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Dix matchs épiques de la Coupe du monde

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matches

épiques de la Coupe du monde

De la rencontre entre l’Allemagne et la Suisse en 1938, disputée devant un public tout sauf neutre, au match Brésil-Uruguay de 1950 au Maracana, en passant par France-Argentine de 1978 disputé devant le dictateur Videla, retour sur des matchs qui ont marqué l’histoire de la Coupe du monde.

Italie-Tchécoslovaquie

Quand Mussolini

décidait de l’issue des rencontres

Par Etienne Labrunie

En 1934, le Mondial est organisé dans l’Italie fasciste. Joueurs nationalisés et arbitres à la solde du Duce portent la sélection transalpine vers la victoire finale.

Luis Monti a du mal à quitter le Stade national de Rome, rebaptisé sans sourciller Stade du Parti national fasciste. Pour la deuxième fois en quatre ans, le milieu de terrain de l’Italie vient de sauver sa peau en finale de Coupe du monde. Benito Mussolini avait été très clair avant le match : « C’est la victoire ou la mort. » Dans un télégramme lu aux joueurs la veille, à la fin de l’ultime entraînement, le Duce écrit : « L’Italie doit frapper fort et faire tomber l’adversaire. Bonne chance pour demain. Gagnez ou vous êtes morts ! »

Pas une première pour Luis Monti. Il y a quatre ans déjà, pour la première édition de la compétition en Uruguay, sous le maillot argentin, il s’était vu menacé très directement et personnellement de mort. « Si l’Argentine gagne, vous et votre famille mourrez », avertissait une lettre glissée sous la porte de sa chambre d’hôtel. Menace renouvelée à la mi-temps du match. Son équipe s’incline (2-4) contre l’Uruguay et le maître à jouer de l’Albiceleste est au centre de toutes les critiques. « Qu’est-il arrivé à Monti ? », titre en une « La Nacion ». La presse, comme ses coéquipiers, n’est pas au courant de la missive reçue. « Luis Monti était effrayé. Il était paralysé pendant le match, ce qui fait qu’on a clairement joué à 9. C’est pour ça qu’on a été battus si nettement », racontera son coéquipier Francisco Varallo.

Luis Monti, deuxième en partant de la gauche, et l’équipe nationale italienne avant la finale de la Coupe du monde contre la Tchécoslovaquie en 1934. © AFP

Allemagne-Suisse

Le Parc des princes

contre l’équipe du IIIe Reich

Par Etienne Labrunie

Le 9 juin 1938 à Paris, l’équipe réunissant Allemands et Autrichiens après l’Anschluss manque de cohésion et s’incline face aux Suisses, devant un public tout sauf neutre.

L’équipe allemande effectue le salut nazi avant la rencontre au Parc des princes. © AFP

Jeudi 9 juin. 18 heures. Un ardent soleil tape sur les tribunes ouvertes du Parc des princes pour la deuxième manche de ce huitième de finale de Coupe du monde entre Suisses et Allemands. Quatre jours plus tôt, au même endroit, les deux équipes n’avaient pas réussi à se départager (1-1) lors d’un match d’une rare violence. Cette fois, le vélodrome du Parc, rénové six ans auparavant, n’a pas fait le plein. Ils sont un peu plus de 20 000 spectateurs dans l’enceinte de 30 000 places.

Les deux équipes entrent sur le terrain et s’alignent devant la tribune officielle. Comme à son habitude, l’équipe au maillot blanc frappé de l’aigle surmonté d’une croix gammée salue la foule le bras tendu. Les Suisses, en gris, ont la faveur du public, qui leur réserve une belle ovation. La Nati, finaliste olympique en 1924, a des arguments à faire valoir et une source de motivation toute trouvée face à une équipe chargée aussi de faire la promotion de l’idéologie fasciste.

« Soixante millions d’Allemands joueront à Paris ! », claironne le quotidien nazi Völkischer Beobachter. Qui oublie 6,7 millions d’Autrichiens : la Nationalmannschaft, facilement qualifiée, reçoit en effet un renfort de poids, celui des internationaux autrichiens. C’est l’Anschluss appliqué au foot.

