Les enfants trouvés de Côte d’Ivoire

Privés de nationalité et droits humains fondamentaux, les apatrides en Côte d’Ivoire ne peuvent pas aller au collège, obtenir un emploi formel, ouvrir un compte bancaire, posséder une terre, voyager librement ou voter.

Loin d’être un problème qui affecte une minorité de personnes, le Gouvernement ivoirien estime qu’il y a près de 700 000 personnes vivant en Côte d’Ivoire en situation d’apatridie actuellement ou à risque de le devenir.

Cette situation s’explique par deux raisons principales: pendant la période coloniale, de nombreuses personnes transplantées dans le pays depuis  le territoire voisin où se situent aujourd’hui le  Burkina Faso, le Mali et la Guinée. Ces populations qui venaient travailler dans les plantations n’ont pas reçu de nationalité quand le pays a acquis son indépendance. Leurs descendants n’ont toujours pas de nationalité bien qu’ils vivent dans le pays depuis plusieurs générations.

L’autre raison, c’est que la loi ivoirienne n’a prévu aucune disposition pour accorder la nationalité aux enfants abandonnés également appelés enfants trouvés. De ce fait, près de 300,00 personnes se retrouvent en situation d’apatridie en Côte d’Ivoire selon les estimations du HCR.

Voici l’histoire de trois enfants qui ont grandi en Côte d’Ivoire sans nationalité parce qu’ils ont été abandonnés par l’un ou par tous les deux parents.

 

Côte d'Ivoire. Annick Stateless Children Photostory

Annick n’a aucune idée où se trouvent ses parents. Elle a perdu tout contact avec eux quand elle était encore très petite. Pour cette raison elle n’a aucun document qui justifie ses origines et son lieu de naissance. Elle n’a pas de nationalité et est, par conséquent, apatride. Annick a été élevée par ses grands-parents. Mais à leur mort, elle a été recueillie par le chef de village. Après le décès de ce dernier, c’est son beau fils Séverin qui l’a accueillie dans sa famille et qui s’occupe d’elle depuis. Selon lui, Annick serait née à environ 5 kilomètres de la frontière du Ghana et aurait environ 13 ans. HCR/ Arnaud Froger

Côte d'Ivoire. Annick Stateless Children Photostory

Annick adore l’école, mais sans certificat de nationalité elle n’aura bientôt plus d’autre choix que d’abandonner les cours. Elle ne pourra pas aller au collège ou poursuivre ses études après le secondaire, encore moins recevoir un diplôme officiel. Elle ne peut pas non plus voyager librement à travers le pays. « Si un jour il arrivait que je ne puisse plus aller à l’école, je serais vraiment malheureuse », affirme-t-elle. Annick espère qu’un jour elle pourra vivre comme tout le monde, avec les même droits et opportunités. « Mon rêve c’est de voyager », dit-elle. « J’aimerais visiter la capitale Abidjan et découvrir d’autres pays. Je voudrais devenir Ministre des Finances. Je veux devenir une femme très puissante pour aider les autres, ça me rendrait vraiment heureuse ». Cependant, sans nationalité, toutes ces aspirations seront purement irréalisables. HCR/ Arnaud Froger

Côte d'Ivoire. Issa Stateless Children

« Je ne sais pas qui sont mes parents. Je ne me souviens pas d’eux ». Issa a été abandonné alors qu’il était encore à bas âge. Il n’a aucun papier d’identité qui prouve ses origines ou l’identité de ses parents. A l’instar de nombreux enfants abandonnés, Issa ne peut prouver sa nationalité. Il est par conséquent apatride. Issa a approximativement 10 ans. Vers l’âge de trois ans, Issa à été confié à l’imam de la mosquée d’Aboisso, une ville située a l’est de la Côte d’Ivoire. « Je reviendrai le chercher dans trois jours », avait dit son père à l’imam. Mais il n’est jamais revenu. Tout ce que possédait Issa, c’étaient les vêtements qu’il portait. C’est l’Imam qui lui a donné le nom Issa. HCR/ Arnaud Froger

Côte d'Ivoire. Issa Stateless Children

Issa ne bénéficie pas du même traitement que les autres enfants de la famille ou du voisinage. Pendant que ses amis et frères vont à l’école, lui va faire paître les bêtes au pâturage et effectue des tâches domestiques. « Tous les jours, je dois effectuer des taches domestiques et m’occuper des animaux. J’aimerais retourner à l’école, mais cela m’est impossible car je n’ai pas de papiers », affirme t-il. L’assistant social qui s’occupe régulièrement de lui craint que dans la réalité on fasse faire à l’enfant beaucoup plus que sa juste part de tâches ménagères. « Il n’a aucun parent pour le protéger, pour dire non aux autres membres de la communauté qui lui demandent de faire leurs courses ». « Mon rêve est de devenir footballeur. Mais pour cela, je dois d’abord aller à l’école », affirme Issa. Mais aujourd’hui, il ne peut que fréquenter l’école coranique parce que sans nationalité, son tuteur pense qu’il sera difficile de l’inscrire à l’école publique. « Tous les autres enfants ont un extrait d’acte de naissance ou un document qui prouve leur nationalité. Nous ne savons pas comment lui établir le moindre document étant donné qu’il n’a ni père ni mère », affirme t-il. HCR/ Arnaud Froger

Côte d'Ivoire. Deborah Stateless Children Photostory

Deborah va à l’école depuis l’âge de six ans. Mais dans deux ans, quand elle sera au CM2, elle devra fournir un extrait de naissance. Si d’ici là elle n’arrive pas à obtenir des papiers d’identité, elle ne pourra plus aller à l’école. Elle veut pouvoir croire qu’un jour elle aura un extrait de naissance, ce qui lui permettra acquérir la nationalité, et donc d’être reconnue comme citoyenne. HCR/ Arnaud Froger

Côte d'Ivoire. Deborah Stateless Children Photostory

Deborah (à gauche) est assise avec sa mère Lucille et ses deux demi-sœurs. Lucille à été abandonnée à la naissance et est donc apatride. Le père de Déborah est parti quand elle était encore une fillette. Parce que sa naissance n’a jamais fait l’objet d’une déclaration, elle n’a jamais pu jouir de la nationalité de son père et est par conséquent apatride aussi. « J’aimerais qu’elle aie une meilleure vie que la mienne. Je ne peux ni faire des études, ni travailler, ni voyager », affirme Lucie. Parce qu’elle n’a pas de papiers d’identité, Lucille est systématiquement arrêtée en route par la police qui lui demande de donner de l’argent pour pouvoir circuler librement. Déborah a été confiée à une famille qui vit non loin de là. « Elle est mieux là-bas. Sans papier, je ne peux ni étudier, ni travailler. Je n’ai pas d’argent et je ne peux rien lui donner. Je voudrais qu’elle ait une vie meilleure que la mienne », affirme t-elle. HCR/ Arnaud Froger