Un ingénieur syrien concrétise sa passion de la gastronomie
Un Syrien, amateur de gastronomie, concrétise sa passion dans un restaurant qu'il a acheté dans la ville d'Orléans en France.
Nabil et sa famille ont fui la Syrie. Ils sont aujourd'hui les heureux propriétaires d'un restaurant en France.
© HCR / Benjamin Loyseau
La pancarte accrochée à la fenêtre d’un bâtiment à colombages dans le centre d'Orléans indique que l’établissement est « vendu ». Nabil Attar, le nouveau propriétaire, la fixe, arborant un grand sourire. Il est désormais l'heureux propriétaire d'un restaurant au cœur de cette ville française.
« Je l'appellerai ‘Narenj’, ce qui signifie ‘orange’ en Syrie, car il y a un oranger dans chaque jardin à Damas et nous utilisons de l'orange dans beaucoup de plats, comme avec la fleur d'oranger, » dit Nabil.
Nabil, âgé de 42 ans, est arrivé à Orléans il y a deux ans après avoir fui, avec sa famille, la guerre en Syrie.
Nabil a toujours été passionné par la cuisine. Il faisait du fromage dans sa cave à Damas, mais il n'a jamais eu le courage d'ouvrir un restaurant.
Avant d’apprendre le français en France, la nourriture était sa manière de communiquer avec les gens.
« Je ne parlais pas français alors j'ai invité mes voisins, mon médecin et d'autres personnes et j'ai cuisiné pour eux, » dit Nabil.
« J'ai décidé de faire ce que j'aime : cuisiner. »
Avec sa femme Susanna, leurs deux enfants, âgés maintenant de 14 ans et 9 ans, ils vivaient une vie paisible à Damas. Il y travaillait comme ingénieur dans le système bancaire. Susanna, âgée de 43 ans, travaillait pour la Ligue arabe, l'organisation régionale des Etats arabes du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord.
Ils n’auraient jamais pensé à quitter la Syrie. Mais, un jour, la guerre s’est intensifiée. Ils ont été forcés de fuir Damas, très rapidement, en quelques heures.
« Nous avions un visa pour la France car nous avions l’habitude d’aller en vacances en France, » explique Nabil. « Mais une fois que nous étions au Liban, nous avons réalisé que mon visa avait expiré. »
Comme Susanna et leurs enfants avaient toujours un visa, Nabil leur a demandé de prendre un avion pour la France. Il leur a promis de les rejoindre dès que son visa serait renouvelé.
« Je n'ai pas réussi à renouveler mon visa et le seul choix qu’il me restait était de prendre la route. Je n'imaginais pas à quel point ce serait difficile. »
Nabil s'est envolé pour la Turquie puis a pris un bateau pour la Grèce.
« Lors de ma première tentative pour aller en Grèce en bateau, le bateau était tellement surchargé que je suis tombé à l'eau à quelques centaines de mètres de la côte turque. J'ai dû y retourner en nageant et les passeurs voulaient me tuer quand ils m'ont vu. »
Ils l’ont fait embarquer à bord d’un autre bateau quelques jours plus tard.
En attendant l'arrivée de Nabil, sa famille a loué un studio. Après un long et périlleux voyage, Nabil est arrivé en France et a retrouvé sa femme et ses enfants. La vie n'était pas facile, mais il était, à tout le moins, en sécurité. Il a trouvé un travail et lavait des voitures pour une société de location de voitures.
Une fois la famille réunie, ils ont demandé et obtenu le statut de réfugié, ce qui leur a permis de travailler.
« Un jour, je conduisais l'une des voitures de location de l'entreprise et en attendant au feu rouge, j'ai vu un homme en costume qui lisait les journaux à l'arrière d'un taxi, à côté de moi, » raconte Nabil. « Je me suis souvenu que cela aurait pu être moi quelques mois auparavant. »
Il a ainsi pris conscience qu'il pouvait faire plus pour la société de location de voitures que laver des voitures. Il a alors offert de les aider à mettre en place un système de réservation en ligne. Aujourd'hui, les locations se font toutes en ligne.
« C'est le restaurant de mes rêves. »
« J'ai fait ce travail pour prendre soin de ma famille, » déclare Nabil. « Ce n’est pas un problème de tout recommencer à zéro lorsque vous n'avez pas le choix, mais il faut toujours essayer de faire mieux. »
Lorsqu’il a entendu parler du Refugee Food Festival en 2017 sur les réseaux sociaux, il a contacté les organisateurs. Ce festival est une initiative citoyenne développée par l’ONG française Food Sweet Food, et organisée en partenariat avec le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés.
Nabil a participé à Paris au festival en 2017. Il a cuisiné dans deux restaurants puis a décidé d'en faire son métier.
« Comme j'ai tout perdu et que je dois tout recommencer, j'ai décidé de faire ce que j'aime : cuisiner, » dit-il. « Je vais faire de ma passion mon métier. »
Ses rêves se concrétisent depuis qu'il a fait une offre d’achat sur le restaurant à Orléans, qui lui a été vendu par adjudication judiciaire. Un juge touché par son parcours a accepté son offre.
Il espère pouvoir, à présent, emprunter de l'argent pour rénover les locaux.
Le restaurant de deux étages peut servir jusqu'à 45 couverts à l'intérieur et 20 couverts supplémentaires sur la terrasse.
Quant à Susanna, elle fait deux maîtrises en gestion et administration des affaires. Elle souhaite ensuite aider Nabil à gérer le restaurant.
« C'est le restaurant de mes rêves, » confie Nabil.