Brésil-Uruguay

« Comme si le Brésil

avait perdu une guerre »

Par Etienne Labrunie

Le 16 juillet 1950, l’Uruguay bat le Brésil en finale de la Coupe du monde au Maracana, douchant la démagogie des dirigeants brésiliens et faisant pleurer le jeune Pelé.

Un séisme vient de secouer le plus grand stade du monde. Les quelque 200 000 spectateurs (officiellement 173 850) du Maracaña de Rio de Janeiro viennent d’assister à l’invraisemblable. Il est 16 h 30 ce 16 juillet 1950, et le Brésil a perdu son Mondial. Et bien plus encore… le drame, car ça en devient un, a même fait cinq morts ! Deux personnes se sont jetées du haut des tribunes, trois autres ont été victimes de crise cardiaque.

Dans l’Etat de São Paulo, un garçon de 9 ans, devant les larmes de son père, tombe à genoux et implore Dieu : « Jésus, pourquoi avons-nous été punis ? Qu’est-ce que nous avons fait de mal ? Est-ce un péché d’avoir la meilleure équipe ? » Edson Arantes do Nascimento, futur « Pelé », évoque « ce jour qu’il n’oubliera jamais » dans l’une de ses autobiographies, citée dans L’Histoire du football au Brésil (Michel Raspaud, éditions Chandeigne, 2010).

Le Stade Maracana en 1950

« C’était comme si le Brésil avait perdu une guerre », écrit-il. Il vient en tout cas de passer à côté d’une conquête annoncée, celle de sa première Coupe du monde à domicile. Restait juste une bataille à livrer face à l’Uruguay. Un match à ne pas perdre (un nul suffit). Cette journée porte désormais un nom : la tragédie du « Maracañazo ». Cet après-midi-là, « le Brésil est mort », titre le quotidien Mundo.

L’Uruguayen Juan Alberto Schiaffino égalise face au Brésil, le 16 juillet 1950. © AFP

Angleterre-USA

God bless America

Par Etienne Labrunie

Après avoir ignoré les trois premières éditions, l’Angleterre découvre la Coupe du monde en 1950. Persuadée de sa supériorité, elle trébuche à Belo Horizonte face une improbable sélection américaine et son héros… haïtien, Joe Gaetjens.

Il s’appelle Joe Gaetjens. Il est Haïtien. Il est aussi l’attaquant de l’équipe de « soccer » des États-Unis, enrôlé quelques jours seulement avant la Coupe du monde. Il va devenir un héros international après son premier match avec les Yankees. Sa vie bascule à 15 h 38, heure locale, ce 29 juin 1950 à Belo Horizonte. Le moment qu’il choisit pour placer sa tête et inscrire le premier (et seul) but du match.

Joe Gaetjens ne le sait pas encore mais il vient de renverser le Créateur. Cet Empire a qui le monde doit la chance de pratiquer ce drôle de sport. Avec un orgueil à peine dissimulé, l’Angleterre honore le Mondial de sa présence après avoir snobé les trois premières éditions d’avant-guerre. Le cousin américain débarque, lui, d’une planète inconnue avec son équipe d’amateurs (un croque-mort, un facteur, un instit, quelques étudiants…), renforcée d’un Belge (Maca), d’un Ecossais (Mc Llvernny), de deux Portugais (les frères Souza) et donc d’un Haïtien. Tous recrutés avant le départ et voyageant avec des papiers douteux…

Le joueur anglais Thomas Finney (au centre) tente de prendre le ballon entre deux américains, le 29 juin 1950 à Belo Horizonte. © AFP

L’affiche ne déchaîne pas les passions. L’Estadio Independencia de Belo Horizonte sonne creux, 10 000 courageux à peine, dont 200 Américains venus d’une base voisine de l’US Air Force, sont en tribune. Stanley Matthews, lui, a été aperçu à la plage. Le génial ailier droit des Three Lions, 35 ans, a été préservé par Walter Winterbottom en vue du dernier match, où l’équipe anglaise doit disputer la première place à l’Espagne. Le matin du match, le « Daily Express » écrit même : « Ce serait juste de les laisser commencer avec trois buts d’avance. »

Yougoslavie-Zaïre

L'arbitre colombien donne un avertissement à un joueur zaïrois pendant le match face à la Yougoslavie. © AFP

L’équipe de Mobutu

se met en grève

Par Etienne Labrunie

En 1974, le Zaïre met le frein à main face à la Yougoslavie, protestant contre l’absence de versement des primes retenues par le général Mobutu. Résultat : l’un des plus gros cartons de l’histoire du Mondial.

