L'engagement citoyen pour contribuer à résoudre la crise des réfugiés
Des discussions organisées par le HCR dans le cadre du processus d'élaboration du pacte mondial sur les réfugiés se penchent sur un partage plus équitable des responsabilités.
GENÈVE - Faire appel à la bonne volonté des citoyens peut contribuer à résoudre les difficultés posées par le nombre croissant de réfugiés dans le monde, notamment en développant les possibilités qui leur permettent de s'installer dans des pays tiers. Voilà le message qui a été transmis aux participants de la réunion tenue à Genève cette semaine.
Les discussions tenues les 14 et 15 novembre s'inscrivent dans un ensemble de discussions thématiques organisées par le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, au titre du processus d'élaboration du pacte mondial sur les réfugiés pour faire face au nombre record de réfugiés dans le monde.
Pour donner suite au processus engagé l'an dernier avec l'adoption de la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants, le HCR explore les moyens de partager plus équitablement la responsabilité à l'égard des réfugiés, notion qu'il souhaite inclure dans le programme d'action relevant du pacte.
L'une des questions importantes examinées lors de cette réunion de deux jours concernait les moyens de multiplier les solutions au sort des réfugiés, parmi lesquelles le rapatriement volontaire lorsque les conditions le permettent, les conditions d'autonomisation dans le pays d'asile ou l'élargissement des possibilités d'installation dans des pays tiers, que ce soit au titre des programmes traditionnels de réinstallation ou via diverses procédures complémentaires d'admission.
Au nom de l'Initiative mondiale de parrainage de réfugiés (IMPR), Jennifer Bond a déclaré que l'unique moyen de faire face aux défis de la protection des réfugiés était de former des partenariats novateurs et audacieux et de tirer parti de « la compassion dont nous connaissons l'existence chez les citoyens et les communautés du monde entier ».
Durant son intervention à la session consacrée mardi à l'élargissement des procédures complémentaires d'admission, Jennifer Bond a souligné les nombreux avantages des programmes de partenariat privé permettant à des citoyens de s'engager à intégrer des réfugiés dans leurs communautés locales.
Les citoyens canadiens ont permis la réinstallation de 300 000 réfugiés au cours des 40 dernières années — en plus du programme gouvernemental — dont 18 000 Syriens qui ont été accueillis dans plus de 375 communautés canadiennes durant les dernières années.
« La compassion communautaire existe dans le monde entier. »
Selon Jennifer Bond, demander aux parrains de s'investir et d'accepter la responsabilité des nouveaux arrivants a donné de bons résultats, y compris pour les réfugiés. L'expérience canadienne montre que les réfugiés parrainés par leur communauté d'accueil s'intègrent bien au regard de la plupart des indicateurs.
« Cela ne devrait pas vraiment nous surprendre quand on imagine les nombreux avantages découlant du soutien apporté à une famille de nouveaux arrivants par un groupe de 10, 20 ou 50 citoyens locaux, » a ajouté Jennifer Bond.
Cette aide prend des formes multiples : trouver et meubler des logements, enseigner la langue librement autour d'un repas, aider les nouveaux venus à faire une demande de permis de conduire, présenter une famille à ses nouveaux voisins ou encore aider les enfants à faire leurs devoirs, à apprendre à patiner ou à jouer au football.
D'après Jennifer Bond, la procédure de parrainage a également des effets positifs sur les communautés, petites ou grandes, et qu'il s'agisse de grands cabinets d'avocats, de petits clubs de lecture ou de bourgades rurales tout entières. Toutes ont témoigné de la solidité des liens que l'accueil de réfugiés leur a permis de tisser.
Autre avantage, l'implication des communautés contribue à développer le soutien politique local en ajoutant « le soutien de nouvelles circonscriptions, de nouvelles voix, de nouveaux témoignages médiatiques et de nouveaux alliés à la cause de la protection des réfugiés, » a-t-elle ajouté.
Jennifer Bond est d'avis que l'expérience canadienne pourrait être adaptée à d'autres circonstances locales, d'autant que l'IMPR, une coalition composée du Gouvernement canadien, de l’Open Society Foundation, de la Fondation Radcliffe, de l'Université d'Ottawa et du HCR, vient déjà en aide à d'autres pays tels que l'Argentine, l'Irlande, le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande, en vue de l'élaboration de programmes spécifiquement adaptés à leurs besoins.
« Il n'y a rien de magique au Canada. La compassion communautaire existe dans le monde entier et c'est pourquoi ces programmes peuvent donner de bons résultats dans le monde entier, » a-t-elle conclu en encourageant les citoyens à faire partie intégrante de la solution.
