100 jours d'horreur et d'espoir : Rétrospective de la crise des Rohingyas

Plus d'un demi-million de personnes ont fui vers le Bangladesh depuis l'éruption de la violence au Myanmar à la fin du mois d'août. La tragédie en cours est retracée ici en quelques dates clés.

Après avoir traversé le fleuve Naf en radeau pour rejoindre le Bangladesh le 12 novembre, des réfugiés s'acheminent vers Noaya Para Ghat où ils passeront la nuit avant d'être transférés vers un camp de réfugiés dans les environs.
© HCR/Andrew McConnell

L'afflux de réfugiés rohingyas au Bangladesh a atteint des proportions consternantes, faisant la une des médias et provoquant un tollé international. Depuis l'éruption de violence dans l’État de Rakhine à la fin août, plus de 620 000 hommes, femmes et enfants ont fui le Myanmar, créant une crise de réfugiés qui évolue plus vite que tout autre.


Le 25 août – Les médias du Myanmar annoncent que 12 agents de sécurité ont été tués par des insurgés rohingyas. La répression conduite par l'armée dans l'État de Rakhine déclenche l’exode de la minorité musulmane apatride. Durant les quatre jours suivants, le nombre de réfugiés rejoignant le Bangladesh à pied ou en bateau se chiffre par milliers.

Le 29 août, le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, qui travaille au Bangladesh depuis des décennies, s'engage à apporter son soutien et demande à Dhaka de maintenir ses frontières ouvertes vu l'augmentation rapide du nombre de réfugiés. Les équipes du HCR qui interviennent déjà auprès de dizaines de milliers de réfugiés des camps de Cox’s Bazar se préparent à un nouvel afflux massif.

Le 5 septembre, près de 125 000 réfugiés ont déjà rejoint le Bangladesh, incitant le HCR à lancer un appel pour l’apport d'une « assistance vitale ». Trois jours après, le 8 septembre, il annonce que les deux camps existants sont saturés, avec 270 000 réfugiés. Des Bangladais et des réfugiés de longue date sont en première ligne de l'aide, apportant nourriture, vêtements et abris aux nouveaux arrivants, tandis que les campements de fortune se multiplient au bord des routes et sur les terrains disponibles.

À l'arrivée du premier pont aérien du HCR le 12 septembre, on dénombre environ 370 000 nouveaux arrivants. Après les persécutions et l'extrême pauvreté qu'ils ont endurées au Myanmar, nombreux étaient déjà sous-alimentés avant même d'entreprendre une marche d'une semaine à travers la jungle sous les pluies de mousson. Les personnes âgées et malades sont les plus vulnérables et certaines, comme Mabia Khatun, 75 ans, doivent être portées par les leurs.

  • Mabia Khatun, une réfugiée rohingya de 75 ans (dans la couverture), est transportée par deux de ses fils après avoir traversé la frontière entre le Myanmar et le Bangladesh près de Whaikhyang.
    Mabia Khatun, une réfugiée rohingya de 75 ans (dans la couverture), est transportée par deux de ses fils après avoir traversé la frontière entre le Myanmar et le Bangladesh près de Whaikhyang.  © HCR/Adam Dean
  • Des réfugiés rohingyas se jettent depuis le bateau qui les a amenés du Myanmar au Bangladesh à l'approche d'une plage à Dakhinpara, Bangladesh, le 14 septembre 2017.
    Des réfugiés rohingyas se jettent depuis le bateau qui les a amenés du Myanmar au Bangladesh à l'approche d'une plage à Dakhinpara, Bangladesh, le 14 septembre 2017.  © HCR
  • Une famille de réfugiés rohingyas du Myanmar traverse une rivière gonflée par les pluies de de mousson au camp de Kutupalong, Bangladesh.
    Une famille de réfugiés rohingyas du Myanmar traverse une rivière gonflée par les pluies de de mousson au camp de Kutupalong, Bangladesh.  © HCR/Paula Bronstein
  • Filippo Grandi, Haut Commissaire du HCR, en discussion avec des réfugiés rohingyas au camp de Kutupalong à Cox's Bazar, Bangladesh.
    Filippo Grandi, Haut Commissaire du HCR, en discussion avec des réfugiés rohingyas au camp de Kutupalong à Cox's Bazar, Bangladesh.  © HCR/Roger Arnold
  • Un volontaire du HCR recueille des informations auprès de Mohammad Busho, 80 ans, au site d'extension du camp de Kutupalong, Bangladesh. Les données permettent d'accélérer l'aide aux familles réfugiées dans le besoin.
    Un volontaire du HCR recueille des informations auprès de Mohammad Busho, 80 ans, au site d'extension du camp de Kutupalong, Bangladesh. Les données permettent d'accélérer l'aide aux familles réfugiées dans le besoin.  © HCR/Roger Arnold
  • Corvée d'eau pour un jeune Rohingya au camp de réfugiés de Kutupalong, Bangladesh, le 6 octobre 2017.
    Corvée d'eau pour un jeune Rohingya au camp de réfugiés de Kutupalong, Bangladesh, le 6 octobre 2017.  © HCR/Roger Arnold
  • Des milliers de nouveaux réfugiés rohingyas traversent la frontière près du village d'Anzuman Para, à Palong Khali, Bangladesh.
    Des milliers de nouveaux réfugiés rohingyas traversent la frontière près du village d'Anzuman Para, à Palong Khali, Bangladesh.  © HCR/Roger Arnold