Le match a débuté depuis 20 minutes quand le gardien zaïrois Kazadi Muamba quitte la pelouse du Parkstadion de Gelsenkirchen. Le meilleur gardien africain n’est pas blessé et n’a rien demandé à personne. C’est le choix de son entraîneur, Blagoje Vidinic. Le sélectionneur du Zaïre, ex-gardien de la Yougoslavie, en est persuadé : Kazadi Muamba a mis sa menace à exécution et est bien… « en grève des arrêts » !

Le portier du Tout Puissant Mazembe, le club de Lubumbashi (la troisième ville de la République démocratique du Congo), a déjà été chercher trois fois le ballon au fond de ses filets. Sur le premier et sans doute le deuxième but, sa bonne volonté n’est effectivement pas flagrante. Pour autant, elle ne dépare pas avec le reste de l’équipe. « On ne voulait pas jouer ce match. On marchait sur le terrain. Visionnez les images, vous verrez », confirme l’attaquant Mayanga Maku. La vidéo est effectivement assez probante. Au final, les Zaïrois, avec un nouveau gardien, encaissent 9 buts face à des Yougoslaves certes plus forts mais bien aidés par cette passivité de circonstance.

Dusan Bajevic inscrit l’un de ses trois buts de la rencontre, face au malheureux gardien Dimbi Tubilandu, entré en jeu en cours de match. © AFP

L’addition est salée. Trop sans doute pour les vainqueurs de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) et équipe aux qualités reconnues. Mais elle est historique car elle est le fruit d’un mécontentement organisé, d’une grève des crampons inédite. Si les Congolais, eux, sont bien descendus du bus, c’est pour prendre la planète à témoin sur le traitement qui leur est réservé. Ou plutôt l’absence de traitement. Au-delà du prestige et de l’honneur d’une participation au Mondial, chaque pays reçoit une prime dite « de qualification » versée par la FIFA. Cette dernière est adressée à la fédération du pays chargée (ou pas) de la redistribuer.

RFA-RDA

Dans le match de la peur,

le vainqueur a eu tort

Par Etienne Labrunie

A Hambourg, les deux voisins s’affrontent dans une ambiance sécuritaire, malgré le rapprochement diplomatique. L’Allemagne de l’Est crée la surprise mais c’est bien l’Ouest qui remportera la Coupe du monde.

Plus qu’un symbole, une fête ou un possible match de la réconciliation, ce dernier match du groupe 1 de la Coupe du monde 1974 opposant la République démocratique d’Allemagne (RDA) à la République fédérale d’Allemagne (RFA) est avant tout le match de la trouille.

Pour les autorités de l’Ouest d’abord. Deux ans après le dramatique attentat des JO de Berlin, la compétition a été placée sous le signe de la sécurité. Lors du tirage au sort, ce match du 22 juin à Hambourg a été aussitôt classé à risque.

Un risque d’autant plus sérieux qu’une réelle menace a été proférée par une lettre anonyme reçue quelques jours auparavant : « Nous allons faire sauter le Wolksparkstadion. » Des tireurs d’élite, positionnés autour et dans le stade, s’ajoutent aux très nombreux policiers. Les deux équipes, sous bonne garde, sont confinées dans leurs hôtels.

Jürgen Sparwasser marque le but vainqueur devançant les Ouest-Allemands Horst Hoettges, Berti Vogts et Sepp Maier. © AFP

A l’Est, l’opération « ballon » bat son plein. Les officiers de la Stasi, en civil, ne lâchent pas le groupe d’un crampon jusqu’au tunnel de l’enceinte hambourgeoise. Les joueurs et le staff ont pourtant réussi l’épreuve des interrogatoires avant de filer à l’Ouest. Mais pas question pour eux d’y rester, de faire défection. La symbolique, pour le coup, serait trop forte. Rien n’est laissé au hasard. Sur les 40 membres de la délégation, 13 sont des collaborateurs de la Stasi, dont cinq joueurs titulaires, selon un rapport de la police est-allemande cité dans le documentaire 1974, quand la Stasi se mêle de foot, de Christian Hestermann et Annette Heinrich (2014).

