Originaire de Torit, une ville du sud du pays, le Dr Atar, a achevé ses études de médecine en Égypte. En 1997, alors que la guerre faisait rage dans l’État du Nil Bleu, le Dr Atar s’est mis volontairement au service de ceux qui avaient désespérément besoin d’une assistance médicale.
À Kurmuk, une petite ville proche de la frontière avec l’Éthiopie, il a monté un hôpital à partir de rien, travaillant aux premières lignes du conflit et souvent sous les bombardements aériens. C’est durant ces années que le Dr Atar a appris à improviser et à tirer le meilleur parti des quelques matériaux qu’il avait sous la main pour enrayer les hémorragies, réaliser des amputations et d’autres interventions vitales.
En 2011, alors qu’un référendum d’indépendance pacifique conduisait à la constitution de la plus jeune nation du monde, les combats continuaient de faire rage, principalement le long de la nouvelle frontière entre le Nord et le Sud. Des dizaines de milliers de réfugiés soudanais ont fui vers le sud à mesure que les combats se propageaient. Kurmuk s’est retrouvée plongée dans la violence et le Dr Atar a fui avec des résidents de la ville et avec ses patients mais, comme il refusait d’abandonner son hôpital, il a chargé tout le matériel et les médicaments dans un tracteur et quatre véhicules dans une véritable course contre la montre. Ce voyage qui aurait dû prendre deux jours a entraîné le Dr Atar et son équipe médicale sur des routes rendues dangereuses par la saison des pluies pour finalement atteindre la sécurité un mois plus tard à Bunj, une petite ville sud-soudanaise du comté de Maban.
À son arrivée à Bunj, l’unique centre médical qu’il a trouvé était un dispensaire abandonné, sans bloc opératoire. Le Dr Atar a commencé à pratiquer ses opérations sur des tables empilées en guise de table d’opération. Il a travaillé sans relâche pendant des années en mobilisant des fonds auprès de diverses organisations dans une région où règne une pénurie de spécialistes médicaux, et en formant des jeunes aux soins infirmiers et obstétricaux.
Le centre n’a pas de produits d’anesthésie générale, ce qui oblige les médecins à pratiquer des péridurales et des injections de kétamine pour atténuer la douleur. L’unique appareil de radiographie de l’hôpital est en panne, le bloc opératoire n’est éclairé que par un unique plafonnier et l’électricité est fournie par des groupes électrogènes vieillissants qui tombent souvent en panne. Malgré la multitude de problèmes, c’est le seul hôpital de l’État du Haut-Nil et il tourne régulièrement à pleine capacité, ce qui pousse les services bondés à déborder sur l’extérieur.
«Nous soignons tout le monde ici, sans nous soucier de qui ils sont.»
Dr Atar, lauréat 2018 de la distinction Nansen du HCR pour les réfugiés
Dans ce contexte, le Dr Atar se retrouve parfois à travailler 48 heures d’affilée. Il est de garde à toute heure et il lui arrive de réaliser jusqu’à sept césariennes par semaine. Il consent ainsi un immense sacrifice personnel. Il vit près de l’hôpital sous une simple toile de tente alors que sa famille vit à Nairobi, au Kenya. Il parvient à leur rendre visite seulement trois fois par an pour de courts séjours où il se remet de ses rythmes de travail éreintants.
Le Dr Atar traite tous ceux qui ont besoin de soins, quelle que soit leur origine, un engagement qui lui a valu le respect des réfugiés comme celui des communautés locales. «Nous soignons tout le monde ici, sans nous soucier de qui ils sont. Ce qui me rend heureux, c’est de me rendre compte que mon travail a épargné de la souffrance ou sauvé la vie de quelqu’un», dit-il. En 2017, les réfugiés représentaient environ 71 % des cas chirurgicaux.
La situation demeure instable dans le comté de Maban où des flambées de violence se sont régulièrement produites durant les dernières années. Après les attaques lancées contre les bureaux et les installations des organisations internationales, dont le HCR, en juillet dernier, le Dr Atar a continué de travailler à l’hôpital même quand certains membres de son équipe médicale ont été contraints de partir.