« Le meilleur moyen de résoudre les crises de réfugiés est de s'attaquer à leurs causes profondes. »
Kate Carr, directrice adjointe du Bureau des réinstallations, d'appui en matière d'asile et d'intégration du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, a retracé l'historique de l'expansion du dispositif britannique de réinstallation des personnes vulnérables, qui n'était en 2014 qu’un petit programme ayant pour mission l'admission de 250 réfugiés et qui a pris depuis cette époque l'engagement d'accueillir 20 000 réfugiés d'ici 2020.
Selon Kate Carr, l'engagement de la société civile a contribué à l'expansion du programme. De nombreux citoyens se sont offerts d'appuyer la réinstallation de réfugiés syriens au Royaume-Uni, ce qui a incité les autorités à tirer parti de cet élan de bonne volonté et à créer un registre en ligne des offres qui est rattaché à la collectivité locale la plus proche.
« L'engagement et les possibilités dégagées par les personnes désireuses d'apporter leur aide ont suscité un immense soutien pour ce dispositif dans l'ensemble du pays, » a-t-elle déclaré.
D'autres facteurs ont contribué au succès du dispositif de réinstallation, notamment l'étroite collaboration entre les ministères et une approche globale qui rassemble les pouvoirs publics, les collectivités locales et les gouvernements régionaux du Pays de Galles et d'Écosse.
« Lorsque nous avons démarré, trois collectivités locales contribuaient aux réinstallations ; aujourd'hui nous en avons plus de 200, » a précisé Mme Carr, ajoutant que le Royaume-Uni était prêt à offrir son aide à d'autres gouvernements désireux de lancer ou de développer un programme de réinstallation.
La réunion de mardi a également permis d'examiner différentes modalités d'admission des réfugiés dans des pays tiers afin de concrétiser le partage des responsabilités. Ce sont notamment des arrangements plus souples de regroupement familial, une augmentation du nombre de bourses d'études et de visas d'étudiant et des programmes de mobilité du travail permettant à des réfugiés de se rendre dans des pays tiers avec des permis de travail.
Durant la journée de mercredi, les débats ont été consacrés aux moyens de résoudre les causes profondes des déplacements forcés, y compris en associant les réfugiés à la construction de la paix.
« La meilleure façon de résoudre les crises de réfugiés est de s'attaquer à leurs causes profondes, » a déclaré Volker Türk, Haut Commissaire assistant du HCR en charge de la protection internationale.
« Mon père a été tué, mais je n'ai pas perdu espoir. J'ai plutôt choisi de devenir un artisan de la paix. »
« Nous devons travailler avec les réfugiés qui constituent un investissement dans l'avenir de leur pays d'origine. Si nous faisons les choses correctement, quoi que nous fassions pour répondre à la crise des réfugiés sera un investissement majeur dans la construction de la paix, » a-t-il déclaré, ajoutant que la voix des réfugiés jouait un rôle déterminant dans ce processus.
Foni Joyve Vuni, Sud-soudanaise et représentante des jeunes réfugiés, a plaidé pour la participation des réfugiés au processus de paix et aux programmes qui les concernent pendant leur séjour en exil.
Elle est convaincue que les jeunes réfugiés ont un rôle à jouer dans la détection et la prévention des conflits au sein des communautés et dans la sensibilisation des populations. Foni Joyve Vuni vit au Kenya où elle dirige un programme de tutorat dans l'espoir d'aider les réfugiés à s'autonomiser et à mieux s'affirmer.
« La guerre a fait de moi une déplacée, mais je n'ai pas perdu espoir, » dit-elle. « À cause de la guerre, mon père a été tué, mais je n'ai pas perdu espoir. J'ai plutôt choisi de devenir un artisan de la paix. »
Foni Joyve Vuni appelle à un changement d'attitude de la part des négociateurs de paix au Soudan du Sud qui ne veulent pas entendre parler d'un éventuel rôle des femmes dans la construction de la paix.
Selon elle, la communauté internationale pourrait s'attaquer aux difficultés posées par les vastes mouvements de réfugiés en soutenant les initiatives prises par les réfugiés et en investissant dans la formation et la médiation.
« Nous ne sommes pas seulement des victimes ou des survivants… Au-delà des souffrances, des luttes, de la douleur et des difficultés, ce sont les succès que nous avons connus qui nous motivent à choisir de devenir un artisan ou un ennemi de la paix. »