Recommandations

La solidarité de la France se traduit également par sa contribution volontaire substantielle et flexible au financement des programmes en faveur des personnes relevant du mandat du HCR.

Néanmoins, en raison d’une augmentation importante du nombre de demandeurs d’asile en France ces dernières années - à hauteur de 85 000 enregistrements en 2016 - les capacités d’accueil et le régime d’asile français rencontrent régulièrement des difficultés.

Afin de renforcer la protection et l'intégration des réfugiés, des bénéficiaires de la protection subsidiaire et des apatrides en France et de relever les défis actuels, le HCR propose plusieurs actions clés, tout en réitérant ses recommandations à l’attention des Etats membres de l’Union européenne, contenues dans «Mieux protéger les réfugiés en Europe et dans le monde : Propositions du HCR pour redonner confiance par une gestion plus efficace, des partenariats plus performants et une solidarité accrue». Ce document a été partagé avec le Gouvernement français, les autres États membres de l'UE et la Commission européenne en décembre 2016.

Le HCR propose les actions suivantes :

Assurer l’effectivité du droit d’asile dans le cadre du contrôle de l’accès au territoire

En raison de l’augmentation importante des arrivées à la frontière franco-italienne et des contrôles renforcés, la situation mérite une attention particulière. Le HCR est conscient de l’intérêt légitime de la France à contrôler la recrudescence de la mobilité à travers les frontières et souligne la nécessité d’une gestion qui tienne compte des vulnérabilités des personnes et qui assure que les besoins de protection sont bien pris en compte. A cet égard, le HCR recommande aux autorités françaises :

1. D’assurer que les besoins humanitaires des personnes soient pris en compte par la Police aux Frontières, les services de l’immigration et les agents de surveillance des frontières ;

2. De prendre en compte la vulnérabilité particulière des enfants non-accompagnés, y compris par l’adoption de mesures appropriées pour leur accès au territoire, leur identification et la détermination de leur intérêt supérieur en vue d’une prise en charge spécifique et appropriée, y compris la recherche active d’une solution durable ;

3. De mettre en place des systèmes d’orientation pour la protection des personnes en besoin de protection internationale. Cela devrait inclure des propositions concrètes telles que la possibilité pour une association de fournir des informations à la frontière ;

4. De s’assurer que la privation de liberté pour des personnes ayant franchi la frontière se déroule dans le respect de toutes les garanties procédurales.

Disposer de capacités d’accueil suffisantes et flexibles

Des efforts importants ont été engagés depuis 2012 pour augmenter les capacités du dispositif national d’accueil avec de nouvelles places d’hébergement. Toutefois, tous les besoins d’hébergement ne sont pas couverts, y compris en Outre-mer, particulièrement à Mayotte, et des difficultés existent pour accéder de manière effective aux conditions d’accueil.

Par conséquent, le HCR encourage la France à :

1. Créer en priorité 20 000 places d’accueil additionnelles pour demandeurs d’asile afin de permettre à tous de bénéficier d’un hébergement décent et adapté à leur situation de vulnérabilité, y compris les situations de violence liées au genre ;

2. Simplifier le système d’accueil en le rendant davantage lisible tant pour les usagers que pour les acteurs de l’asile en veillant à assurer la fluidité de l’ensemble du dispositif d’hébergement ;

3. Veiller à offrir un accompagnement de qualité aux demandeurs d’asile durant leur procédure en incluant dans les dispositifs d’accueil des médiateurs interculturels et en permettant aussi l’apprentissage du français ;

4. S’assurer de l’accès effectif aux soins, notamment en matière de santé mentale, eu égard aux conséquences des traumatismes liés aux persécutions, à la fuite ou encore à l’exil ;

5. Créer dans les différents départements, non loin des grandes villes, sur les routes empruntées par les migrants et les personnes en besoin de protection internationale, des centres de premier accueil, lesquels auraient pour vocation d’informer, d’offrir une mise à l’abri temporaire de courte durée, d’identifier les enfants non accompagnés et de les orienter vers les services de protection de l’enfance pour une prise en charge immédiate ainsi que d’orienter les personnes en besoin de protection vers le dispositif d’accueil existant selon une distribution équitable sur l’ensemble du territoire français.

Améliorer la gestion des arrivées dans la région des Hauts-de-France

Au cours de ces dernières années, la situation à Calais et dans les Hauts-de-France s’est dégradée sensiblement en raison notamment de l’accroissement des flux migratoires en Méditerranée. Dans ce contexte, entre octobre 2015 et octobre 2016, les autorités françaises ont orienté environ 6 000 personnes depuis Calais et Grande-Synthe vers des centres d’accueil et d’orientation (CAO) répartis en France.

A l’heure actuelle, alors qu’aucune structure d’accueil n’existe plus dans le Calaisis, de nouveaux migrants et demandeurs d’asile, dont de très jeunes enfants non accompagnés ou séparés de leur famille, se trouvent en situation d’errance dans et autour des villes de Calais et de Grande-Synthe. D’autres se rendent dans les autres camps informels de la région dans l’attente d’un hypothétique passage vers le Royaume-Uni ou d’une solution durable en France.

