Les réfugiés se réfugient en Ouganda pour fuir l'escalade des combats en RDC
Les Congolais affrontent, en quête de sécurité, les eaux dangereuses du lac Albert à bord d'embarcations de fortune.
Une réfugiée congolaise aide son fils à rejoindre la rive à Sebagoro, en Ouganda, après avoir traversé le lac Albert en bateau, en février 2018.
© HCR/Michele Sibiloni
Aidé par son fils, Jack Bandinga, le visage fermé, rassemble ses affaires sur la rive ougandaise du lac Albert.
« Nous avons vu les corps de nos amis et de nos proches, par terre », explique-t-il. « Ils les ont découpés à la machette. Nous avons vu ça de nos propres yeux. »
Jack a la chance d'avoir échappé à la violence à Torehgesi, dans la province d'Ituri, au nord-est de la République démocratique du Congo (RDC). Après être restés cachés en brousse pendant deux jours, son épouse, ses quatre enfants et lui ont réussi à prendre un bateau de pêche pour traverser le lac et atteindre la rive ougandaise, une traversée de 5 heures parsemée de nombreux dangers.
La semaine dernière, en trois jours, plus de 22 000 Congolais ont traversé le lac Albert pour trouver la sécurité en Ouganda, portant ainsi le nombre de personnes originaires de RDC à quelque 34 000 depuis le début de l'année. Les réfugiés utilisent de petites pirogues ou des bateaux de pêche en mauvais état, bondés, avec parfois plus de 250 passagers et qui peuvent mettre jusqu'à 10 heures pour effectuer la traversée. Le HCR, l'agence des Nations Unies pour les réfugiés, s’est déclarée attristée par des informations selon lesquelles quatre réfugiés congolais pourraient avoir péri dans le naufrage de leur bateau.
« J'ai vu tant de gens mourir de faim. »
Sur les rives du lac Albert, les groupes de nouveaux arrivants congolais s'affairent, rassemblent leurs affaires ou attendent pour voir si leurs proches sont arrivés.
Anita Mave, 24 ans, fait partie de ceux qui attendent leur famille. Elle ne sait pas s'ils sont vivants. Quand les combats se sont intensifiés, elle a été séparée de son mari et de ses deux enfants.
« Mon mari a fui dans un sens et moi dans l'autre », témoigne-t-elle. « Je ne sais pas si mon mari et les enfants ont été tués ou s'ils ont eu la vie sauve. »
Anita est montée sur un bateau et a traversé le lac Albert, espérant les retrouver sur l'autre rive. Elle ne les a pas trouvés et n'a pas la moindre nouvelle à leur sujet.
« Il n'y a rien à manger là-bas. J'ai vu tant de gens mourir de faim », ajoute-t-elle. « Nous survivons tout juste, comme des animaux sauvages. »
L'intensification des combats entre groupes ethniques a provoqué une vague de déplacements vers la rive opposée du lac, en Ouganda. La semaine dernière, plus de 1 300 personnes sont passées par le village ougandais de Sebagoro, où le HCR a installé un centre d'urgence pour accueillir les arrivants.
« La situation est assez précaire », explique Andrew Harper, le Directeur de la Division de l’appui aux programmes et de la gestion au HCR. « Il y a pénurie d'eau, de nourriture, d'équipement médical et d'abris. »
Il indique que l'objectif principal du HCR est d'enregistrer les arrivants, de les réinstaller dans des zones qui leur sont affectées par le gouvernement de l'Ouganda et de construire des infrastructures telles que des abris.
Les rapports font état de dizaines de personnes tuées et de milliers de déplacés dans la région. Des informations alarmantes évoquent des villages entiers incendiés. La plupart des déplacés ne bénéficient que de peu d'assistance et n'ont qu'un accès limité à de la nourriture, de l'eau ou des fournitures d'urgence pour leurs besoins vitaux.
Le HCR est en alerte maximum de part et d’autre de la frontière et a annoncé dans un communiqué que de plus grands efforts sont nécessaires pour garantir la sécurité et l'accès humanitaire.
Le HCR coopère avec le gouvernement de l'Ouganda pour faciliter l'enregistrement des arrivants, une étape essentielle pour leur réinstallation vers le centre d'accueil de Kagoma, dans le district de Hoima en Ouganda occidental.
Le conflit en RDC a fait plus de cinq millions de personnes déracinées. Quelque 4,49 millions d'entre eux sont des déplacés internes et plus de 680 000 ont fui vers des pays voisins tels que l'Ouganda et le Burundi.
« La seule chose que nous demandons, c'est que la paix revienne dans notre pays, au Congo », déclare Jack Badinga. « Nous ne sommes venus en Ouganda que pour trouver la sécurité, et la seule aide dont nous avons besoin, c'est un Congo en paix. »