L'ONU lance un appel de 951 millions de dollars pour aider les réfugiés rohingyas au Bangladesh

Cet appel de fonds permettra de répondre aux besoins urgents d'environ 900 000 réfugiés et 330 000 Bangladais vulnérables au sein des communautés d'accueil.

Mohammad Islam, un ancien vendeur de rue de l'Etat de Rakhine au Myanmar, et son épouse, Kala Banu, dans leur abri au camp de réfugiés de Kutupalong.
© UNHCR/ Roger Arnold

Lorsqu’ils ont fui les violences il y a six mois, Mohammad Islam et les membres de sa famille n’avaient rien à manger et ils dormaient en plein air sous les pluies torrentielles de la mousson.


Mohammad vit désormais dans un abri de fortune recouvert d’une bâche du HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, et il dresse la liste des aides qui ont permis à ce réfugié rohingya de 45 ans, sa femme et leurs cinq enfants d’avoir de meilleures conditions de vie par rapport à leur quête initiale de survie.    

« Nous avons maintenant un abri, nous mangeons deux fois par jour et nous pouvons nous déplacer librement dans le camp », explique cet ancien vendeur de rue de l’Etat de Rakhine, accroupi sur le sol en ciment de son abri.

Des cordes nouées aux troncs des arbres maintiennent la bâche sur  des poteaux de bambou. Des tapis, des couvertures et des moustiquaires ont été placés tout autour de la cabane, ainsi qu’une lanterne à l’énergie solaire. Mohammad et son épouse Kala Banu, âgée de 25 ans, possèdent deux pots de riz, cinq assiettes et des ustensiles.  

Ils font partie des 2 531 familles qui ont été transférées, début octobre, vers un nouveau terrain du camp de réfugiés de Kutupalong, où le gouvernement du Bangladesh leur fournit du matériel, des installations et des services, avec l’appui du HCR et de ses différents partenaires.

En plus des abris, qui ont été construits par les réfugiés eux-mêmes dans des rues informelles où les communautés déracinées peuvent vivre ensemble en exil, le HCR et ses partenaires, notamment l’agence non gouvernementales bangladaise BRAC, ont fourni des toilettes séparées pour les hommes et pour les femmes, des puits et de l’éclairage de rue à l’énergie solaire.

« Grâce à l’éclairage, je me sens beaucoup plus en sécurité quand je vais aux toilettes la nuit », dit Kala. Ces installations ont été mises en place un peu partout sur l’ensemble des 35 hectares de la zone, dans un paysage montagneux et légèrement vallonné.

« Cela lui a sauvé la vie. Il s’est remis. »

Quand le fils de Mohammad, prénommé Ayatullah et âgé de 11 ans, s’est plaint de maux de gorge, qu’il a commencé à développer de la fièvre et à avoir les ganglions enflés, l’équipe médicale du centre de santé local, qui est pris en charge par l’ONG OBAT Helpers Inc., lui a administré un traitement contre ce qu’ils ont diagnostiqué comme étant la diphtérie, une maladie qui a touché plus de 5 000 personnes dans le camp et a provoqué de nombreux décès.

« Cela lui a sauvé la vie. Il s’en est remis », explique Mohammad à propos de son fils cadet, qui fait partie des 30 élèves accueillis dans l’unique classe d’un centre de formation situé à quelques centaines de mètres de là. Avec l’appui d’ONG et de l’UNICEF, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, ce lieu permet aux enfants d’apprendre à lire, à développer leurs compétences, à étudier les mathématiques ou à avoir d’autres activités, comme le chant par exemple.  

Les 10 128 résidents de la zone ont aussi accès à un point d’informations qui les renseigne sur les différents services disponibles. Il existe notamment un espace dédié aux enfants, soutenu par le HCR, ainsi qu’un lieu pour le bien-être des femmes ou des centres communautaires, dont l’objectif est de mettre en place des activités vouées à faciliter la vie dans le camp.

« J’aime coudre et j’ai besoin d’un revenu », dit Laïla Begum, une mère seule qui participe à un atelier de couture mis en place par l’agence BRAC. Cette organisation apprend à une dizaine de femmes à confectionner des filets de pêche et des chapeaux de prières qu’elles pourront vendre par la suite.

  • Laïla Begum, 25 ans, et son fils de 10 mois, Josna Bibi, qu'elle élève seule, devant l'atelier de couture organisé par l'agence Bangladesh Rural Advancement Commitee (BRAC), dans le camp de réfugiés de Kutupalong.
    Laïla Begum, 25 ans, et son fils de 10 mois, Josna Bibi, qu'elle élève seule, devant l'atelier de couture organisé par l'agence Bangladesh Rural Advancement Commitee (BRAC), dans le camp de réfugiés de Kutupalong. © UNHCR/ Roger Arnold
  •  Ayatullah, 11 ans, écrit sur une ardoise dans une salle de classe du camp de réfugiés de Kutupalong. Il avait été récemment diagnostiqué d'une diphtérie soupçonnée et s'en est remis après un traitement médical reçu dans un dispensaire local.
    Ayatullah, 11 ans, écrit sur une ardoise dans une salle de classe du camp de réfugiés de Kutupalong. Il avait été récemment diagnostiqué d'une diphtérie soupçonnée et s'en est remis après un traitement médical reçu dans un dispensaire local. © HCR/ Roger Arnold
  •  Des enfants jouent avec une charrette improvisée à partir d'un jerrycan en plastique au camp de réfugiés de Kutupalong, au Bangladesh.
    Des enfants jouent avec une charrette improvisée à partir d'un jerrycan en plastique au camp de réfugiés de Kutupalong, au Bangladesh. © UNHCR/ Roger Arnold
  • Mohammad Islam (au centre) prend le thé dans une échoppe tenue par Kabir Ahmed (à droite) et son fils Nur Mohammad (à gauche) dans le camp de réfugiés de Kutupalong, au Bangladesh.
    Mohammad Islam (au centre) prend le thé dans une échoppe tenue par Kabir Ahmed (à droite) et son fils Nur Mohammad (à gauche) dans le camp de réfugiés de Kutupalong, au Bangladesh. © HCR/ Roger Arnold Arnold

