En Jordanie, le Ramadan unit les réfugiés et les locaux
A l'approche de l'Aïd, des femmes du monde arabe joignent leurs efforts pour cuisiner des pâtisseries traditionnelles des fêtes et les livrer aux familles dans le besoin à Amman.
La résidente jordanienne Mervat Mohammad (à droite) et la volontaire réfugiée Hadeel al Tuhouri (à gauche) préparent des pâtisseries arabes pour l'Aïd au Princess Basma Centre for Social Development à Amman, Jordanie.
© HCR/Annie Sakkab
Les femmes sont des réfugiées de Syrie, d'Irak, du Yémen, du Soudan et de Somalie, ainsi que des Jordaniennes, et elles sont rassemblées pour préparer la ma'amoul - une pâte sablée traditionnelle qui est consommée à travers le monde arabe pendant les célébrations de l'Aïd pour marquer la fin du mois sacré du Ramadan.
La Jordanie accueille près de 750 000 réfugiés enregistrés, dont l'écrasante majorité est issue du conflit qui dure depuis sept ans en Syrie voisine, mais aussi des populations originaires d'Irak, du Yémen et du Soudan.
Les femmes sont réunies dans un centre communautaire de la capitale jordanienne, Amman, géré par le HCR - l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés - et son partenaire, le Fonds hachémite jordanien pour le développement humain (Johud). Le centre nouvellement ouvert a pour but de favoriser les liens entre les réfugiés de différentes nationalités et la communauté locale – à cette occasion pour leur attrait commun de la nourriture.
« Quand je suis arrivée ici, j'ai ressenti un sentiment d'appartenance. Je sentais que les cultures et les traditions héritées de nos grands-parents sont toujours aussi fortes », a expliqué Kawthar, une réfugiée irakienne. « Au lieu de sentir que nous venons tous d'endroits différents, comme la Jordanie, l'Irak ou la Syrie, cela nous fait sentir que nous sommes tous des Arabes. Cela nous donne un sentiment d'appartenance et d'unité. »
Ce sentiment est partagé par Mervat, une Jordanienne de 37 ans qui vit près du centre. « C'est une tradition de confectionner des gâteaux sablés à la fin du Ramadan. Nous avons appris à connaître nos sœurs réfugiées, et comment chaque pays prépare ces pâtisseries pour l'Aïd. »
Après plusieurs heures de travail, quelque trois mille ‘ma'amoul’ dorés ont émergé de deux fours à gaz portatifs installés dans l'aire d'accueil du centre et refroidissent en rangées soignées. Ils seront ensuite saupoudrés de sucre et emballés dans des paniers en plastique attachés avec un ruban, prêts à être distribués aux réfugiés dans le besoin et aux familles locales du quartier.
« Nous avons appris à connaître nos sœurs réfugiées, et comment chaque pays fabrique ces pâtisseries pour l'Aïd. »
Parmi les bénéficiaires qui recevront la visite des bénévoles du centre se trouve Ghania, une réfugiée syrienne de 47 ans, mère de six enfants, qui a fui Homs en 2012. Elle travaille en tant que femme de ménage pour subvenir aux besoins de ses enfants, dont trois sont handicapés.
Elle a décrit la lutte quotidienne qu'elle doit mener pour subvenir aux besoins de sa famille, ce qu'elle ressent encore plus vivement à la fin du Ramadan - un temps de célébration. « Ce Ramadan en particulier a été très difficile pour nous financièrement. Je dois travailler dans de nombreuses maisons, juste pour pouvoir payer le loyer, l'électricité ou l'eau. Je travaille si dur pour pouvoir survivre au quotidien. »
Au milieu de ces difficultés, quelques sachets de ‘ma'amoul’ à partager entre les proches à l'Aïd ne changeront rien à leur fortune, mais c'est un geste bienvenu néanmoins, et qui rappelle des moments plus heureux.
« Cela me rappelle ma vie en Syrie », a expliqué Ghania. « J'étais très à l'aise. Je me souviens de la façon dont nous nous réunissions tous ensemble - moi, mes filles et mes belles-soeurs - pour confectionner ces gâteaux sablés. Quand je les ai vus arriver avec ce geste symbolique, j’ai ressenti un grand bonheur. »