Les Ukrainiens exilés en Russie s'inquiètent pour leur avenir
Quelque 800 Ukrainiens ont trouvé refuge dans la région russe d'Ossétie du Nord en attendant de voir ce qui se passe de l'autre côté de la frontière. Ils s'inquiètent pour leur retour.
VLADIKAVKAZ, Fédération de Russie, 11 août (HCR) - Sergei* a pris sa décision : il veut déménager avec sa femme et leur bébé, trouver un nouvel emploi et entamer une nouvelle vie en Sibérie plutôt que de rentrer chez eux dans l'est de l'Ukraine quand le conflit sera terminé.
« Je suis mineur et j'ai déjà une proposition d'embauche dans [la ville sibérienne de] Irkoutsk », explique-t-il au HCR dans un camp d'été pour jeunes près de Vladikavkaz, dans la République d'Ossétie du Nord en Fédération de Russie, où il séjourne avec près de 100 réfugiés originaires d'Ukraine. Ils font partie des quelque 800 Ukrainiens qui ont trouvé refuge en Ossétie du Nord en attendant de voir ce qui se passe de l'autre côté de la frontière.
Sergei essaie de réfléchir au moyen de payer le long trajet vers son futur lieu de travail. Mais tandis qu'il fait des projets avec sa femme Larissa*, beaucoup d'autres réfugiés dans le camp ne savent pas quoi faire.
Ils ont laissé des proches, des biens et des objets personnels dans l'est de l'Ukraine, mais ils ont peur de rentrer dans un pays profondément divisé. « La plupart des infrastructures sont démolies et les gens se haïssent. La vie ne sera plus jamais la même », fait remarquer un vieux monsieur.
Le traumatisme du déplacement forcé est encore frais dans leur esprit et beaucoup de gens sont simplement heureux d'être en sécurité. « Nous avons fui pour sauver nos vies sans penser à l'avenir », explique Maria*, une veuve d'un certain âge venue avec sa fille et son petit-fils. « Nous n'avons pas eu le temps de préparer notre fuite ».
Comme les autres, elle s'inquiète pour sa maison et ses affaires. Maria sait que si elle veut vendre sa maison, elle doit rentrer pour quelques jours au moins. D'autres veulent récupérer des documents personnels, notamment des diplômes professionnels ou des bulletins scolaires, mais ils doivent faire vite. Dès qu'ils obtiendront l'asile temporaire ou permanent en Russie, ils ne pourront plus voyager en Ukraine sans perdre leur statut. D'autres s'inquiètent pour leur accès futur à l'éducation et pour les droits à la retraite acquis en Ukraine.
Les agents de la section locale du Service fédéral pour les migrations (FMS) de Russie s'efforcent de conseiller au mieux les personnes sur les différentes options : asile temporaire ou statut permanent de réfugié, permis de travail, différents types de permis de résidence, accès à la citoyenneté et programmes de réinstallation.
Selon les chiffres russes, plus de 700 000 personnes ont franchi la frontière en provenance de l'Ukraine cette année. Parmi elles, 180 000 se sont adressées au FMS pour demander le statut de réfugié, l'asile temporaire, la citoyenneté, la résidence temporaire, des permis de résidence ou la réinstallation.
L'Assemblée fédérale de Russie (le Parlement) a récemment adopté une nouvelle législation pour raccourcir le délai de traitement des demandes d'asile temporaire de trois mois à trois jours et introduire d'autres mesures pour accélérer les choses.
Dans le même temps, EMERCOM, l'agence russe chargée de répondre aux urgences humanitaires, a commencé à évacuer les zones frontalières en transférant 24 000 réfugiés vers des endroits situés davantage à l'intérieur du pays. Les autorités locales ont placé de nombreux arrivants, comme Sergei et Larissa, dans des camps d'été, mais elles se préparent à les héberger dans des écoles et des universités dès que le temps commencera à fraichir à partir de septembre.
Sur les 800 Ukrainiens qui se trouvent en Ossétie du Nord, certains ont été acheminés vers des abris par EMERCOM, tandis que d'autres séjournent chez des proches et des amis dans la région. La population d'Ossétie du Nord a plus d'expérience avec les réfugiés que toute autre région russe. Vivant dans le Caucase prompt à s'enflammer, ils ont par le passé accueilli des personnes fuyant les conflits interethniques en Tchétchénie, en Ingouchie et en Géorgie.
Compatissants, les habitants ont généreusement répondu. Le personnel du sanatorium de Tamisk garde les dons offerts par les entreprises privées et les individus dans un grand entrepôt. On trouve notamment des vêtements, des produits d'hygiène, des boites de conserve, des fruits et des légumes et même une machine à laver.
Pendant ce temps, les enfants du camp d'été d'Ursdon ont eu une surprise spéciale la semaine dernière : des chaussures neuves fournies par le Fonds pour l'enfance, une organisation non gouvernementale locale. Certaines des filles n'en croyaient pas leurs yeux quand elles ont vu les chaussures dorées et roses. Cela les a aidées à oublier le conflit et l'avenir pendant quelque temps.
* Les prénoms ont été modifiés pour des raisons de protection
Par Melita H. Sunjic à Vladikavkaz, Fédération de Russie