Un musicien réfugié iraquien trouve une oreille attentive à Bruxelles
L'instrument qu'il aimait tant et qu'il avait dû abandonner manquait énormément à Hussein Rassim jusqu'à ce qu'un financement participatif récolte suffisamment de fonds pour le remplacer.
Le musicien réfugié iraquien Hussein avec sa compagne, Juliette, chez eux à Bruxelles.
© HCR/Colin Delfosse
Le musicien iraquien Hussein Rassim est doublement reconnaissant à la ville de Bruxelles. Non seulement elle lui a offert un nouveau foyer, mais elle lui a aussi permis de retrouver ce qui comptait énormément pour lui : son instrument.
« J’étais heureux à Bruxelles mais la musique me manquait; c’est la première chose qui m’a manqué », se souvient Hussein, 29 ans, qui est arrivé en Belgique après avoir fui son pays natal en 2015.
L’oud qu’il chérissait est un instrument de la famille des luths du Moyen-Orient et il avait aidé Hussein à traverser ce qu’il appelle la « misère » de la guerre en Iraq. Contraint de l’abandonner lorsqu’il a dû fuir, il rêvait d’en jouer à nouveau, loin de la guerre.
Il a partagé ce désir dans une publication sur Facebook et, rapidement, des habitants de la capitale belge, ville de culture et de musique, lui ont offert leur aide.
« J’étais heureux mais la musique me manquait. »
« Aidez Hussein à refaire de la musique! » pouvait-on lire dans un appel au financement participatif diffusé sur les médias sociaux, notamment par le journaliste Brian Ging, Irem Arf et Maria Serrano d’Amnesty International, et Maeve Patterson de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).
Leur objectif était de récolter 2 000 euros mais, petit à petit, l’info s’est propagée et des gens du monde entier ont réagi. Le groupe s’est rapidement rendu compte qu’il allait dépasser l’objectif initial. Quant à Hussein, il avait du mal à croire qu’il jouerait bientôt à nouveau de l’oud.
« Vous savez, les gens promettent beaucoup et je comprends tout à fait quand, parfois, les promesses ne peuvent pas se concrétiser », dit-il en secouant la tête. « Je n’ai jamais pensé que cela deviendrait réel. Mais le montant ne cessait de grimper. J’étais tellement excité ».
Pendant des années, la guerre en Iraq avait anéanti l’esprit d’Hussein. Étudiant à l’Institut d’études musicales de Bagdad, il jouait de l’u oud depuis 2009 mais la dégradation de la situation dans le pays a fait qu’il s’est senti pris au piège.
« Vous pouvez la tristesse et l’épuisement sur le visage des gens parce que, chaque jour, les gens essaient de trouver quelques dollars pour nourrir leur famille. Il y a des explosions, il n’y a pas d’électricité. C’est la misère ».
En août 2015, Hussein a pris la décision de fuir. Il s’est envolé pour la Turquie et a payé 3 000 dollars américains à des passeurs pour l’emmener en Grèce.
Une mer agitée a balloté le minuscule bateau de pêche à bord duquel Hussein et 22 autres personnes ont traversé la mer Égée par un froid matin. Il leur a fallu trois heures pour atteindre la Grèce.
Mais Hussein rêvait d’atteindre la Belgique, qu’un ami américain lui avait décrite comme étant un beau pays.
« Il y a des explosions, pas d’électricité. C’est la misère ».
Quittant la Grèce, il a traversé l’ex-République yougoslave de Macédoine, la Serbie et la Hongrie; dormant dans les rues, se faufilant dans les forêts, poussé dans des voitures par les passeurs.
Après avoir atteint Bruxelles, il a dormi dans le parc Maximilien, où des centaines de réfugiés se sont rassemblés, en attendant une réponse à sa demande d’asile. Il s’est retrouvé à jouer le rôle de porte-parole pour les personnes qui l’entouraient et faisait découvrir la ville aux nouveaux arrivants, pour leur permettre de se sentir chez eux. Mais même après avoir obtenu le statut de réfugié, il lui manquait quelque chose.
Son amie Maeve Patterson savait quoi faire.
« En regardant la photo et les messages d’Hussein sur les médias sociaux, mes amis et moi avons pris conscience qu’il fallait que nous l’aidions », explique Maeve. « Je pensais qu’il était difficile d’améliorer la situation de tout le monde, mais que si nous pouvions faire quelque chose pour une seule personne, ce serait déjà un début. Il était clair qu’un petit effort de notre part ferait une grande différence pour Hussein car son luth et sa musique ne sont pas seulement sa passion, mais aussi sa profession ».
Loin de sa famille, de ses amis et de sa culture, Hussein a retrouvé la joie grâce à la musique. Le fait d’avoir son instrument lui a aussi donné la possibilité de gagner sa vie, de se produire en concert et d’enregistrer des albums.
Hussein a même trouvé l’amour grâce à la musique. Il a en effet rencontré Juliette, une violoncelliste, qui est maintenant la mère de leur fille de deux mois, Ellea, et qui fait partie de son groupe. Le couple est tombé amoureux après que Juliette lui ait proposé de jouer ensemble la chanson « Lama Bada Yatathana » (« Quand elle commence à se balancer »), l’une des chansons préférées d’Hussein.
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« Elle m’a dit « jouons cette chanson si tu la connais » et j’ai répondu que bien sûr je la connaissais, dit-il en riant. « Nous l’avons jouée ce jour-là et nous la jouons encore tout le temps. Si je n’avais pas eu le luth, je n’aurais pas rencontré Juliette ».
En janvier, leur groupe, Nawaris, a sorti son premier album, intitulé « Migration », et il donnera une série de concerts en Belgique. Hussein ne pourra jamais oublier comment tout a commencé - une publication sur Facebook, quatre amis et sa ville bien-aimée de Bruxelles.
« Il y a eu beaucoup de moments agréables à Bruxelles mais ce fut un moment spécial d’avoir ce luth et de jouer, jouer, jouer. Cela a changé ma vie ».