Elle se sert de sa surdité pour faire entendre la voix des réfugiés
Judith Chan explique comment elle a utilisé son expérience personnelle de la surdité pour aider des réfugiés souffrant du même handicap.
GAZIANTEP, Turquie – Du fait de sa surdité, Judith Chan n’était pas étrangère à l’adversité. Au fil des années, elle a appris à des personnes handicapées à nager et a aidé à réhabiliter des usagers de la drogue. Mais lorsqu’elle a rejoint le HCR, l’Agence des Nations unies pour les réfugiés, en 2011, elle a été confrontée à son plus grand défi : trouver un moyen de communiquer avec des réfugiés sourds ou malentendants, qui ne connaissaient pas la langue des signes et n’avaient jamais appris à lire ou à écrire.
Au sein d’une équipe du HCR pour la réinstallation des milliers de réfugiés bhoutanais dans des camps au Népal, Judith, fonctionnaire du HCR sur le terrain, s’est consacrée à l’apprentissage de la langue des signes népalaise pendant trois mois. L’équipe a également photographié des articles et collecté des objets dans les camps, afin de créer un ensemble d’outils de communication non verbale.
« D’après ma propre expérience en tant que personne souffrant d’une déficience auditive, j’ai reconnu beaucoup de frustrations et d’obstacles que les réfugiés ont rencontrés car j’y ai été également confrontée », explique Judith. « Sans moyen de communication, nous avons redécouvert à quel point le langage est important. Il nous permet de donner un sens à notre monde et de communiquer nos désirs, nos besoins, nos désirs et nos sentiments ».
« J’ai reconnu beaucoup de frustrations et d’obstacles ».
La trousse à outils du projet pilote « Communication améliorée et alternative », qui a ensuite été mise au point, a permis à Judith et ses collègues de communiquer avec des réfugiés handicapés lors d’entrevues dans le cadre de leur protection internationale et de leur réinstallation. Depuis lors, les partenaires, les réfugiés et le personnel de terrain du HCR ont utilisé cette trousse à outils pour améliorer la communication avec les réfugiés handicapés et accroître la capacité de ces derniers à signaler les incidents de violence sexiste ainsi qu’à accéder aux services et à l’assistance essentiels, y compris au soutien psychosocial.
À ce jour, sa contribution à la création de ces outils est l’un des plus beaux moments de Judith.
« Être un travailleur humanitaire implique de constamment trouver de nouveaux moyens pour aider les gens à reconstruire leur vie, en s’appuyant sur ce que nous avons appris aujourd’hui pour un avenir meilleur », dit-elle.
Le 3 décembre, à l’occasion de la Journée internationale des personnes handicapées, le HCR a mis en évidence les réalisations et les contributions de plus d’un milliard de personnes handicapées dans le monde. Le HCR a également renouvelé son engagement à promouvoir une plus grande sensibilisation et une reconnaissance accrue de leurs diverses perspectives et capacités, et à mobiliser un soutien pour leurs droits.
« Les personnes handicapées peuvent s’avérer de puissants agents du changement et contribuer à des sociétés plus ouvertes et plus inclusives dans lesquelles la diversité est saluée et célébrée », a déclaré le Haut Commissaire du HCR, Filippo Grandi dans un message vidéo. « C’est mieux pour tout le monde ».
« Au sein du HCR, nous sommes pleinement engagés à éliminer les obstacles physiques et sociaux auxquels sont confrontés les réfugiés, les personnes déplacées et les communautés au sein desquelles ils vivent. Nous nous employons à créer un environnement dans lequel la diversité sous toutes ses formes est acceptée, et qui permet à ces personnes d’exercer leurs droits et de rechercher des solutions qui répondent à leurs aspirations et à leurs besoins ».
Pour Judith, chaque jour au travail - à mener des entrevues sur le terrain et à participer à de grandes réunions dans des environnements acoustiques médiocres - peut être un défi du fait de son handicap auditif. Mais ses collègues du HCR lui apportent leur aide.
« Les personnes handicapées peuvent s’avérer de puissants agents du changement ».
« Tout au long de ma carrière au HCR, j’ai eu la chance de travailler avec plusieurs superviseurs et collègues qui m’ont apporté leur aide », explique-t-elle. « Parfois, des collègues m’aident : ils relayent des messages téléphoniques, en utilisant des messages textes, en écrivant et en tapant des notes afin que je puisse suivre la communication dans des environnements bruyants, ils veillent à ce que je sois assise près des orateurs principaux, ils parlent lentement et ils demandent même aux autres d’en faire autant ».
Les réfugiés souffrant d’une déficience auditive font souvent face à la stigmatisation et à la discrimination au sein de leur communauté. Ils peuvent rencontrer de multiples obstacles environnementaux, sociaux, ou liés à la communication lorsqu’ils accèdent à des services et à de l’aide; ils sont en outre confrontés à un plus grand risque de problèmes de protection, y compris la violence et l’exploitation.
« Les femmes et les jeunes filles handicapées en particulier peuvent être confrontées à un risque disproportionné de violence sexiste », souligne Judith. « En raison de leurs besoins spécifiques, elles peuvent également faire face à l’exclusion sociale de leurs pairs et vivre isolées dans leur foyer ».
Judith sait que son travail avec le HCR change la vie de ces femmes et de ces jeunes filles.
« J’ai rejoint le HCR parce que devenir un travailleur humanitaire nous oblige à être innovants compte tenu des environnements complexes et difficiles dans lesquels nous travaillons », explique-t-elle. « C’est passionnant de concrétiser ce qui paraissait d’abord impossible ! »