Partage du repas de l'iftar : l'esprit du ramadan offert aux réfugiés au Bangladesh
Une famille d'agriculteurs qui accueille sur ses terres 71 familles rohingyas invite ses voisins rohingyas réfugiés à rompre le jeûne qui marque le mois saint.
Akhter Hossain et son épouse Nargis Begum dans leur maison au sud-est du Bangladesh.
© HCR/Patrick Brown
Il y a huit mois, un agriculteur bangladais, Akhter Hossain, a ouvert sa maison et son cœur à des dizaines de familles rohingyas réfugiées arrivées avec de jeunes enfants, transis et couverts de boue après leur périlleux voyage pour fuir le Myanmar en quête de sécurité.
Aujourd'hui, il vit toujours avec sa famille dans leur maison de torchis, dans le village de Jamtoli situé à proximité d'une vaste installation de réfugiés dans le sud-est du Bangladesh. Mais une bonne part de ses terres agricoles et de la zone qui entoure la maison familiale a été mise à disposition pour loger 71 familles rohingyas composées de 351 hommes, femmes et enfants.
« C'était un geste humanitaire. Ils sont arrivés ici et ils n'avaient nulle part où aller et nous voulions les aider, » se rappelle Akhter, 41 ans. « Ils avaient besoin d'un lieu où s'abriter et nous avions des terres. Nous sommes humains et ils sont humains. Nous sommes musulmans et ils sont musulmans. »
« Nous sommes humains et ils sont humains. »
Traditionnellement consacré à la réflexion et au rassemblement des familles et des communautés dans l'ensemble du monde musulman, le mois saint du ramadan, qui doit s'achever jeudi avec la fête de l’Eid al-Fitr, se caractérise également par des actes de solidarité et de générosité.
Akhter et son épouse Nargis Begum invitent souvent leurs voisins à venir discuter ou manger avec eux. Ils ont récemment invité leur voisin d'à côté, un chef communautaire rohingya ou mazhi appelé Mohammad Kasim, 50 ans, à se joindre à eux pour l'iftar, le repas pris au crépuscule pour rompre le jeûne quotidien durant le ramadan.
« C'est notre gardien, comme un grand frère, » dit Mohammad en souriant au sujet de son hôte. « Nous sommes soulagés d'être arrivés ici, d'avoir un abri et de bonnes relations. Nous vivons en paix ici. L'atmosphère est sereine et nous ne nous battons pas entre nous. »
Nargis dit que ça n'a pas toujours été facile d'avoir tant de nouveaux voisins et qu’il y a parfois des tensions. Mais elle maintient que la famille a fait ce qu'il fallait faire. « Nous sommes heureux de les accueillir : ils sont dans une situation difficile. »
- Voir également : Saison des cyclones : le Bangladesh dirige les efforts pour protéger les réfugiés rohingyas
Depuis l'explosion des violences au Myanmar à la fin du mois d'août, environ 702 000 réfugiés rohingyas ont fui la violence pour chercher la sécurité dans le sud-est du Bangladesh. La plupart vivent aujourd'hui dans des zones d'installation tentaculaires.
Même si une bonne part des terres agricoles d'Akhter est maintenant couverte d'abris en bambou, deux centres temporaires d'éducation ont également été ouverts par la BRAC, une ONG locale, pour les jeunes rohingyas. Une autre organisation locale a réalisé un forage sur ses terres permettant ainsi à toutes les familles, dont celle d'Akhter, d'avoir aisément accès à l'eau.
Nargis dit qu’avant, la famille se sentait très isolée mais que ses plus jeunes enfants ont maintenant de nouveaux amis avec qui jouer et qu’ils courent gaiement avec les enfants rohingyas autour de la maison familiale.
« Ils nous aident souvent quand il faut déplacer des choses, comme les sacs de riz, d'un endroit à un autre. Chaque fois que j'ai besoin de leur aide, ils sont là pour nous, » dit-elle. « Nous nous entendons bien et il n'y a pas de bagarres. »
« Chaque fois que j'ai besoin de leur aide, ils sont là pour nous. »
Elle ajoute que les familles rohingyas se chargent souvent d'autres corvées dans l'exploitation familiale. Lorsque les sept vaches et les 12 chèvres de la famille vont divaguer trop loin ou sont introuvables, ils se joignent aux recherches.
Mohammed Mahbubur Rahman, l’auxiliaire chargé de la protection au HCR qui a été le premier à rencontrer les familles alors qu'il assurait un suivi de la protection, se dit très inspiré par le récit d'Akhter et de sa famille.
« Ils partagent leurs terres et leurs ressources. Ils sont conscients qu'il y a des problèmes des deux côtés. Mais ils s'entendent. Ils comprennent bien les problèmes auxquels les réfugiés sont confrontés. Mais il y a un respect mutuel. »
Dans l'esprit du ramadan, Mohammad Kasim dit que lui-même et les autres familles réfugiées ne pourront jamais oublier l'immense générosité et l'altruisme dont Akhter et sa famille ont fait preuve.
« S'il ne nous avait pas accueillis comme un frère, nous serions morts il y a longtemps. Nous n'aurions pas pu survivre. Il nous a apporté une aide immense. »