France-Argentine

Face à Videla,

les Bleus font profil bas

Par Etienne Labrunie

A l’image de Michel Platini, l’équipe de France, malgré les efforts de Dominique Rocheteau, refuse de montrer la moindre hostilité au régime du dictateur argentin durant la Coupe du monde 1978.

Dominique Rocheteau ne porte finalement pas de brassard noir quand retentissent les hymnes dans le bouillant stade de Buenos Aires, ce 6 juin 1978. L’Ange vert souhaitait ainsi dénoncer le pouvoir de la junte militaire du général Jorge Rafael Videla, qui instaure la terreur et la censure et fait disparaître ses opposants par dizaines de milliers depuis son coup d’Etat, le 24 mars 1976..

Dominique Rocheteau, ici face à l’Argentine le 6 juin 1978, était l’un des très rares joueurs français à vouloir marquer son opposition au régime de Jorge Videla. © AFP

Mais il était un peu seul. Il a pourtant bien tenté de convaincre ses coéquipiers deux jours avant le match, lors d’une réunion dans leur hôtel chic de la banlieue de Buenos Aires, avec le renfort du philosophe Bernard-Henri Lévy. Mais seuls quatre joueurs viennent à cette réunion improvisée. « Nous sommes des professionnels, nous ne jouons pas pour les beaux yeux de la princesse », argumente froidement le défenseur Dominique Bathenay, qui boycotte la réunion. Le sélectionneur Michel Hidalgo use d’une langue de bois maîtrisée : « Nous n’allons pas en Argentine à la rencontre d’un régime, mais d’un peuple. » Le patron des Bleus est prudent, lui qui, quelques jours auparavant, était sur le point de démissionner. C’était juste après une tentative d’enlèvement dont il avait été victime, en voiture avec sa femme près de Bordeaux. Hidalgo était parvenu à désarmer l’un des deux malfrats. Dans un communiqué, les ravisseurs, dont l’arme n’était pas chargée, avaient revendiqué « l’échec de tentative de détournement de Michel Hidalgo ». Ils souhaitaient « attirer l’attention sur l’hypocrite complicité de la France qui fournit du matériel militaire à l’Argentine ».

France-Koweït

Fahad al-Ahmed al-Jaber al-Sabah

Le premier arbitrage

diplomatique

Par Etienne Labrunie

Ce match anodin en apparence voit le frère de l’émir du Koweït débarquer sur la pelouse de Valladolid pour faire annuler un but, mettant Michel Hidalgo dans une colère noire.

Il est 18h50. On file vers une fin de match pépère d’un après-midi qui ne l’est pas moins pour l’équipe de France. Les Tricolores font le boulot face au modeste Koweït. Reste dix minutes à tirer. La domination française s’affiche au tableau d’affichage (3-1). Bernard Genghini, d’un coup franc du gauche (31e), Michel Platini, qui fête ce jour-là son 27e anniversaire (43e) et Didier Six (47e) sont les buteurs. Max Bossis a bien cru l’être, pour la première fois sous le maillot tricolore, mais l’arbitre russe Myroslav Stupar a signalé un hors-jeu (inexistant). Les Koweïtiens ont réduit le score sur un coup-franc joué rapidement, transformé par Abdulaziz Al Balushi.

On joue la 79e minute de la rencontre. Un une-deux d’école entre Michel Platini et Alain Giresse. Le second reçoit le ballon à l’entrée de la surface, côté gauche, et le catapulte au fond des buts. L’arbitre valide. Les Koweïtiens râlent dans tous les sens. Avant la dernière passe, un coup de sifflet venu des tribunes du stade José Zorrilla a très clairement retenti. Il a trompé son monde. Sur les images, Alain Giresse marque d’ailleurs une pause pendant que les défenseurs koweïtiens, eux, s’arrêtent carrément, pensant à un hors-jeu.

Le cheikh Fahd al-Ahmed al-Sabah, frère de l’émir du Koweït, descend sur la pelouse pour faire connaître son désaccord après le quatrième but de l’équipe de France. © Jean-Pierre Prevel / AFP

Les rouges encerclent l’arbitre dans le rond central. Rien à faire. Une bousculade s’ensuit. Ils se tournent vers la tribune où un homme s’agite, fait de grands gestes. Il finit par descendre, exaspéré. Il pénètre sur le terrain, violant les interdits. Il s’agit du cheikh Fahad al-Ahmed al-Jaber al-Sabah, frère cadet de l’émir, président de la Fédération koweïtienne de foot et du Comité olympique koweïtien.

