Le Guatemala, un havre après la violence des gangs dans la région
Au cours d'une visite au Guatemala, le chef du HCR Filippo Grandi a mis l'accent sur l'évolution de ce pays d'Amérique centrale, devenu une destination de choix pour des réfugiés du Salvador et du Honduras.
GUATEMALA – Menacés et harcelés par les gangs de rues meurtriers de leur Salvador natal, Juan Pablo* et Cecilia avaient déjà dû déménager à plusieurs reprises.
Mais c'était la perspective d’une éducation perturbée pour leur fils Juan, cinq ans, et leur fille Alma, d’un an, qui les a finalement amenés à abandonner leur patrie d'Amérique centrale.
« Nos enfants doivent aller à l'école et c'est impossible quand on doit constamment déménager d'un endroit à l'autre », explique Juan Pablo.
Sa famille et lui comptent parmi les dizaines de milliers de gens qui fuient les maras, les gangs des rues du Salvador et du Honduras – même si leur destination de choix était peu prévisible : le Guatemala voisin.
Les activités criminelles des puissants maras englobent l’extorsion d'argent, le trafic de drogue, le trafic humain, la prostitution et le vol. Et si leur influence s’étend jusqu’au Guatemala, les demandeurs d'asile disent que le pays est plus sûr pour eux.
« On nous a dit qu'il y avait de la violence dans certaines parties du Guatemala, mais que les choses étaient plus calmes ici », explique Juan Pablo qui a fui vers Guatemala City avec sa famille au mois de mai. « Au Salvador, chaque coin de rue est dangereux. »
« Les Guatémaltèques nous ont bien accueillis et nous ont aidés. »
Pour mieux protéger les nouveaux arrivants, le HCR, l'agence des Nations Unies pour les réfugiés, et des organisations de la société civile ont mis en place un réseau de lieux sûrs pour veiller à la sécurité de demandeurs d'asile comme Juan Pablo et sa famille – qu'ils choisissent de rester au Guatemala ou d'aller s'installer dans un autre pays.
Tout indique cependant qu'ils sont nombreux à vouloir plutôt s'installer sur place. De 2014 à 2016, le nombre de demandes d'asile au Guatemala a augmenté de 202 pour cent. Par ailleurs, le Guatemala n'interne pas les demandeurs d'asile, ce qui a permis à Juan Pablo et Cecilia d'atteindre leur principal objectif.
« Ils ont admis notre fils à l'école gratuitement », dit Cecilia. « Et ma fille va à la crèche. Les Guatémaltèques nous ont bien accueillis et nous ont aidés. »
La famille a fait une demande d'asile et reçu des visas qui leur permettent de rester provisoirement, en attendant l'examen de leur dossier. Depuis 2014, 178 personnes ont obtenu le statut de réfugié dans le pays, où 97 pour cent des demandes de Salvadoriens et 83 pour cent des demandes de Honduriens one reçu une suite favorable.
La protection n'est pas limitée aux familles. Les personnes identifiées comme lesbiennes, gay, bisexuelles, transgenre ou intersexuées, regroupées généralement sous le sigle LGBTI, sont spécifiquement identifiées comme étant éligibles au statut de réfugiés au Guatemala. Cette reconnaissance a été d'une importance vitale pour Leti, qui a grandi au Salvador, mais pour laquelle sa transition pour devenir une femme a été une expérience particulièrement brutale là-bas.
« Quand j'ai parlé de ma sexualité à mes proches, toute la famille s'est tournée contre moi,” témoigne-t-elle. Il y a plus de dix ans, elle a fui les abus et la violence au Salvador après avoir assisté au meurtre d'amis LGBTI.
Si sa vie au Guatemala n'a pas été facile, ses amis LGBTI du Salvador et elle s’y sont épanouis lorsqu'ils ont eu la possibilité d’y demander l'asile.
« Je me suis fait des amis et j’ai trouvé des endroits où je peux me porter bénévole et travailler comme activiste », dit-elle. « Je me sens chez moi ici. Les amies d'ici ne sont pas mes proches par le sang, mais j'ai l'impression que ce sont mes sœurs.
« Le grand défi, c'est de s'attaquer... aux causes profondes de la violence qui amène tant de gens à fuir. »
Le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés Philippo Grandi s'est rendu au Guatemala pour une première visite de travail pendant laquelle il a rencontré le Président Jimmy Morales, des réfugiés et des partenaires du HCR.
Il a constaté que les mesures de protection sont nécessaires car le Guatemala devient de plus en plus un “pays de refuge” et n'est plus seulement une étape pour les réfugiés et migrants qui se rendent au Mexique ou aux États-Unis.
« Beaucoup de gens finissent par demander l'asile ici, particulièrement ceux en provenance du Salvador et du Honduras », a expliqué Filippo Grandi. Il a également souligné que des mesures concertées à l'échelle internationale sont nécessaires pour s'attaquer à l'insécurité qui est à l'origine des déplacements dans la région.
« Le grand défi, c'est de s'attaquer aux causes profondes, et surtout aux causes profondes de la violence qui amène tant de gens à fuir. Et cette quête de solutions ne peut être réalisée qu'à l'échelle de la région... Et ça doit se faire avec le soutien de la communauté internationale », a-t-il déclaré.
Filippo Grandi s'est rendu au Guatemala au début d'une tournée de 10 jours dans cinq pays de la région. Au Honduras et au Salvador, il doit rencontrer des communautés touchées par la violence et l'insécurité ainsi que des dirigeants du gouvernement et des partenaires du HCR.
Il se rendra également au Mexique, où il rencontrera des réfugiés et des demandeurs d'asile, principalement d'Amérique centrale, qui ont trouvé refuge dans ce pays où des initiatives déterminantes de création de solutions durables, et principalement d'intégration locale, sont en cours de mise en place. Il terminera sa tournée au Costa Rica.
*Tous les noms des réfugiés ont été modifiés pour les protéger.