Pour le Haut Commissaire assistant du HCR chargé de la protection internationale, la crise engendre des possibilités
Volker Türk appelle à l'amélioration durable de l'existence des déplacés et de leurs communautés d'accueil.
GENÈVE – Lors d'une conférence tenue à Genève, le Haut Commissaire assistant du HCR en charge de la protection internationale a vivement incité les délégués à tirer parti des programmes destinés à renforcer les réponses apportées aux crises des réfugiés pour améliorer durablement les conditions d'existence des personnes déracinés et de leurs pays hôtes.
Au cours de la seconde et dernière journée de cette conférence axée sur l'amélioration de la réponse internationale aux déplacements massifs de réfugiés, Volker Türk, Haut Commissaire assistant du HCR en charge de la protection internationale, a déclaré qu'il était essentiel d'adopter d'emblée une perspective à long terme de la gestion des crises de réfugiés.
« Au bout du compte, la réponse à ces crises doit relever d'une approche holistique englobant l'action humanitaire, la protection, le développement et la recherche immédiate de solutions, » a-t-il déclaré, ajoutant que « la plupart de ces crises se prolongent bien au-delà de ce que l'on pense. »
« Il est possible de voir des opportunités dans les situations difficiles. L'expérience a prouvé qu'il est possible de mettre en place des solutions dont tous sortent gagnants, les réfugiés comme leurs communautés d'accueil, » a déclaré Volker Türk.
Dix pays accueillent aujourd'hui environ 60 pour cent des 22,5 millions de réfugiés de la planète.
La conférence de Genève intervient à un moment où les déplacements atteignent des chiffres record dans le monde. Dix pays accueillent aujourd'hui environ 60 pour cent des 22,5 millions de réfugiés de la planète et plus de 84 pour cent des réfugiés sont accueillis par des pays à revenu faible ou intermédiaire.
C'est dans ce contexte que l'Assemblée générale des Nations Unies a confié au HCR, par la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants adoptée l'an dernier, la mission d'élaborer un Pacte mondial sur les réfugiés. Dans le cadre de ce processus, le HCR accueillera une série de discussions thématiques visant à générer des idées en vue d'un programme d'action intégré au Pacte mondial sur les réfugiés.
Les discussions d'aujourd'hui étaient plus particulièrement axées sur les modalités permettant d'intégrer les réfugiés dans les services nationaux de santé, d'éducation et de protection sociale et dans les plans de développement des pays qui les accueillent, lesquels devraient être appuyés en ce sens.
L'un des intervenants représentant l'autorité du district d'Adjumani dans le nord de l'Ouganda — un district au premier plan de la crise des réfugiés sud-soudanais des dernières années, où a été mis en place l'un des systèmes les plus progressifs de gestion des réfugiés dans le monde — a déclaré aux délégués qu’il a pu constater combien l'éducation et l'intégration des réfugiés dans les systèmes locaux contribuent à la construction de la paix dans la région.
« Je suis fermement convaincu qu'en appuyant l'éducation, nous aidons les réfugiés tout en favorisant l'intégralité du processus de paix au Soudan du Sud, » a expliqué James Leku, président du district d'Adjumani et autrefois réfugié au Soudan du Sud.
« Tout le pays bénéficiera un jour du rapatriement de réfugiés devenus des citoyens bien informés. L'éducation a le pouvoir d'interrompre le cycle de la violence. Il est de notre devoir de contribuer à l'avancement de la région dans laquelle nous vivons, » a-t-il déclaré en rappelant que le Premier ministre et le Président de l'Ouganda avaient tous deux été des réfugiés à une époque de leur vie.
L'Ouganda met des terres cultivables à la disposition des réfugiés, les autorise à vivre dans des zones d'installation ouvertes, leur accorde le droit de se déplacer librement, de travailler, d'exploiter des entreprises et ce, tout en les incluant dans les plans nationaux de développement.