Argentine-Angleterre

Les deux coups de folie

de Maradonas

Par Etienne Labrunie

Le 22 juin 1986, de la main puis des pieds, Diego Armando Maradona entre dans l’histoire de la Coupe du monde lors d’un match aux accents guerriers, quatre ans après le conflit des Malouines.

Diego Armando Maradona est un « cerf-volant cosmique ». Victor Hugo Morales, célèbre commentateur de la radio argentine, est, lui, parti dans l’espace. Il peine à reprendre son souffle après le deuxième but phénoménal du capitaine et maestro argentin. Un commentaire culte, presque autant que le but et repris en poème, chanson, hymne.

Ce quart de finale de la Coupe du monde vient de changer de dimension. Diego Maradona a ensorcelé toute une planète en cinq minutes. Il est le plus grand braqueur de tous les temps et un génie, un dieu même, et pas seulement pour les 100 000 fidèles de l’église Maradonienne, créée plus tard, en 1998, et présente dans 60 pays.

Maradona slalome entre les défenseurs anglais lors du quart de finale de la Coupe du monde 1986. © AFP

Le scénario de ce match frise la perfection. Tout y est. D’abord le contexte. Difficile de trouver tension plus exacerbée entre deux pays qui, quatre ans auparavant, se faisaient la guerre. « Pour nous, il n’était pas question de gagner un match, il s’agissait d’éliminer les Anglais, dit Maradona. On voulait rendre honneur à la mémoire des morts. » (Ma vérité, traduit par Alexandre Juliard, Hugo Sport, mai 2016).

Iran-USA

Quand l’Iran battait

les Etats-Unis dans le match de la réconciliation

Par Etienne Labrunie

Le 21 juin 1998, le stade Gerland de Lyon est le théâtre d’un choc diplomatique entre l’Iran et les Etats-Unis. Bilan des opérations : de belles photos et une victoire pour l’honneur et tout un peuple.

On veut souvent faire supporter au foot un poids qui n’est pas le sien. Et, à l’occasion, donner à un match des vertus qui souvent le dépassent. C’est pousser le ballon un peu loin. Cet Iran - Etats-Unis du 21 juin 1998 reste un modèle du genre. Dès le tirage au sort, la FIFA va décréter que cette troisième rencontre du groupe F sera celle « de la fraternité ». Au même moment sans doute, le comité d’organisation s’empresse de demander à classer ce match à haut risque en termes de sécurité. Dans les deux cas, l’idée était la même. Anticiper un match potentiellement pas comme les autres…

Le 21 juin a plutôt mal débuté. Dans l’après-midi à Lens, en marge de l’autre match du groupe, un gendarme mobile a été tabassé par des hooligans allemands. Daniel Nivel, 44 ans, restera six semaines dans le coma et en gardera des séquelles à vie. A Lyon, la sécurité a été renforcée. Le symbole suscite quelques craintes. Alors on ne lésine pas non plus sur les images et les bons sentiments dans l’avant-match. Ainsi, après les hymnes, scrupuleusement respectés par le public, le protocole est modifié et les deux équipes posent rassemblées pour un cliché qui fera le tour du monde. La FIFA décrète pour l’occasion la « Journée du fair-play » et chaque joueur iranien offre un bouquet de fleurs blanches à son homologue américain…

Hamid Estili (numéro 9) fête son but avec ses coéquipiers, le 21 juin 1998 à Lyon. © AFP

Au même moment, les tireurs d’élite placés sur le toit redoublent d’attention. Quelques minutes auparavant, la police intervient dans les travées de Gerland pour calmer des supporteurs iraniens qui brandissaient des banderoles jaunes pour soutenir Maryam Ravaji, la présidente du Conseil national de la résistance d’Iran en exil. « A bas Khatami ! », reprend le stade devenu tribune des exilés et opposants à la République islamique d’Iran, dirigée par Mohammad Khatami depuis un an. Un homme est interpellé alors qu’il essaye d’entrer sur la pelouse. Un ballon rose surmonté de la banderole atterrit sur le terrain.

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