Mali: attaque meurtrière contre un camp militaire à Ménaka
rfi AFRIQUE, 28 Jan 2018
Au Mali, les attaques se succèdent ces derniers jours. 14 militaires maliens ont été tués samedi 27 janvier à Niafunké, dans le centre du pays, et 16 civils sont morts jeudi dans le village de Boni, où leur véhicule a sauté sur un engin explosif. Ce dimanche 28 janvier, c’est un camp de la Garde nationale malienne à Ménaka, dans le nord-est du pays, qui a subi l’assaut meurtrier d’un groupe armé arrivé sur des motos et à bord de véhicules. Le dernier bilan disponible fait état d'au moins 5 soldats maliens tués.
Si un communiqué officiel résume l’affaire à un terroriste kamikaze qui a tenté de se faire exploser, tuant quatre militaires maliens sur place, de source militaire et auprès d’élus de Ménaka on a une autre version des faits.
A Ménaka, le camp militaire est situé à l’ouest de la ville. Des assaillants à moto et en voiture ont attaqué le camp des deux côtés. Dans un premier temps, ils se sont servis des roquettes et ensuite d’armes automatiques, tout en avançant vers le camp.
A l’intérieur de ce camp, les forces armées maliennes – plus précisément des éléments de l’armée de terre et de la Garde nationale– auraient riposté. Bilan encore provisoire, disponible, de l’attaque côté armée régulière : 5 morts et quelques blessés.
Des habitants de la ville disent avoir vu repartir les présumés jihadistes par le sud-est de Ménaka, sur une route qui conduit vers une forêt, mais qui mène également vers la frontière avec le Niger. Les mêmes présumés jihadistes seraient partis avec du matériel de l’armée régulière.
A la mi-journée de ce dimanche, un hélicoptère de la force française Barkhane était visible dans le ciel de Ménaka, très probablement pour apporter assistance à l’armée malienne.
Le groupe d'Abou Walid al-Sahraoui pointé du doigt
Selon une source bien informée, l’attaque aurait été dirigée par des hommes de l’organisation Etat islamique au Grand Sahara d'Adnan Abou Walid al-Sahraoui. Ce groupe est actif dans la « zone des trois frontières », aux confins du Mali, du Burkina et du Niger. C’est là que doivent porter les efforts de la force conjointe du G5 Sahel, appelée à monter en puissance après une réunion des bailleurs de fonds, le 23 février prochain, à Bruxelles. « Les préparatifs sont assez avancés. Il se peut que les jihadistes veulent envoyer un message pour dire : "vous ne nous faites pas peur". On peut interpréter ça comme un acte de défiance », estime Paul Melly, spécialiste de l'Afrique de l'Ouest à Chatham House, un centre de recherches, à Londres.
Il n’est pas impossible, toujours selon cette source, que les hommes du groupe Etat islamique cherchent à attaquer des positions maliennes dans l’espoir de « terroriser la population ». S’ils réussissent à intimider les habitants de la zone, ces derniers pourraient être moins enclins à collaborer avec les soldats de la force conjointe.
Il n’est pas exclu que les attaques de Ménaka, dimanche, à l’est, et de Soumpi, samedi, au nord, ait été coordonnées. Les jihadistes qui avaient fait allégeance, les uns à al-Qaïda, les autres au groupe État islamique, pourraient être en train d’opérer un rapprochement sur le terrain.
A la mi-janvier, un porte-parole de l’organisation Etat islamique au Grand Sahara assurait que l'ensemble des jihadistes du Sahel se donneraient la main pour lutter contre le G5 Sahel.
Aux yeux du chercheur Paul Melly, l'attaque de Menaka pointe l'échec du processus de paix dans le centre. « Ce que ça reflète, c'est l'instabilité au centre du Mali, et les difficultés à faire avancer un processus de paix dans cette région-là. » L'objectif poursuivi par les jihadistes, jugé « très plausible » par Paul Melly serait d'empêcher l'Etat malien d'assoir son autorité politique davantage que d'infliger de lourdes pertes aux militaires maliens.