Rejoindre envers et contre tout des proches en Europe
A 10 ans, un garçonnet a survécu à des traversées dans le désert et en mer, mais ses espoirs de vivre auprès de sa tante aux Pays-Bas s'amenuisent.
Salomon, un réfugié érythréen aujourd'hui âgé de 14 ans, devant un centre de transit pour réfugiés à Milan.
© HCR / Alessandro Penso
Salomon* n'avait que 10 ans lorsqu'il a été forcé de fuir sa maison en Érythrée. Aujourd’hui âgé de 14 ans, il vit seul dans un centre de transit depuis des mois.
Il compte parmi 11 400 enfants non accompagnés qui sont arrivés en Italie par la mer depuis janvier 2016. Beaucoup ont subi, durant leur voyage, de nombreux abus, y compris des violences sexuelles et sexistes, et ils ont été forcés de surmonter seuls des problèmes psychologiques et physiques.
Salomon a été exploité par des passeurs durant son voyage à travers le Soudan et la Libye dans l'espoir de rejoindre l'Europe. « Nous avons été vendus au Sahara puis encore une fois en Libye où nous avons séjourné pendant sept mois », dit-il. « C'était très difficile, très difficile. Vous renoncez à votre vie. Ils nous ont fait payer beaucoup d'argent. On vous achète alors vous vend, alors un autre vous vend. »
« C'était très difficile, très difficile. Vous renoncez à votre vie. »
En Libye, il a été détenu par des passeurs pendant un mois. Il vivait dans une pièce avec des centaines d'autres réfugiés et migrants. Il recevait un peu de nourriture et il était battu chaque jour. Lorsque Salomon et le reste du groupe ont finalement été emmenés à bord d'un bateau en direction de l'Italie, ils ont été entassés avec des centaines d'autres personnes.
« Il y avait 900 personnes sur le bateau », se rappelle Salomon. « Nous avons pris la mer de nuit à environ six ou sept heures. C'était difficile : la mer était démontée, les gens se battaient, des gens sont morts, certains d'angoisse et d’autres à cause de leurs bagarres. Plusieurs personnes sont mortes. C'était effrayant, mais que faire quand vous n'avez pas le choix? Vous ne pouvez pas avoir peur car, tôt ou tard, vous devez effectuer cette traversée. »
Après deux jours en mer, le bateau de Salomon a été secouru. Le garçonnet a été débarqué en Italie, où il a été placé dans un centre communautaire pour les enfants non accompagnés.
Bien qu'il soit aujourd’hui en sécurité, Salomon espérait encore retrouver avec sa tante aux Pays-Bas. Comme beaucoup d'autres qui sont séparés de leurs proches, de longues périodes d'attente l'ont contraint à surmonter lui-même ses problèmes, tout en risquant de subir des abus, la violence et l'exploitation.
« Les enfants ne devraient pas être exposés à de tels risques », déclare Stéphane Jaquemet, Représentant régional du HCR pour l'Europe du Sud. « Le regroupement familial à travers les frontières doit être amélioré, non seulement pour éviter ces dangers, mais aussi pour restaurer l'espoir et la confiance des enfants comme Salomon. »
Avec un groupe d'adolescents, une nuit, Salomon a entamé le voyage vers les Pays-Bas avec seulement un sac à dos et une lampe de poche, en suivant les voies de chemin de fer. Lorsque les voies passaient dans des tunnels à flanc de montagne, lui et ses amis se mettaient à courir en priant qu'un train n’arrive pas à ce moment-là. Si cela avait été le cas, il n'y avait aucun moyen d'échapper.
Leur voyage a pris fin lorsque des garde-frontières les ont mis en détention puis renvoyés en Italie. Aujourd'hui, Salomon attend toujours de vivre auprès de sa tante bien-aimée.
Un tout nouveau rapport du HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, démontre que beaucoup de jeunes comme Salomon effectuent des voyages périlleux et désespérés, notamment à cause du manque de voies légales et sûres.
Selon cette étude, le nombre d’arrivées de migrants et de réfugiés en Europe a chuté durant le premier semestre 2017. Toutefois, la probabilité de décès parmi les personnes tentant de rejoindre l’Europe demeure élevée.
Selon le rapport, 2253 personnes ont trouvé la mort ou sont portées disparues lors d’une tentative de traversée, et au moins 40 autres sont décédées lors du voyage par voie terrestre aux frontières de l’Europe ou non loin. La majorité des voyages s’effectuant clandestinement, les informations sont difficiles à confirmer et ces estimations demeurent prudentes. La violence et les abus commis tout au long du voyage, principalement en Libye, sont omniprésents.
Le HCR exhorte les États à simplifier des procédures lourdes et interminables pour les personnes désireuses de vivre auprès de leurs proches. Il encourage également les États à accélérer la relocalisation des demandeurs d'asile éligibles en Italie, y compris les enfants non accompagnés, en tant que geste de solidarité envers l'Italie.
Malgré le nombre élevé de candidats éligibles, comme Salomon, seuls quelques cas isolés de relocalisation de mineurs ont réussi depuis l'Italie. Pour y remédier, des mesures spécifiques pour les enfants non accompagnés ainsi qu’un partage et une solidarité plus efficaces entre les États membres de l'UE sont nécessaires.
Toutefois, sans voies légales à disposition pour rejoindre l’Europe, beaucoup ont encore recours à des passeurs sans scrupule ainsi que des réseaux de traite d’êtres humains et risquent la mort et/ou des abus effroyables.
« Prendre des mesures pour réduire le nombre de réfugiés et de migrants arrivant en Europe est moralement inacceptable, sans intensifier parallèlement les mesures pour le rétablissement de la paix, le développement et les voies légales », a déclaré le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés Filippo Grandi dans un communiqué de presse.
*Nom fictif pour des raisons de protection
Cet article fait partie d’une série sur les voyages désespérés. Vous pouvez également découvrir celui sur des réfugiés et des migrants pris au piège d’un commerce meurtrier au Niger