Les demandeurs d'asile vénézuéliens renforcent la main d'œuvre au Brésil

Un programme innovant de réinstallation volontaire aide les Vénézuéliens et leurs hôtes sur la voie de la prospérité dans des villes comme Sao Paulo et Brasilia.

Angel, un demandeur d'asile du Venezuela, travaille comme ferblantier chez General Motors, à Sao Paulo.
© HCR/Miguel Pachioni

La ville de Boa Vista, située dans le nord du Brésil, à proximité de la frontière avec le Venezuela, ne ressemblait pas à ce que Jefferson*, 18 ans, imaginait lorsqu’il a quitté son pays d'origine à cause du manque de denrées et de l’absence d’offres d'emploi.


Depuis 2015, 2,3 millions de personnes ont quitté le Venezuela. Plus de 150 000 Vénézuéliens sont entrés au Brésil par le biais de l'État reculé de Roraima, au nord du pays, et - jusqu’à présent - plus de 65 000 personnes ont demandé l'asile.

À Boa Vista, il n'y avait pas d'emplois stables et le centre d’accueil était surpeuplé, explique Jefferson. Après deux mois, il est arrivé à Sao Paulo via un programme de réinstallation volontaire géré par le gouvernement et qui fonctionne grâce au soutien du HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, ainsi que d'autres organisations des Nations Unies.

Depuis le mois d’avril 2018, le gouvernement brésilien a transféré environ 3 000 Vénézuéliens depuis les zones frontalières du nord, mises à rude épreuve, vers d'autres villes susceptibles d’offrir de meilleures possibilités d'intégration, telles que Sao Paulo et Brasilia.

Jefferson avait entendu toutes sortes d’histoires à propos de Sao Paulo, à la fois « gigantesque et dangereuse ». Au lieu de cela, la ville s’est avérée être une cité plutôt accueillante à son égard,

ainsi qu’envers des centaines d’autres Vénézuéliens ayant quitté leur foyer.

« Le seul souhait des Vénézuéliens, c’est la possibilité de travailler pour montrer leur potentiel. »

Jefferson vit à présent dans de meilleures conditions dans le centre d’hébergement temporaire de Sao Mateus, un établissement public qui héberge exclusivement des Vénézuéliens et qui est géré par la municipalité.

En trois mois, après avoir appris les bases de la langue portugaise et suivi une formation professionnelle dispensée par la municipalité, Jefferson a été embauché dans un restaurant McDonald’s, et peut désormais envoyer de l’argent à sa famille restée au Venezuela. Bientôt, il quittera le centre d’accueil pour un hébergement à long-terme.

Il se dit reconnaissant envers le Brésil : « Le seul souhait des Vénézuéliens, c’est la possibilité de travailler pour montrer leur potentiel. »

Pour Jorge Luis da Silva, le gérant du restaurant où travaille Jefferson, accueillir des Vénézuéliens dans son équipe s’est avéré être très positif. Il a décidé d'engager Jefferson et trois autres Vénézuéliens car ils travaillent bien, car ils se montrent dévoués et qu’ils sont une source d’inspiration pour l'équipe. « Ils créent une émulation et inspirent d’autres collègues par leur dévouement, ils montrent l’exemple », explique le manager.

Les initiatives innovantes mises en place par le secteur public au Brésil – impliquant à la fois le gouvernement fédéral, les États et les municipalités, avec le soutien d’entreprises privées, du HCR et de partenaires locaux – favorisent l'accès au marché du travail des réfugiés et des migrants vénézuéliens dans différents secteurs économiques, notamment l'industrie, le services, le commerce de détail, la construction ou l’agriculture.

  • Rolando, un demandeur d'asile originaire du Venezuela et âgé de 25 ans, travaille comme assistant chez Petshop Cia da Terra, à Brasilia, au Brésil.
    Rolando, un demandeur d'asile originaire du Venezuela et âgé de 25 ans, travaille comme assistant chez Petshop Cia da Terra, à Brasilia, au Brésil. © HCR / Victoria Hugueney
  • Jefferson, 18 ans (à droite), originaire du Venezuela travaille maintenant au McDonald's de Sao Paulo, au Brésil.
    Jefferson, 18 ans (à droite), originaire du Venezuela travaille maintenant au McDonald's de Sao Paulo, au Brésil. © HCR / Miguel Pachioni
  • Francis, originaire du Venezuela, travaille sur un stand interactif intitulé « Je suis réfugié », dans le cadre de la Biennale des arts de Sao Paulo.
    Francis, originaire du Venezuela, travaille sur un stand interactif intitulé « Je suis réfugié », dans le cadre de la Biennale des arts de Sao Paulo. © HCR / Miguel Pachioni

Francis* est arrivée à Sao Paulo il y a à peine deux mois, dans le cadre d’un processus de réinstallation et avec l’aide du gouvernement fédéral, et elle a déjà trouvé un travail. Elle aide les visiteurs de la Biennale des arts de Sao Paulo à découvrir un stand interactif intitulé « Je suis réfugié », ce qui leur permet de mieux connaître la situation des réfugiés vivant au Brésil.

