Pour le chef du HCR, les étudiants peuvent jouer un rôle central dans la défense des réfugiés

Lors d'un discours prononcé à Berlin, une ville qui a prospéré et fait tomber des murs, Filippo Grandi a mis l'accent sur le pouvoir des étudiants et de l'enseignement, avant la Journée mondiale du réfugié.

Filippo Grandi, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, lors de son intervention à la Freie Universität de Berlin.
© HCR / Gordon Welters

Les étudiants peuvent jouer un rôle central dans le débat européen sur les réfugiés et ils devraient faire pression pour favoriser leur acceptation et leur intégration, a déclaré le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Filippo Grandi, à l’occasion d’une intervention axée sur l’enseignement.


Les étudiants devraient faire du bénévolat et aider les réfugiés à apprendre la langue de leur pays d'accueil, car elle est indispensable pour leur intégration, a-t-il déclaré. Dans le même temps, les universités devraient procéder à des recherches rigoureuses concernant les crises de réfugiés dans le monde, afin de contrer les discours superficiels utilisés dans certains pays pour favoriser l’opposition aux réfugiés.

Lors d’une intervention devant des centaines d'étudiants à la Freie Universität, dans la capitale allemande, Filippo Grandi a encouragé ces derniers à faire du bénévolat en faveur des réfugiés. Dans le même temps, il a lancé un appel pour que les universités procèdent à des recherches rigoureuses au sujet des crises de réfugiés dans le monde, afin de contrer les discours superficiels utilisés pour attiser la peur et favoriser l’opposition aux réfugiés.

« Si nous devons contrecarrer le récit de l'impossibilité (d’accueillir les réfugiés) qui mène au rejet (...), nous devons constamment défendre des valeurs qui sont aujourd'hui très menacées », a-t-il déclaré. « Si des jeunes, comme vous, ne peuvent pas le faire, je ne vois personne d’autre qui pourrait nous aider à réagir efficacement face à cette crise », a-t-il dit aux étudiants, en les mettant en garde contre ce « langage de l’impossible », qui est dangereux et qui a alimenté une rhétorique négative, toxique et parfois raciste – il s’agit d’un langage qui peut éventuellement saper les fondements de la liberté de nos sociétés, a-t-il ajouté.

La crise qu'il a décrite est « une crise de solidarité » et un manque de compassion vis-à-vis des personnes en détresse.

« S'il y a une crise, c'est celle de l’incapacité du monde à résoudre les conflits. »

Pour provoquer un changement de cap, il est essentiel de montrer qu'il existe des réponses politiques à la question de savoir comment gérer et intégrer les nouveaux arrivants réfugiés, a-t-il souligné.

Filippo Grandi s’est exprimé quelques heures avant la publication, mercredi, du rapport statistique annuel Tendances mondiales du HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, et avant la Journée mondiale du réfugié, célébrée le 20 juin. Il a indiqué que les chiffres de ce rapport démontraient une augmentation du nombre de personnes déplacées de force dans le monde, qui s'élève actuellement à 68,5 millions d’individus, dont 25,4 millions de réfugiés. « Cela signifie, a-t-il précisé, que la crise que nous vivons est en réalité celle de l’incapacité du monde à résoudre les conflits. »

Auparavant, Filippo Grandi avait insisté sur la nécessité de permettre aux réfugiés d’avoir accès à l'enseignement supérieur afin qu’ils puissent développer leur potentiel économique et contribuer efficacement au système dans leurs nouveaux pays. À l'heure actuelle, à peine 1 % des jeunes réfugiés peuvent accéder à l'enseignement supérieur, contre 37 % des jeunes dans le monde, selon le HCR.

Environ 4 millions d'enfants réfugiés sont totalement déscolarisés, indique l’Agence dans son rapport annuel sur l'éducation, tandis que seulement 23 % des réfugiés fréquentent une école secondaire, contre 84 % des jeunes dans le monde. L'accès à l'éducation doit augmenter à tous les âges pour les jeunes réfugiés, mais il est particulièrement urgent au niveau de l’enseignement supérieur, a déclaré Filippo Grandi.

« L’éducation est une opportunité en soi », a-t-il dit. « C’est aussi le meilleur moyen de les rendre autonomes et, peut-être, d’accéder aussi à davantage de dignité – une dignité, dont sont si souvent privées les personnes touchées par les guerres et la violence ».

« Sans éducation, on ne peut vivre qu'une vie de dépendance, une vie d'exclusion. »

Filippo Grandi est intervenu à l’occasion de l’ouverture d’une conférence de deux jours consacrée au plus important programme de bourses d’études pour l’enseignement supérieur pour les réfugiés dans le monde : l'Initiative universitaire allemande pour les réfugiés Albert Einstein, plus connue sous l’acronyme DAFI.

L'un des arguments plaidant en faveur d’un plus grand accès des réfugiés à l'enseignement est qu’il permet d’obtenir des qualifications pour des emplois mieux rémunérés et les rend moins susceptibles d'être économiquement dépendants. En outre, les réfugiés qui possèdent un haut niveau d’instruction peuvent contribuer davantage à leur société d'origine lorsqu’ils rentrent chez eux.

« Sans éducation, on ne peut vivre qu'une vie de dépendance, une vie d'exclusion, voire pire, être attiré par la tentation de choisir de mauvais chemins ou comportements », a déclaré Grandi.

Plus d’une vingtaine de réfugiés ayant bénéficié d’une bourse d’études DAFI assistaient à la conférence à Berlin.

Tous les bénéficiaires DAFI présents lors de la conférence ont souligné combien les possibilités offertes par programme avaient transformé leur vie.

« La bourse DAFI a été un tremplin pour tout. Sans cela, je ne serais nulle part », a expliqué Marie-France N’dou Nessere, qui a fui la Côte d’Ivoire en 2011. Quatre ans plus tard, elle a obtenu un MBA au Ghana, avec l’aide d’une bourse d’études DAFI.

Marie-France, qui a des enfants en bas âge, travaille à présent pour l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) des Nations Unies, au Ghana. Sans ce diplôme de l’enseignement supérieur, elle n’aurait jamais pu décrocher cet emploi, pense-t-elle.

Pour elle, la bourse d’études est comme « un passeport », et elle connaît beaucoup d'autres jeunes gens, au camp où elle vivait, dans le sud-ouest du Ghana, qui pourraient en bénéficier.

Le nombre d'étudiants DAFI a presque triplé ces dernières années, passant de 2 300, en 2015, à près de 7 000 en 2018, avec des bénéficiaires répartis dans 51 pays. Au total, le programme compte plus de 15 000 boursiers depuis sa création en 1992.

La majorité des fonds provient du gouvernement allemand, mais des discussions sont en cours avec la Nouvelle-Zélande, le Canada et d’autres pays, afin d’étendre ce programme.