En Pologne, une ville exemplaire en matière de solidarité pour les réfugiés
La ville de Gdansk a offert un chaleureux accueil aux migrants et aux réfugiés.
Le maire de Gdansk, Pawel Adamowicz (53 ans).
© UNHCR/ Rafal Kostrzynski
La ville portuaire de Gdansk fut autrefois à l’avant-garde de l’opposition au communisme en Pologne. Aujourd’hui, elle est l’un des piliers d’une nouvelle forme de solidarité envers les migrants et les réfugiés.
« En ce qui me concerne, c’est uniquement une question morale », explique Pawel Adamowicz, le maire de la ville de Gdansk, qui a mis au point un modèle d’intégration des migrants avec l’aide d’une équipe dédiée. Cette initiative est à présent relayée par d’autres villes polonaises.
« Le plus important est de suivre nos valeurs chrétiennes et d’apporter une aide humanitaire aux personnes dans le besoin. J’avais le sentiment que nous devions prendre l’initiative », explique-t-il.
Bien que la Pologne en général se soit montrée relativement méfiante vis-à-vis des réfugiés, le maire Pawel Adamowicz a eu l’idée de créer le modèle de Gdansk après une rencontre en 2016 avec le Pape François.
« Le Pape François avait invité plusieurs maires de villes d’Europe, dont la mienne. C'était la première fois que j'avais l'occasion d'assister à une telle rencontre et d'entendre, pendant deux jours, les différentes expériences menées dans d’autres régions européennes. Ce fut une rencontre pleine d’énergie et très stimulante. »
« J’avais le sentiment que nous devions prendre l’initiative. »
Le modèle de Gdansk est un programme inclusif qui aide les réfugiés et les migrants dans leur insertion. L’idée générale est que tous les individus et l’ensemble des secteurs de la société -- de l’éducation à la culture en passant par le monde du travail ou le secteur de la santé -- doivent activement inclure les réfugiés. Un conseil consultatif, composé de 13 personnes migrantes (dont deux réfugiés), tient le maire régulièrement informé des préoccupations de cette tranche de la population.
Gdansk est une ville portuaire de 460 000 habitants, qui accueille environ 25 000 réfugiés et migrants. Ils sont pour la plupart originaires de territoires de l’ancienne Union soviétique, comme l’Ukraine ou la Tchétchénie, mais aussi du Rwanda ou de la Syrie.
Zubidat Surkhaev et son fils Mehdi, âgé de 14 ans, viennent de Tchétchénie et ils ont emménagé dans un appartement grâce à l’aide de la ville.
« Voici ma chambre », montre fièrement Mehdi. « Je vais accrocher ma guitare au mur. J’irai trouver une table pour un ordinateur et je mettrai aussi quelques étagères pour des livres ».
Dans le Centre Européen de la Solidarité, une institution culturelle de la ville où l’on peut voir les photographies du dirigeant polonais Lech Walesa menant dans les années 80 les grèves des ouvriers des chantiers navals de Gdansk, Marianna Zubko suit aujourd’hui des cours de polonais avec d’autres étrangers. Elle a fui le conflit dans l’est de l’Ukraine.
« Il y a des similitudes entre le polonais, le russe et l’ukrainien, et cela m’aide un peu », explique-t-elle.
Les cours de langue font aussi partie des initiatives mises en place pour les étrangers dans la ville balnéaire voisine de Sopot, sur la côte de la mer Baltique.
« Bien que nous soyons séparés de Gdansk, nous partageons nos expériences », explique Jacek Karnowski, le maire de Sopot. Sa ville accueille quelques centaines de migrants et de réfugiés mais lui-même se dit prêt à en recevoir davantage.
« Nous avons un régime de droit local qui est assez souple mais nous devons rester dans le cadre général de la loi », précise-t-il. « Par exemple, nous pourrions tout à fait inviter des Syriens à séjourner ici temporairement pour des traitements médicaux mais le dernier mot sera toujours donné à la frontière. Ce serait bien qu’il y ait une collaboration entre les pouvoirs locaux et le gouvernement national », ajoute-t-il.
« Les maires ont un rôle important à jouer »
Les villes de Gdansk et Sopot seraient prêtes à accueillir davantage de réfugiés, notamment si la Pologne acceptait le quota de demandeurs d’asile depuis la Grèce et l’Italie fixé par l’Union européenne, c’est-à-dire 6 000 personnes. En 2015, la Pologne s’était également engagée à relocaliser 900 réfugiés vulnérables en provenance du Liban et de la Jordanie. La Pologne compte 40 millions d’habitants.
A Gdansk, le maire Pawel Adamowicz a reçu des messages de haine pour ses prises de position en faveur des réfugiés et s’est vu priver de fonds supplémentaires par le gouvernement central. « C’est notre politique, notre responsabilité et notre propre prise de risques », explique-t-il.
Mais il est convaincu du bien-fondé de cette politique d’ouverture. « Lorsque nous attirons de nouveaux talents, de nouvelles compétences, des nouvelles couleurs, de nouvelles langues – mais aussi une nouvelle façon de penser -, ce n’est pas une défaite mais une victoire », précise-t-il.
Pour le Haut Commissaire assistant du HCR chargé de la protection internationale, Volker Türk, le modèle de Gdansk illustre parfaitement la manière dont les dirigeants locaux peuvent donner le ton d’une approche inclusive et renforcer l’intégration, tout en faisant barrage au populisme ou à la xénophobie.
« Les réfugiés arrivent souvent dans des villes qui, par nature, sont multiculturelles et représentent de petits microcosmes de notre monde globalisé. Les villes qui accueillent des réfugiés peuvent tant apprendre les unes des autres ; c’est extrêmement encourageant de voir que ce modèle est repris par d’autres cités », estime Volker Türk, qui dirige notamment les développements d’une nouvelle approche pour gérer la situation des réfugiés au niveau mondial baptisé le Pacte mondial sur les réfugiés.
« Les maires ont un rôle important à jouer dans cette approche qui vise à répondre de manière inclusive, adéquate et globale à la situation des réfugiés dans le monde. »
La politique du maire sera confrontée à la sanction des urnes cette année. Avant de pouvoir se présenter à une éventuelle réélection, il devra d’abord convaincre son propre parti, la Plate-forme civique, alors même que le fils de Lech Walesa, le député européen Jaroslaw Walesa, sera également candidat dans la circonscription.
Marta Siciarek, qui préside le Centre d’aide aux migrants à Gdansk, a travaillé avec la mairie à l’élaboration de son modèle d’intégration. Elle s’est dit prête à travailler avec quiconque succèdera à l’actuel maire de la ville.
« Nous pensons que le modèle offre des bénéfices pour tous », dit-elle. « Le mouvement est en marche et il sera difficile de l’arrêter. ».