Des réfugiés afghans inscrivent l'Allemagne sur la carte du cricket
Après avoir fui l'Afghanistan et trouvé un sanctuaire en Allemagne, des réfugiés introduisent le cricket dans leur patrie d'adoption.
Masih (centre droit) a fui l'Afghanistan et joue aujourd'hui dans l'équipe du SG Findorff.
© HCR/Gordon Welters
Des réfugiés afghans jouent au cricket sur un beau terrain gazonné dans le nord de l'Allemagne. Haidar lance la balle à Masih qui la renvoie d'un coup de batte en milieu de guichet où Farooq se tient prêt à bondir pour l'attraper.
Ce jeu qui enflamme les Afghans et leur donne le sentiment d'être chez eux laisse encore les Allemands très perplexes. Et pourtant, la contribution des réfugiés contribue à faire de l'Allemagne une nouvelle venue dans le monde du cricket.
« Je suis passionné par le cricket, » dit Masih Shams, 19 ans et originaire de Kaboul. « Quand je suis venu en Allemagne, je pensais que je ne jouerai plus jamais. Mais un garçon à l'école m'a dit qu'il y avait des clubs et je me suis inscrit. Quand j'en parle à mes professeurs et aux autres étudiants, ils s'exclament toujours : ‘Ah bon, on joue au criquet en Allemagne ?’ »
Ce qui est peut être encore plus surprenant, c'est que le SG Findorff a été créé par une femme. Nisar Tahir, 47 ans, une Pakistanaise élevée en Allemagne, a fondé le club il y a quatre ans parce que le cricket lui manquait, à elle comme à sa famille. Lorsque des réfugiés ont commencé à arriver à Brême en 2015, elle a visité les sites de réception pour les aider et pour repérer des joueurs talentueux.
« Quand je suis venu en Allemagne, je pensais que je ne jouerai plus jamais. »
Le club a déjà remporté des succès : l'année dernière, Brême s'est classée première de toutes les équipes de cricket du pays et le club est de nouveau en demi-finale cette année. Pratiquer le cricket s'avère en outre thérapeutique pour ces jeunes gens qui ont connu d'intenses traumatismes.
Farooq Sher, 17 ans et originaire de Nangarhar en Afghanistan, est venu en Europe tout seul après avoir perdu son père lors d'une attaque lancée par les talibans.
« Quand j'avais 14 ans, ma mère a reçu une lettre des talibans qui disait : ‘Donne-nous ton fils’, » raconte-t-il. « C'est alors qu'elle m'a dit qu'il était temps que je parte. »
Farooq avait commencé à jouer au criquet à l'âge de 10 ans. « Lancer, frapper la balle et tout le reste, j'ai appris ça dans le caniveau [dans la rue]. Mais les talibans n'aimaient pas le cricket, seulement la guerre. »
Farooq qui est maintenant le plus jeune joueur du SG Findorff aime sa vie à Brême où il a appris l'allemand et s'est fait des amis.
« J'ai fait venir les élèves de ma classe sur l'ovale et je leur ai fait une présentation, » dit-il. « Je leur ai expliqué la complexité du cricket et ses trois aspects importants : le jeu et la tenue au champ, le lancer et la frappe. »
Le cricket est relativement nouveau en Allemagne où 27 millions de personnes sont membres de clubs sportifs d'un genre ou d'un autre. Outre que le cricket aide les réfugiés à se sentir chez eux en Allemagne, il pourrait aussi attirer des Allemands, diversifier la pratique sportive et faire naître de nouvelles amitiés dans le monde du sport.
À l'heure actuelle, si ce n'est quelques Allemandes dans l'équipe féminine, les Pakistanais les Indiens et les Afghans composent l'essentiel des joueurs du SG Findorff. Ils communiquent en diverses langues, l'urdu étant leur lingua franca, et ils échangent aussi parfois en allemand. Les équipes juniors (moins de 19 ans) et adultes sont membres des ligues régionales et fédérales
« Les talibans n'aimaient pas le cricket, seulement la guerre. »
« Ici, j'ai fini par me rendre compte que j'étais un bon lanceur, » dit Ghulam Haidar Haideri, 19 ans et originaire de Kandahar, en Afghanistan, qui veut faire carrière dans l'informatique. La semaine dernière, j'ai pris cinq guichets dans une rencontre d'une journée entre Brême et Hambourg. »
Masih est un joueur polyvalent, de la frappe à la garde de guichets. « Si je jouais à aussi haut niveau en Afghanistan, j'aurais probablement envisagé de faire carrière dans le cricket, mais ici, ça ne peut pas être autre chose qu'un passe-temps. Je ramène mes médailles à ma mère à la maison. »
Aujourd'hui, les joueurs sont fatigués après un entraînement de trois heures. Masih a été percuté par la balle en pleine poitrine et il a mal. Haidar doit se lever de bonne heure demain matin. Mais sur le chemin du retour au centre de réception Lothar Kannenberg, Farooq a encore l'énergie de faire une promenade nocturne pour visiter la vieille ville de Brême.
Dans le square se dresse la sculpture des animaux musiciens du conte de fées « Les musiciens de Brême » des Frères Grimm: un coq sur le dos d'un chat, lui-même debout sur un chien qui est monté sur un âne. Farooq frotte les jambes de bronze de l’âne, une coutume de bonne chance dans la ville.
Nisar, la fondatrice du club, sait tout ce que le cricket représente pour ces jeunes gens.
« Ici sur l'ovale, on oublie toute l'énergie négative, » dit-elle. « Il n'y a que du positif qui va et qui vient avec le bonheur. »