« Nous avons accueilli plus de réfugiés au cours du dernier mois que l'Europe durant les 12 mois écoulés, » a-t-il indiqué, soulignant qu'en sa qualité de président du district et d'ancien réfugié, il a « la garde des réfugiés. »
« Les collectivités locales sont au service des réfugiés comme de leurs communautés d'accueil. Cela n'est pas sans poser problème, mais ouvre sur une amélioration des retombées pour les deux groupes, » a-t-il expliqué.
Les représentants des jeunes réfugiés ont à leur tour souligné l'importance de l'intégration des réfugiés dans les systèmes locaux d'enseignement et de l'octroi d'un plus grand nombre de bourses d'études supérieures.
Simon Marot Toulong, réfugié sud-soudanais, a lancé un vibrant appel en faveur des enfants réfugiés afin qu'ils soient autorisés à être scolarisés avec les enfants du pays, pour à la fois améliorer l'accès à l'éducation et favoriser l'intégration et la cohésion sociale.
M. Toulong a été scolarisé pour la première fois à l'âge de neuf ans en Ouganda où il vit depuis 15 ans et où il devait à l'époque parcourir chaque jour sept kilomètres à pied pour rejoindre son école primaire. Par la suite, il est devenu le premier réfugié sud-soudanais à décrocher une bourse d'études du DAFI, ce qu'il décrit comme « la chance de toute une vie ».
« Nous devrions être la dernière génération à souffrir en tant qu'enfants non accompagnés dans un camp de réfugiés. »
Il y a deux ans, Simon Toulong est devenu cofondateur du Réseau africain pour la jeunesse qui a pour mission de promouvoir la paix, la sécurité et l'inclusion des jeunes réfugiés rendus vulnérables par la guerre et le manque de débouchés.
« Nous estimons que nous devrions être la dernière génération à souffrir en tant qu'enfants non accompagnés dans un camp de réfugiés, nous estimons que nous devrions être la dernière génération à souffrir ainsi de la guerre, » a-t-il déclaré.
Le réseau de Simon Marot Toulong travaille aujourd'hui avec des jeunes dans le but de développer leur conscience de soi, leur capacité de direction et leur confiance, autant de qualités qu'il décrit comme des éléments fondamentaux de la construction de la paix.
« Nous allons tracer notre destinée et nous vous invitons à vous joindre à nous pour faire régner la paix, » a déclaré Simon Toulong face au panel chargé d'examiner les modalités qui permettraient d'accroître la représentation des réfugiés dans les prises de décisions les concernant au niveau international et local. « Merci de compter avec nous, » a-t-il demandé.
Tout au long des deux jours de travaux, les jeunes réfugiés se sont fortement exprimés pour que les réfugiés puissent participer dès le début d'une crise à l'établissement des solutions à leur situation, appelant à l'adoption de stratégies répondant non seulement aux besoins des réfugiés, mais aussi à leurs aspirations.
Les discussions thématiques de cette semaine se sont déroulées avec la participation de quelque 300 représentants de gouvernements, d’ONG, de communautés de réfugiés, d'organisations internationales et du milieu universitaire. Plusieurs propositions visant à renforcer la réponse mondiale aux crises de réfugiés ont été présentées en vue de leur inclusion dans le programme d'action qui sera élaboré par le HCR.
En conclusion des débats, Volker Türk a souligné que plusieurs des propositions nouvelles présentées durant la conférence seront examinées dans les semaines à venir et que le HCR a perçu un soutien marqué pour différentes propositions définies dans une note conceptuelle sur la problématique de fond. Il a également noté un fort soutien pour l'adoption d'une approche à l'échelle de la société tout entière, ce qui permet de rallier toute une gamme d'acteurs — secteur privé, gouvernement, société civile et communautés de réfugiés — pour renforcer la réponse globale aux crises de réfugiés.
Le HCR organisera à la mi-novembre la prochaine série de discussions thématiques qui porteront plus particulièrement sur les solutions durables pour les réfugiés.