maritimes confirmés de Rohingyas via la mer d'Andaman depuis mai 2015 où les interceptions et des retards dans le débarquement de plusieurs milliers de réfugiés et de migrants avaient entraîné la mort de dizaines de personnes en mer.
Le décret présidentiel de 2016 a contribué à atténuer ce risque, comme en témoignent les vies humaines sauvées grâce à l'appui récemment apporté par les autorités indonésiennes aux opérations de sauvetage, de débarquement et de réception de ces deux groupes de réfugiés.
« Afin de prévenir la perte de nouvelles vies », a déclaré James Lynch, le Représentant régional du HCR et coordonnateur régional pour l'Asie du Sud-Est, « le HCR appelle tous les gouvernements de la région à honorer leurs obligations maritimes ainsi que l'esprit de la Déclaration de Bali de 2016 en assurant le sauvetage des réfugiés, en les débarquant dans les lieux les plus proches pour leur sécurité et en s'interdisant toute interception risquée en mer qui n'aurait pas pour but de sauver des vies humaines. »
Kushida*, 57 ans, est l’une des 79 réfugiés rohingyas qui ont été débarqués à Aceh le 20 avril dernier, plusieurs semaines après avoir embarqué sur un bateau non ponté, laissant derrière elle son foyer de Sittwe, la capitale de l'État de Rakhine au Myanmar où l'on compte plus de 120 000 Rohingyas déplacés internes. Privés de citoyenneté et de leurs droits fondamentaux au Myanmar, 700 000 autres Rohingyas ont fui vers le Bangladesh depuis le mois d'août 2017 lorsque l'État de Rakhine a sombré dans la violence.
- Voir également : Saison des cyclones : le Bangladesh dirige les efforts pour protéger les réfugiés rohingyas
Désormais tranquille dans un logement temporaire fourni par les autorités locales à Bireuen, une ville de la côte nord de la province d'Aceh, Kushida surveille attentivement Rumana, sa petite fille de 11 ans, dont la mère — seule enfant survivante de Kushida — souhaitait que Kushida amène l’enfant jusqu'en Malaisie où son frère aîné a trouvé refuge. Kushida était tout à fait d'accord, convaincue que la traversée en mer, malgré tous les risques, était l'unique chance de protéger Rumana de la montée des violences et des persécutions. Kushida a déjà perdu cinq de ses fils dans les violences intercommunautaires qui ont débuté à Sittwe en 2012.
« Les gens d'Aceh m'ont rappelé que Dieu prendra soin de mes fils innocents. »
Peu de temps après que leur bateau touche terre, Kushida et les autres réfugiés ont étés transférés vers un centre de formation proche où ils ont été accueillis par la communauté et les collectivités locales. Le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, a enregistré Kushida, Rumana et les 77 autres réfugiés rohingyas embarqués avec elles, ainsi que les cinq réfugiés d'une autre embarcation secourue par des pêcheurs indonésiens le 6 avril, mais seulement après la mort ou la disparition en mer de 10 autres personnes à bord.
Le HCR travaille actuellement avec les organismes publics locaux, la Société indonésienne de la Croix-Rouge — Palang Merah Indonesia — et de nombreux autres partenaires pour apporter de l'aide aux réfugiés d'Aceh et leur permettre de renouer avec leurs proches dans d'autres pays. Le HCR intervient également auprès du Gouvernement du Myanmar afin qu'il prenne les mesures nécessaires pour mettre un terme aux causes profondes qui poussent les Rohingyas à entreprendre des voyages périlleux.
Parallèlement, les pêcheurs locaux d'Aceh à Bireuen ont accueilli les réfugiés avec des dons de nourriture, de vêtements et de médicaments, tout comme ils l'avaient fait lorsque près de 1000 réfugiés rohingyas avaient débarqué à Aceh en mai 2015.
« Les gens d'Aceh m'ont rappelé que Dieu prendra soin de mes fils innocents », dit Kushida en prenant une grande inspiration. « Mes petits-enfants sont aujourd'hui mon seul espoir. »
*Noms modifiés par souci de protection.