Le lauréat de la distinction Nansen redonne l'espoir à des fillettes orphelines après l'insurrection de Boko Haram
Dans l'école créée par Zannah Mustapha au profit des orphelins et des enfants vulnérables, les élèves ne payent pas de frais de scolarité, reçoivent un uniforme et sont nourris.
Hauwa Madu, 13 ans, pleure encore à l'évocation de son père, tué il y a trois ans par l'un des groupes militants les plus redoutés au monde.
Jouant nerveusement des doigts, elle raconte d'une petite voix comment un matin, des combattants de Boko Haram ont fait irruption chez elle dans un petit village proche de Damboa, au nord-est du Nigéria, et ont abattu son père.
« Il était en train de faire ses ablutions avant la prière... Ils sont juste entrés et l'ont abattu dans sa chambre, » raconte-t-elle.
La tragédie a encore frappé quelques semaines plus tard. Son oncle, frère aîné de son père, est venu au village pour les ramener jusqu'à Maiduguri, la capitale de l'État de Borno où l'insurrection de Boko Haram a chassé des centaines de milliers de personnes de leur foyer et coûté la vie à 20 000 personnes au moins.
« Je veux toujours étudier la médecine et je pense que j'ai une chance. »
« Il pensait qu'on y serait plus en sécurité parce que les hommes de Boko Haram était en train de prendre le contrôle de la zone autour du village, mais en cours de route, ma mère qui était enceinte est morte en accouchant, » ajoute Hauwa.
Hauwa a été hébergée par son oncle et sa tante qui avaient déjà six enfants, dont certains voyaient sa présence d'un mauvais œil. À 10 ans à peine, se dessinait pour elle une vie sans grand espoir ni éducation. Son rêve de devenir médecin s'est écroulé.
Sa tante avait entendu parler de l'École de la Fondation islamique des prouesses futures créée par Zannah Mustapha pour les orphelins et les enfants vulnérables et qui était gratuite, à la différence des autres écoles. Hauwa a été acceptée et sa vie en a été transformée.
« Ça me fait de la peine de penser à mes parents, ils me manquent, » dit Hauwa. « Mais j'adore cette école et j'aime étudier. J'ai de très bonnes amies… M. Mustapha est vraiment quelqu'un de très bien. Il s'occupe de nous tous ici. Il nous nourrit, il nous donne des livres et nous permet d'étudier gratuitement. Je veux toujours étudier la médecine et je pense que j'ai une chance. »
Dans les deux écoles créées par Mustapha, appelées Prouesses futures I et II, les élèves sont également nourris une fois par jour, car nombre d'entre eux arrivent à l'école la faim au ventre.
« Cette école, c'est vraiment chez moi maintenant. Je peux de nouveau envisager l'avenir grâce à tout ce qu'il a fait pour nous ici, » ajoute Hauwa.
Les élèves sont issus de familles appartenant aux deux clans. Les enfants de militants soupçonnés de Boko Haram apprennent aux côtés d'enfants de membres des services de sécurité, musulmans et chrétiens côte à côte.
« Il est impossible qu'un enfant apprenne le ventre vide. »
« Tout le monde ici a besoin d'une bouée de sauvetage, d'une nouvelle chance… D'une manière ou d'une autre, tout le monde ici est victime de cette terrible insurrection, » a déclaré Mustapha lors d'un entretien avec le HCR où il expliquait la réflexion qui l’a conduit à créer l'école et le projet compagnon pour les veuves via sa Fondation islamique des prouesses futures établie en 2007.
« Il est impossible qu'un enfant apprenne le ventre vide, » souligne Mustapha. « Nous devons tout leur apporter, y compris des uniformes, mais nous y sommes arrivés grâce à nos nombreux sympathisants. »
Mustapha a été sélectionné comme lauréat 2017 de la prestigieuse distinction Nansen du HCR pour les réfugiés.
« J'espère vraiment que cette récompense nous permettra de passer à la vitesse suivante et de mettre en place un système de bourses d'études pour l'enseignement supérieur… Nombre de nos premiers élèves sont maintenant prêts à intégrer le collège ou l'université et nous devons trouver un moyen de financer ça, » explique-t-il.