Afin de répondre au mieux aux besoins de ces personnes dont la plupart, de par leur origine, sont en besoin de protection internationale, le HCR encourage les autorités françaises :

1. A mettre en place une plateforme de premier accueil dans la région, qui serait un lieu de rassemblement, d’information sur la procédure d’asile et de transfert rapide vers des centres d’accueil et d’orientation (CAO), lesquels ont fait la preuve de leur efficacité lors du démantèlement du camp de Calais et de l’évacuation du site de Grande-Synthe détruit par un incendie en avril 2017 ;

2. A poursuivre la mise à l’abri et l’accompagnement adapté des migrants et demandeurs d’asile qui continuent de venir à Calais ;

3. A renforcer la prise en charge des enfants non-accompagnés dans les Hauts-de-France à travers leur identification, leur mise à l’abri rapide et la détermination de leur intérêt supérieur en vue d’une prise en charge spécifique et appropriée, y compris la recherche active d’une solution durable.

Maintenir un système d’asile protecteur et efficace

Les réformes structurelles engagées depuis 2013 et la réforme de l’asile en France consacrée dans la loi de 2015 ont permis aux autorités de répondre à l’augmentation de la demande d’asile en France de manière adaptée tout en réduisant les délais de traitement. Le HCR appelle la France à poursuivre ses efforts tout en soulignant les points suivants :

1. L’objectif général toujours affirmé de réduction des délais de procédure doit continuer à s’inscrire dans un système d’asile protecteur, efficace et crédible, fidèle à la tradition française ;

2. Le placement en procédure accélérée doit être mis en œuvre de manière rigoureuse et juste, dans le respect d’une procédure de qualité, tant devant l’OFPRA que devant la CNDA, statuant dans ce cadre à juge unique ;

3. Le taux de protection par la France, a atteint 38,1 % en 2016. Cette augmentation résulte également de la hausse de la demande des personnes en provenance de zones de crises et de conflits majeurs mais est marquée par une proportion plus grande de protections subsidiaires que par le passé (36.6 % en 2016) ; cette tendance se confirmant au premier semestre 2017. A cet égard, le HCR rappelle que la Convention de Genève est susceptible de s’appliquer y compris à des demandeurs d’asile qui ont fui des conflits armés ;

4. L’accès à la procédure d’asile reste au cœur du dispositif d’asile. Le HCR souligne la nécessité pour les autorités françaises de veiller à garantir cet accès, dès la frontière, dans les délais et conditions posés par la loi, tant en métropole que dans les départements d’Outre-mer.

Accroître la capacité de prise en charge des enfants séparés et non-accompagnés

En 2016, la France a accueilli 8 054 personnes, qui ont été déclarées « Mineures Non Accompagnées » ou « enfants non-accompagnés » selon le HCR, contre 5990 en 2015, 5033 en 2014 et 2555 personnes en 2013, soit une augmentation de 215 % en 3 ans. Au 16 juin 2017, la France avait d’ores et déjà accueilli 5567 enfants non-accompagnés.

Les arrivées d’enfants non-accompagnés augmentant de manière constante et les capacités d’accueil déjà saturées du système actuel de protection de l’enfance dans certaines régions du pays ne permettant pas une prise en charge adéquate, les enfants se trouvent de plus en plus en situation d’errance, sans possibilité de mise à l’abri et sans protection. Les besoins spécifiques de cette population vulnérable n’étant pas satisfaits, elle est davantage exposée aux risques de violence de toutes sortes, y compris les violences sexuelles et la traite des êtres humains.

La prévention de tout nouveau déplacement de ces enfants pourrait être assurée par, notamment, l’établissement d’un lien de confiance dans le cadre de rapports individuels renforcés par la présence pour tous de médiateurs interculturels et d’un nombre suffisant de tuteurs et d’administrateurs ad hoc.

En vue d’une protection effective de ces enfants à travers leur identification, leur réunification avec un membre de leur famille dans un pays tiers ou dans leur pays d’origine ou à travers leur intégration dans le système français de protection de l’enfance, le HCR recommande aux autorités françaises de :

1. Identifier et enregistrer les enfants non-accompagnés dès leur arrivée sur le territoire français ;

2. Attribuer aux enfants non-accompagnés des administrateurs ad hoc (ou tuteurs) et des médiateurs culturels avant toute orientation vers un lieu/entité (centre d’accueil, familles d’accueil etc.) devant être dictée par l’évaluation de leur intérêt supérieur ;

3. Initier, le plus tôt possible, des activités de recherche de familles ;

4. Doter les centres accueillant les enfants non-accompagnés de médiateurs culturels, voire de psychologues (à l’instar du centre du Jeune Réfugié de St Omer dans la Région des Hauts-de-France) et d’éducateurs disposant d’outils adaptés aux particularités de ce public.

