Le philosophe américain Stanley Cavell est mort
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Le philosophe américain Stanley Cavell est mort

Ancien professeur à Harvard, Stanley Cavell était une grande voix de la philosophie contemporaine. Il est mort le 19 juin, à Boston, à l’âge de 91 ans.

Le Monde | | Par

Stanley Cavell, à Paris, en 2015

Stanley Cavell est mort le 19 juin à Boston (Massachusetts), d’un arrêt cardiaque. C’est l’une des grandes voix de la philosophie contemporaine qui s’éteint. Le terme de voix n’est pas seulement à entendre au sens figuré, tant le mot est central dans cette pensée du scepticisme qui nous empêche d’avoir confiance en nous-même et de faire entendre, dans la vie ordinaire, la politique ou l’art, cette voix qui exprime notre singularité et nous ouvre au monde par le truchement du langage.

Héritier de Ludwig Wittgenstein (1889-1951) en ces matières, Stanley Cavell a toujours occupé une place originale dans le débat contemporain. Situé à mi-chemin des traditions anglo-saxonne et continentale, toujours enclin à ouvrir le champ du philosophique à l’art, à la musique, à la littérature, au théâtre et (surtout) au cinéma, il tenait à faire résonner un ton typiquement américain dont l’origine est à situer (et à redécouvrir) chez Emerson et Thoreau, ces penseurs transcendantalistes de la Nouvelle-Angleterre qu’il a puissamment contribué à faire redécouvrir dans toute leur radicalité philosophique et politique (voir Qu’est-ce que la philosophie américaine ?, 1988, Gallimard, 2009).

Professeur à Harvard depuis 1963, Stanley Cavell ne se destinait pourtant pas à la philosophie. Né en 1926 à Atlanta (Géorgie) dans une famille juive d’origine russe très musicienne (sa mère jouait du piano dans les cinémas), pratiquant lui-même plusieurs instruments, il ambitionne de devenir compositeur et intègre la Juilliard School après un premier cursus universitaire à Berkeley. C’est au cours de ces années new-yorkaises qu’il fait l’épreuve de ce « scepticisme vécu » (Wittgenstein) et ressent le besoin encore diffus d’une orientation nouvelle.

Un cinéphile né

Il connaît un véritable chemin de Damas en écoutant, en 1955, les fameuses conférences américaines sur les actes de langage du philosophe britannique J. L. Austin (1911-1960), qui seront plus tard...