Yémen : Arrivants en péril après avoir fui la Corne de l'Afrique
Lorsqu'ils arrivent dans ce pays déchiré par la guerre, les réfugiés et migrants sont régulièrement mis en détention ou victimes d'abus ; le HCR réclame un accès total et libre aux détenus.
ADEN, Yémen – Jon*, un réfugié éthiopien de 30 ans, n'aurait jamais imaginé que son désir de sécurité aurait pour conséquence l’horrible calvaire des douleurs atroces dont il souffre après avoir été battu pendant des semaines et du risque d'amputation de sa jambe atteinte de gangrène.
« Cela fait un mois que j'ai débarqué au Yémen. J'ai été pris par des hommes armés qui m'ont gardé en captivité pendant plus d'un mois. Ils m'ont tellement battu que j'ai perdu toute notion de ce qui se passait », raconte-t-il en attendant de se faire opérer.
Le Yémen a de tout temps été un pays de migration, de refuge et de transit pour ceux qui fuient la Corne de l'Afrique. Mais plus de trois années de conflit ont plongé le pays dans la crise humanitaire la plus profonde au monde, et Jon est l’un des nombreux réfugiés qui ont traversé le Golfe d'Aden en quête de sécurité pour ne trouver que de nouveaux périls à leur arrivée.
L'année dernière, les données collectées par des agences humanitaires partenaires ont révélé que plus de 87 000 nouveaux arrivants, réfugiés et migrants compris, ont effectué la traversée entre la Corne de l'Afrique et le Yémen.
« Ils m'ont tellement battu que j'ai perdu toute notion de ce qui se passait »
Le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, a déclaré mardi que la poursuite du conflit, la détérioration de la situation économique et l'aggravation de la criminalité entrainent une détérioration générale de la situation au Yémen et expose les nouveaux arrivants à la violence et à l'exploitation.
« La poursuite du conflit et l'insécurité menacent les institutions de l'État et affaiblissent l'état de droit, et on enregistre un nombre croissant de récits d'extorsion, de traite d’êtres humains et de retours forcés », a déclaré William Spindler, porte-parole du HCR aux journalistes lors d'une conférence de presse qui s’est tenue à Genève.
Les réfugiés et les migrants qui atteignent les côtes du Yémen sont régulièrement arrêtés, détenus, qu’ils sont victimes d’abus et d’extorsion, et parfois même forcés à faire demi-tour aux mains des passeurs - les mêmes qui les ont amenés dans le pays.
- Voir également : ‘Vous travaillez auprès de ceux qui n’abandonnent jamais, alors pourquoi le feriez-vous ?’
Depuis le mois de février 2018, le HCR suit la situation de plus de 100 nouveaux arrivants qui ont été arrêtés et sont détenus dans des prisons au Yémen. De nombreux nouveaux arrivants ont rapporté des abus, certains ont subi des violences physiques et sexuelles ainsi qu’un harcèlement psychologique.
Les survivants ont rapporté au HCR des récits de tirs où ils étaient pris pour cible, de passages à tabac à répétition, de viols d'adultes et d'enfants, de privations de nourriture, d'humiliation où ils ont été déshabillés de force ou forcés à assister à des exécutions sommaires.
« Ils nous ont fouetté le dos et les mains », raconte Sam,* un demandeur d'asile originaire de la Corne de l'Afrique qui est arrivé au Yémen il y a plus d'un an et a été enfermé dans plusieurs prisons à travers le pays. « Il m'est arrivé de ne pas pouvoir dormir la nuit parce que mon dos était à vif et enflé à cause de tous les coups ; je souffrais le martyre. »
Incarcérés pour une période indéfinie et sans procédure, beaucoup croupissent dans des centres de détention surpeuplés et insalubres où, outre les abus, ils sont menacés de retour forcé vers les pays qu'ils ont fuis pour échapper à un conflit ou aux persécutions.
Les tentatives du HCR pour un plaidoyer sur ces sujets ont été souvent contrariées du fait de la complexité des mandats et des responsabilités qui résulte du conflit qui règne dans le pays.
Le HCR appelle tous les acteurs, étatiques et non étatiques, qui contrôlent réellement les centres de détention où les nouveaux arrivants sont retenus, à veiller à ce que les détenus soient traités humainement et avec dignité, conformément aux droits des réfugiés et aux droits de l'homme. Le HCR réclame également un accès sans restriction à ces détenus afin de pouvoir assister ceux qui demandent une protection internationale.
« J'ai quitté mon pays pour trouver la liberté mais, en arrivant au Yémen, j'ai été arrêté, mis en prison et privé de ma liberté. »
Le HCR assiste les autorités yéménites pour l'accueil, l'enregistrement et la délivrance de documents d’identité des réfugiés et des demandeurs d'asile, et tente d'apporter un meilleur soutien à l'autorité chargée de l'immigration, des passeports et des naturalisations afin d’améliorer davantage les dispositions d'accueil de nouveaux arrivants.
Au vu des perspectives de protection limitées offertes par le Yémen du fait du conflit et de l'insécurité qui y règnent, le HCR met en garde depuis longtemps contre les risques auxquels s'exposent ceux qui traversent la frontière de ce pays déchiré par la guerre. En février 2017, le HCR a lancé une campagne régionale de sensibilisation intitulée Traversées périlleuses destinée à sensibiliser ceux qui envisagent d'entreprendre la traversée périlleuse depuis la Corne de l'Afrique vers le Yémen.
L'absurdité d'avoir fui sa patrie à la recherche de liberté pour en être privé là où il cherchait à trouver refuge n'échappe pas à Sam*, un demandeur d'asile.
« J'ai quitté mon pays pour trouver la liberté mais, en arrivant au Yémen, j'ai été arrêté, mis en prison et privé de ma liberté. »
*Les noms ont été changés pour protéger les personnes