Le mari de Laïla est emprisonné au Myanmar et elle s’occupe de leurs trois jeunes enfants, ainsi que de trois orphelins, avec l’appui de l’aide alimentaire de base du PAM, le Programme alimentaire mondial.  « Je voudrais varier notre alimentation », dit-elle, « de façon à ce que nous n’ayons pas que du riz et des lentilles ».

L’amélioration des conditions de vie est partout notable. Certains résidents du camp cultivent à présent leurs propres légumes sur des parcelles maraîchère, comme des courges, des haricots ou des aubergines, ou élèvent des poulets.

Des espaces dédiés aux enfants, une aide psychologique et d’autres services permettent aux plus jeunes, autrefois silencieux à cause des traumatismes vécus, de jouer à nouveau et d’accueillir les visiteurs en souriant ou en riant.

Partout, on peut voir des transformations qui sauvent des vies au cœur de cette vaste ville sortie de terre et qui accueille plus de 600 000 réfugiés rohingyas ayant fui les violences dans l’Etat de Rakhine depuis le mois d’août 2017.

  • Mohammad Islam (au centre) prend le thé dans une échoppe tenue par Kabir Ahmed (à droite) et son fils Nur Mohammad (à gauche) dans le camp de réfugiés de Kutupalong, au Bangladesh.
    Mohammad Islam (au centre) prend le thé dans une échoppe tenue par Kabir Ahmed (à droite) et son fils Nur Mohammad (à gauche) dans le camp de réfugiés de Kutupalong, au Bangladesh. © HCR/ Roger Arnold Arnold
  • Mohammad Islam (au centre) prend le thé dans une échoppe tenue par Kabir Ahmed (à droite) et son fils Nur Mohammad (à gauche) dans le camp de réfugiés de Kutupalong, au Bangladesh.
    Mohammad Islam (au centre) prend le thé dans une échoppe tenue par Kabir Ahmed (à droite) et son fils Nur Mohammad (à gauche) dans le camp de réfugiés de Kutupalong, au Bangladesh. © HCR/ Roger Arnold Arnold
  • Mohammad Islam (au centre) prend le thé dans une échoppe tenue par Kabir Ahmed (à droite) et son fils Nur Mohammad (à gauche) dans le camp de réfugiés de Kutupalong, au Bangladesh.
    Mohammad Islam (au centre) prend le thé dans une échoppe tenue par Kabir Ahmed (à droite) et son fils Nur Mohammad (à gauche) dans le camp de réfugiés de Kutupalong, au Bangladesh. © HCR/ Roger Arnold Arnold

Tandis que de vastes efforts sont mis en œuvre pour aider les résidents du camp, lui-même divisé en plus d’une vingtaine de zones, l’ensemble des besoins restant à combler pour les dizaines de milliers de familles qui vivent dans le plus grand camp de réfugiés du monde demeure immense.

Les agences de l’ONU, notamment le HCR et ses partenaires, ont lancé vendredi un appel de fonds d’un montant de 951 millions de dollars pour répondre aux besoins d’environ 900 000 réfugiés rohingyas et plus de 330 000 Bangladais vulnérables dans les communautés d’accueil. 

« Les solutions de cette crise se trouvent au Myanmar ».

Cet appel a été lancé conjointement par le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Filippo Grandi ; le Directeur général de l’Organisation internationale pour les migrations, William Swing ; ainsi que la Coordonnatrice résidente des Nations Unies au Bangladesh, Mia Seppo.

« Nous parlons ici de besoins vraiment vitaux, tant pour les communautés bangladaises qui ont si généreusement ouvert leurs portes que pour les populations apatrides et réfugiées qui, déjà avant cette crise, figuraient parmi les plus marginalisées et menacées », a souligné Filippo Grandi lors de la publication de l’appel de fonds.

« Les solutions de cette crise se trouvent au Myanmar et des conditions doivent être mises en œuvre afin de permettre aux réfugiés de rentrer chez eux. Mais aujourd'hui nous demandons de l'aide pour les besoins immédiats, et ces besoins sont énormes ».

A Kutupalong, il faudrait aussi davantage de terres pour agrandir d’urgence le camp et limiter la surpopulation qui a des conséquences tant en matière de santé publique que de sécurité. Alors que la mousson menace de provoquer des inondations et des glissements de terrain, il est aussi urgent de déplacer ceux qui se trouvent dans les zones à risques.

Les travaux visant à ouvrir de nouveaux secteurs ont démarré. Le camp 4 pourrait être agrandi d’une superficie de l’ordre de 49 hectares pour alléger un peu la pression sur d’autres zones. Afin d’assurer la sécurité face aux risques de glissements de terrain, les pentes sont réduites et les routes sont renforcées à l’aide de matériel de terrassement.

Le gouvernement du Bangladesh a annoncé qu’il allait mettre à disposition un terrain de 202 hectares afin de permettre le transfert des familles les plus menacées par les risques d’inondations et de glissements de terrain. Cette superficie devrait toutefois permettre de relocaliser toutes les personnes qui doivent l’être.