Les enfants de Francis - Jorge, 10 ans, et Emily, 2 ans - sont restés au Venezuela avec les grands-parents. Elle espère avoir l’occasion de faire venir sa famille à Sao Paulo, afin que ses parents puissent vieillir dignement et que ses enfants puissent bénéficier de meilleures chances dans leur parcours scolaire, notamment des cours d'art.

« Un réfugié, c’est quelqu'un qui veut avoir la chance de reconstruire sa vie, et le Brésil est un pays magnifique, où nous espérons avoir l’occasion de rembourser tout ce que nous avons reçu », a souligné Francis.

« Ils créent une émulation par leur dévouement, ils montrent l’exemple. »

General Motors (GM) valorise la diversité de ses effectifs et sait qu'embaucher des réfugiés et des migrants est bon pour les affaires.

« Nous avons constaté que l'arrivée de réfugiés et de migrants a déclenché une nouvelle dynamique dans les départements où ils

travaillaient », explique Priscilla Barros, la responsable des ressources humaines chez GM. « Les gens s’entraident davantage et travaillent avec enthousiasme. Lorsque les employés travaillent dans un environnement où ils se sentent accueillis, ils apportent de meilleurs résultats à l'entreprise. »

Angel* est l’une des nouvelles recrues de GM. Au Venezuela, il était chef. Depuis le mois d’août, il travaille comme ferblantier (chargé de fabriquer des pièces en fer blanc) sur la ligne de montage des voitures.

À présent qu’il a un emploi stable, Angel espère faire venir ses deux fils à Sao Paulo. Peut-être même que l'un d'eux pourrait travailler dans la même entreprise, dit-il. Son fils aîné, Daniel, 21 ans, étudiait l’ingénierie électrique au Venezuela, mais il a dû arrêter les cours faute de professeurs et de moyens de transport.

Angel vient de quitter l’hébergement public Sao Mateus pour s'installer dans un appartement avec trois autres Vénézuéliens, qui ont maintenant les moyens de payer un loyer et qui espèrent bientôt pouvoir faire venir leur famille au Brésil. Son pays d'origine lui manque. Il exprime sa gratitude envers les autres pays de la région qui, comme le Brésil, accueillent des Vénézuéliens. « Ce qui se passe là-bas pourrait se produire dans n’importe quel autre pays du monde », dit-il.

« C’est formidable de sentir qu’ils nous acceptent et de voir que nous pouvons participer à l’avenir du pays. »

Dans le cadre du programme de réinstallation, Rolando* et sa famille - son épouse et leurs deux filles - se sont installés en juillet 2018 à Brasilia, la capitale du Brésil. Au Venezuela, Rolando était technicien-mécanicien dans le secteur portuaire. Lorsqu’il est arrivé à Boa Vista, dans le nord du Brésil, il a travaillé comme maçon et comme laveur de voitures.

Ses possibilités d’emploi se sont élargies lorsqu'il est arrivé à Brasilia. En participant à un programme de retour à l'emploi soutenu par le HCR et ses partenaires locaux, Rolando a reçu trois offres d'emploi et il a choisi de travailler chez Cia da Terra, une chaîne de magasins dédiés aux animaux.

« J’envisage déjà le Brésil comme mon second chez moi », dit-il. « C’est formidable de sentir qu’ils nous acceptent et de voir que nous pouvons participer à l’avenir du pays. »

La propriétaire du magasin, Priscilla Davis, a été émue de voir à la TV tant de Vénézuéliens qui arrivaient à Brasilia.

« Je sais que le Brésil est loin d'être un pays parfait, mais j’imagine que si ces personnes ont quitté leur foyer, leur famille et tout le reste, la situation dans leur pays doit vraiment être insoutenable », dit-elle. « Ils vont avoir besoin d’un travail pour pouvoir continuer, c’est évident. »

Priscilla comptait embaucher deux personnes comme assistants dans le magasin. Elle a été agréablement surprise par la réactivité, l’investissement et la joie qu’ont manifesté tous les Vénézuéliens lors des entretiens d'embauche. À la fin du processus de sélection, elle a embauché trois Vénézuéliens.

« Nous formons une équipe », ajoute Priscilla. « Quand une nouvelle personne arrive avec une telle volonté, en exprimant sa joie d'être là, dans un pays différent, cela touche tout le monde dans une entreprise - cela finit par tous nous motiver. Je quitte le travail beaucoup plus motivée qu’à mon arrivée, cela ne fait aucun doute. »

Aujourd’hui, Rolando est surtout préoccupé par ses enfants: « Moi, j'ai déjà fait ce que je devais faire dans la vie. J'ai étudié et j’ai déjà fait beaucoup au Venezuela. Maintenant, mes rêves concernent l’avenir de mes enfants. »

*Les prénoms ont été modifiés par nécessité de protection.