CAMP DE RÉFUGIÉS AZRAQ, Jordanie, le 30 novembre (HCR)—Une centrale solaire va transformer la vie de milliers de Syriens déplacés vivant dans un camp situé dans le désert aride du nord de la Jordanie. La centrale va voir le jour grâce aux dons recueillis dans le cadre de la campagne « Éclairons la vie des réfugiés » organisée par IKEA.
IKEA a lancé sa campagne en 2014. Les deux premières phases ont déjà permis de recueillir 18,5 millions d’euros pour des réfugiés de certaines régions de l’Afrique, de l’Asie et du Moyen-Orient. Pour la troisième phase, qui se déroule du 29 novembre au 19 décembre, la fondation IKEA a décidé de faire don d’un euro supplémentaire pour chaque article d’éclairage vendu dans ses points de vente et en ligne. Ces fonds serviront à aider le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) à approvisionner les réfugiés, où qu’ils soient dans le monde, en énergie renouvelable et à leur fournir de l’éclairage.
En Jordanie, les fonds récoltés vont servir à la construction d’une centrale solaire dans le camp Azraq, où les réfugiés sont isolés. Elle répondra aux besoins en énergie des 27 000 réfugiés syriens qui s’y trouvent actuellement après avoir fui le conflit en Syrie.
Depuis l’ouverture officielle du camp Azraq en avril dernier, les réfugiés avancent constamment le manque d’électricité comme étant l’un des plus grands problèmes auxquels ils doivent faire face au quotidien. La pénurie en électricité et un éclairage inadéquat rendent dangereuses les activités quotidiennes, comme aller chercher de l’eau ou se rendre aux toilettes une fois la nuit tombée, notamment pour les femmes et les filles.
Mayada, âgée de 40 ans, est arrivée au camp avec son époux et ses trois enfants il y a dix mois. Habituée à une vie aisée dans une grande demeure de la banlieue Ghouta de Damas, elle a confié qu’elle n’avait jamais imaginé devoir vivre un jour sans quelque chose d’aussi élémentaire que l’électricité.
« De nos jours, l’électricité est essentielle. Sans elle, les choses les plus simples deviennent un combat », dit-elle aux visiteurs du HCR. La famille vit dans une partie du camp sans éclairage extérieur. La nuit, sa fille âgée de 12 ans a trop peur de se rendre seule aux toilettes communes qui se trouvent à l’extrémité de la rangée d’abris où ils vivent. Elle réveille régulièrement ses parents pour qu’ils l’accompagnent.
L’hiver, il est plus difficile de recharger en énergie solaire les lampes qui servent à éclairer les résidents la nuit arrivée. Les abris sont alors plongés dans l’obscurité et les familles sont contraintes de mettre brusquement un terme à leurs activités. « On ne peut pas visiter des amis et les enfants ne peuvent pas faire leurs devoirs. Vers 21 heures ou 22 heures, la plupart des résidents sont couchés », poursuit Mayada.
La construction de la centrale solaire, dont les travaux doivent débuter dans quelques semaines, va permettre, d’ici mars ou avril 2016, de brancher les abris au nouveau réseau de distribution d’électricité. Le projet, qui a pour objectif de transformer la vie des réfugiés dans le camp, est aussi porteur d’autres avantages dont certains réfugiés, tout comme leurs hôtes jordaniens, vont pouvoir bénéficier.
Ainsi, le projet prévoit que vingt réfugiés du camp recevront la formation nécessaire pour assurer le fonctionnement et l’entretien de la centrale solaire, ce qui leur permettra d’avoir un emploi et d’acquérir de nouvelles compétences. De plus, l’installation initiale de deux mégawatts produira de l’électricité pour une valeur de 1,4 M$ US par an. Tout surplus d’électricité non utilisée par le camp servira à alimenter sans frais le réseau d’électricité national de la Jordanie. Lors de la fermeture du camp, la centrale solaire sera remise au gouvernement jordanien.
« Les gens le disent, le simple fait de pouvoir de nouveau allumer une lumière va faire une grande différence et ils vont se sentir un peu plus chez eux », fait observer Paul Quigley, conseiller en énergie du HCR, qui participe à la gestion du projet.
« Sans les fonds amassés dans le cadre de la campagne « Éclairons la vie des réfugiés », nous n’aurions pu mettre en place cette solution d’énergie durable à long terme. Cela signifiera également que les montants considérables économisés en coût d’électricité pourront être utilisés pour d’autres projets humanitaires », ajoute-t-il.
Mayada affirme que lorsque le réseau d’électricité sera enfin mis en place dans le camp, elle n’aura plus besoin de faire semblant d’être courageuse pour rassurer ses enfants. Lorsqu’on lui a demandé ce qu’elle dirait aux clients d’IKEA qui ont contribué à la campagne, elle a répondu en utilisant un vieux dicton syrien : « J’aimerais pouvoir leur donner à tous un baiser entre les yeux ! Cela veut tellement dire pour nous. »
Par Charlie Dunmore, camp de réfugiés Azraq, Jordanie