L’intox des Vélib’ volés « pour le tiers-monde »
Partager
Tweeter
Les décodeurs

L’intox des Vélib’ volés « pour le tiers-monde »

Un militant d’extrême droite a affirmé qu’un trafic de Vélib’ international menaçait Paris. Son article a été de nombreuses fois partagé sur les réseaux sociaux.

Le Monde | • Mis à jour le | Par

Dimanche 17 juin, dans le 15e arrondissement de Paris. Deux personnes chargent, dans un utilitaire de location, des Vélib’ hors d’usage. Il n’en faut pas plus à Yann Merkado, militant d’extrême droite et cofondateur du site identitaire Suavelos, pour imaginer un complot de trafic de vélos international ourdi par les pays émergents. « Où passent les nouveaux Vélib’ ? Ils sont embarqués dans des camionnettes, direction le tiers-monde via container », avance M. Merkado, en précisant que ses photos sont « exclusives ».

Le même Yann Merkado publie sur son site un article partageant cinq photographies prises par un internaute, sur lesquelles on voit deux personnes – dont le visage n’est pas flouté – charger des Vélib’ dans un camion de location. « Braguette ouverte, casquette, capuche, baskets, dégaine de cité… Est-ce qu’ils ressemblent à des employés municipaux ? Est-ce qu’ils ont une tenue de travail avec des chaussures de sécurité ? Est-ce qu’il est farfelu de penser à un vol ? Ça se passe comment chez Vélib’ ? », s’interroge-t-il dans un texte accompagné de photos.

De fait, les personnes que l’on voit charger les vélos dans une camionnette ne sont pas des truands œuvrant pour un trafic intercontiental de bicyclettes, mais… des employés contractuels employés par Smovengo pour faire face à la grève qui gangrène son service depuis le mois d’avril.

Comme le relève cet article de Franceinfo, Smovengo recrute, pour court-circuiter la grève de ses employés, des intérimaires pour transférer discrètement les Vélib’ défectueux vers une fourrière en Seine-Saint-Denis en louant des utilitaires.

« Racailles d’assistés » et « gauchistes agressifs »

Quelques minutes après sa parution, l’article fleurit sur les réseaux sociaux et est partagé par de nombreuses pages proches de l’extrême droite. Au bas des publications, des commentaires fustigeant les « racailles d’assistés » et enjoignant aux coupables du vol présumé d’« aller au bagne pour casser des cailloux ». Sur Twitter, Yann Merkado s’insurge contre le trafic de bicyclettes présumé et partage les numéros de plaque de la fourgonnette – avant de demander aux internautes de « partager en masse » ses messages.

Mais bien vite Yann Merkado lui-même se rend compte de sa méprise. Le doute commence à affleurer une heure après la publication de ses premiers tweets, après que de nombreux internautes lui ont fait remarquer sa bévue. « Des gauchistes agressifs et malveillants prétendent qu’il s’agit de quelque chose de normal […] j’en reste coi. Si vous avez des infos officielles, je prends », tweete-t-il en fin de soirée.

Face aux moqueries des internautes, Yann Merkado rejette alors la faute sur un étrange compte – privé – répondant au nom de « crevure75 », qui serait, selon lui, à l’origine des photos. « L’hystérie LGBT, ça va deux secondes », conclut Yann Merkado quand des internautes le mettent face à l’ineptie de ses messages. « Je vais corriger au cas où », finit-il par écrire. Sans supprimer son tweet initial. Ni l’article de Suavelos qui met en cause deux contractuels de Smovengo en dévoilant leurs visages.

Les décodeurs, mode d'emploi

Les décodeurs du Monde.fr vérifient déclarations, assertions et rumeurs en tous genres ; ils mettent l’information en forme et la remettent dans son contexte; ils répondent à vos questions.

Lire la charte

Découvrir l'équipe