Une vague de violence en RCA cause un exode sans précédent
Un grand nombre de réfugiés rejoignent le Tchad et les déplacements forcés atteignent leur paroxysme depuis le début de la crise en 2013.
GORE, Tchad – Ngakouma Anatol et sa femme Djikaidé Marina sont arrivés au Tchad il y a trois semaines avec leurs cinq enfants, après avoir abandonné leur maison au nord-ouest de la République centrafricaine, et marché pendant 24 heures.
Ils sont parmi les milliers de personnes qui ont traversé la frontière depuis qu’une recrudescence de la violence en RCA a poussé le nombre des déplacements forcés jusqu’à leur plus haut niveau depuis 2013, date à laquelle la crise a commencé, selon les chiffres publiés par le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés.
Anatol a expliqué au personnel du HCR à Goré qu’une famille de la proche ville tchadienne d’Oudoumian les avait accueillis.
« Nous avons tout abandonné et trouvé refuge auprès d’une famille d’Oudoumian », nous explique Anatol, un homme de 35 ans. « Nous ne connaissions pas cette famille qui nous a accueillis. Le HCR nous a fourni une aide alimentaire et de première nécessité, et cela nous a beaucoup aidés. »
Adrian Edwards, porte-parole du HCR, a déclaré mardi qu’à la fin décembre, 688 700 personnes avaient été déplacées à l'intérieur de la RCA, soit une augmentation de 60 % par rapport à il y a un an.
Le nombre de réfugiés dans les pays voisins s'élève à plus de 542 380, une augmentation de 12 % par rapport à l'année dernière, a-t-il déclaré à un point de presse à Genève.
« Des chiffres pareils représentent un degré inimaginable de souffrances »
« Pour un pays dont la population est estimée à environ 4,6 millions, ces deux chiffres combinés représentent un degré inimaginable de souffrances et de personnes dans le besoin, » a ajouté Adrian Edwards.
Depuis la fin du mois de décembre, la violence croissante dans le nord-ouest a poussé plus de 17 000 Centrafricains, soit 10 fois plus que pour toute l’année 2017, à trouver refuge au Tchad voisin
L’afflux de réfugiés s’est ralenti avec l’atténuation des combats, mais c'est le plus grand exode de réfugiés centrafricains au Tchad depuis 2014.
Les équipes du HCR distribuent de la nourriture fournie par le Programme alimentaire mondial, ainsi que des produits de première nécessité, et les partenaires du HCR fournissent une assistance médicale.
Au total, le Tchad héberge 77 122 réfugiés de République centrafricaine.
A l’intérieur même de la République centrafricaine, les conflits ont provoqué l’arrivée de 65000 personnes dans la bourgade de Paoua, triplant sa population.
« Je dors sur un lit de feuilles sous les manguiers. »
Certaines de ces personnes récemment déplacées ont expliqué au HCR que des groupes armés avaient attaqué leur village et brûlé leurs maisons, volant leur nourriture et massacrant tout le monde sur leur passage.
« Les autorités locales ont signalé à nos équipes que dans le nord-ouest, 15 000 maisons avaient été brûlées et 487 personnes massacrées, » continue Adrian Edwards.
« Néanmoins, le HCR et ses partenaires craignent que ce nombre ne soit en fait plus élevé, puisque l’accès est impossible dans certains endroits où des personnes se cachent. »
Hassan Issa, 32 ans, un autre réfugié centrafricain, raconte qu’il a atteint le Tchad le 12 janvier. «Depuis mon arrivée, je dors sur un lit de feuilles sous les manguiers, », explique-t-il. « Pendant mon voyage, je me suis nourri des fruits de la forêt sans boire une goutte d’eau. »
Il dit qu'il est arrivé sans sa femme qui est enceinte et qu’il n’en a pas eu de nouvelles depuis.
Si les personnes déracinées ne peuvent pas rentrer chez elles dans les prochains mois, observe le HCR, les villages affectés manqueront la saison des semailles et une famine s’ensuivra.
La communauté humanitaire estime que près de la moitié des 4,6 millions de Centrafricains souffriront d’insécurité alimentaire en 2018. 2,5 millions de personnes auront besoin d'assistance humanitaire.
Selon un rapport de l'agence d'aide internationale CARE publié cette semaine, la situation en RCA est l’une des 10 crises humanitaires qui ont été sous-déclarées l'année dernière.