Œuvrer en faveur de l’intégration des personnes protégées (réfugiés, bénéficiaires de protection subsidiaire et apatrides)

L’intégration implique un processus « réciproque » entre les personnes protégées et leur communauté-hôte. Le contrat social entre les réfugiés, les personnes bénéficiaires d’une protection subsidiaire, et les apatrides, d’une part, et l’État d’accueil, d’autre part, doit être établi de manière adéquate pour restaurer la confiance publique et politique. Il revient à l’État d’accueil de garantir aux réfugiés, aux personnes bénéficiaires d’une protection subsidiaire et aux apatrides la possibilité de jouir de leurs droits, de favoriser un environnement accueillant et de lutter contre la xénophobie. Parallèlement, les personnes protégées doivent participer à des programmes d’intégration et respecter les lois et règlement de l’État d’accueil.

Si l’intégration peut poser un défi pour la France, tout comme de nombreux États, elle peut constituer également une chance. La capacité des réfugiés, des personnes bénéficiaires d’une protection subsidiaire et des apatrides à vivre et à se construire un avenir pour eux-mêmes, où qu’ils soient sur le territoire français, peut contribuer à l’effectivité du régime d’asile et à la réduction des pressions ou tensions à l’origine des mouvements secondaires au départ de la France.

L’intégration en France des réfugiés, des personnes protégées devrait passer par les éléments suivants :

1. L’augmentation des financements des activités en lien avec l’intégration. Ceci concerne par exemple les secteurs de l’éducation, y compris l’apprentissage du français; de l’emploi et de la réunification familiale ;

2. A l’arrivée dans le cadre d’une réinstallation, ou après l’acceptation de leur demande d’asile, les réfugiés bénéficieraient d’une orientation culturelle complète. Les programmes d’orientation se concentreraient sur les droits ainsi que les devoirs et pourraient aider à gérer les attentes des réfugiés ;

3. Les compétences et qualifications des réfugiés pourraient être reconnues, notamment en maximisant la Nouvelle stratégie pour les compétences en Europe ;

4. La promotion de sociétés accueillantes : la société civile s’engage de manière croissante par le biais de programmes de bénévolat, d’activités visant à soutenir l’intégration des personnes protégées, et de cours d’éducation civique. Ces efforts devraient être soutenus et encouragés par les autorités publiques.

Augmenter les possibilités de recours à des voies d’accès sûres et améliorer le partage des responsabilités

Le développement de voies sûres par lesquelles les réfugiés peuvent rejoindre l’Europe constitue une solution réaliste pour lutter contre les mouvements irréguliers, la traite des êtres humains et prévenir les pertes en vies humaines en mer Méditerranée. Augmenter les possibilités de recourir à ces voies d’accès sûres, auxquelles les États se sont engagés dans la Déclaration de New-York pour les réfugiés et les migrants du 19 septembre 2016, permettrait à la France de contribuer encore davantage au partage des responsabilités avec les pays accueillant le plus grand nombre de réfugiés.

A cet égard, le HCR recommande à la France :

1. De poursuivre ses efforts en vue d’augmenter son quota annuel de réinstallations afin de répondre à la projection des besoins en matière de réinstallation du HCR ;

2. D’accélérer le processus d’arrivées des réfugiés sélectionnés dans le cadre des programmes de réinstallation et de faciliter leur accès aux droits ;

3. D’améliorer la procédure de réunification familiale, notamment en facilitant l’accès aux consulats et documents requis, de même qu’en réduisant les délais de procédure ;

4. De poursuivre le développement des voies complémentaires d’accès à la protection, notamment par l’augmentation de la délivrance des visas familiaux, de travail et d’étudiants pour les personnes en besoin de protection internationale, ainsi qu’en accentuant sa collaboration avec la société civile pour le développement des programmes de parrainage privé ;

5. A maintenir, voire à augmenter, sa contribution volontaire au financement des programmes en faveur des réfugiés.

Assurer un système efficace en matière de retour

Le HCR reconnait l’importance d’un système efficace de retours pour les demandeurs de protection internationale dont la demande a été rejetée et qui n’ont pas d’autre base légale pour rester sur le territoire. Cela contribuerait à redonner confiance en l’intégrité du système d’asile et enverrait un signal fort aux filières impliquées dans la traite et le trafic de personnes.

Le HCR recommande donc :

1. De mettre en place des programmes de retour volontaire assisté plus efficaces pour les personnes déboutées de leur demande d’asile à l’issue d’une procédure juste et équitable offrant toutes les garanties, en permettant un meilleur accès à ces programmes par l’intensification des activités d’information, de sensibilisation et de conseil, notamment par l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) ;

2. D’envisager les retours forcés uniquement (a) suite à un rejet de la demande dans le cadre d’une procédure équitable, (b) après avoir examiné la possibilité d’un retour volontaire assisté, et (c) en l’absence d’éléments convaincants d’ordre humanitaire ou relatifs à l’apatridie ;

3. D’améliorer l’efficacité du système de retours avec les autres Etats membres de l’UE et le soutien accru de FRONTEX.

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