Le 19 septembre, plus de 415 000 réfugiés ont déjà rejoint le sud du Bangladesh à pied. Beaucoup comme Rabeya Khattm, mère de six enfants, ont dû en chemin affronter les pluies de mousson et les inondations. Le même jour, le HCR déclare une urgence majeure au Bangladesh, ce qui lui permet d'intensifier ses interventions et de déployer plus de personnel et de ressources sur le terrain. Face aux craintes de flambées de maladies dans les campements informels tentaculaires, le HCR redouble d'effort pour vacciner, installer l’eau potable et mettre en place des installations sanitaires. Le 24 septembre, à l'occasion d'une visite de trois jours Bangladesh, le Haut Commissaire, Filippo Grandi, appelle à une « accélération soutenue » des opérations d'aide afin d'éviter une catastrophe.

Le 28 septembre – Au moins 14 réfugiés, dont neuf enfants, se noient dans le chavirage de leur bateau surchargé en Baie du Bengale tandis que le nombre de nouveaux arrivants au Bangladesh atteint le demi-million. À New York, le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, déclare devant le Conseil de sécurité que la crise des réfugiés rohingyas est un « cauchemar pour les droits de l'homme ».

Face à l'exode incessant, le HCR achemine des fournitures de secours vers les zones frontalières tandis que différents rapports annoncent que quelque 10 000 réfugiés rohingyas auraient passé la frontière vers le Bangladesh durant la seule journée du 9 octobre. Quelques jours plus tard, un recensement familial démarre dans les zones d'installation informelles pour recueillir des données sur la taille de la population, les besoins particuliers et la localisation des nouveaux arrivants. Le recensement permet d'identifier les personnes ayant particulièrement besoin de protection, tels que les mères seules avec des nourrissons, les personnes handicapées, les enfants non accompagnés et les personnes âgées.

Malgré les menaces les incitant à partir sous peine de se faire tuer, des milliers de Rohingyas choisissent de rester chez eux, dans l'État de Rakhine. À la mi-octobre, ils finissent toutefois par s'enfuir lorsque leurs villages sont incendiés. Le 17 octobre, environ 15 000 réfugiés bloqués près de la frontière entre le Myanmar et le Bangladesh attendent l'autorisation d'aller se mettre en sécurité.

  • Des vaccins anticholériques oraux sont administrés avec l'aide de bénévoles, des ONG locales et internationales et des organisations spécialisées des Nations Unies au camp de réfugiés de Balukali, le 12 octobre 2017.
    Des vaccins anticholériques oraux sont administrés avec l'aide de bénévoles, des ONG locales et internationales et des organisations spécialisées des Nations Unies au camp de réfugiés de Balukali, le 12 octobre 2017.  © HCR/Roger Arnold
  • Laila Begum, 30 ans, et ses enfants ouvrent un colis d'aide, contenant notamment une lampe solaire, un chargeur de téléphone, des couvertures, des bâches et une batterie de cuisine, au camp de réfugiés de Kutupalong, le 20 novembre.
    Laila Begum, 30 ans, et ses enfants ouvrent un colis d'aide, contenant notamment une lampe solaire, un chargeur de téléphone, des couvertures, des bâches et une batterie de cuisine, au camp de réfugiés de Kutupalong, le 20 novembre.  © HCR/Andrew McConnell
  • Scènes de la vie quotidienne et distribution de nourriture au camp de réfugiés d'Unchiprang.
    Scènes de la vie quotidienne et distribution de nourriture au camp de réfugiés d'Unchiprang.  © HCR/Roger Arnold
  • À la fin octobre, des plans sont établis pour réduire le surpeuplement en déplaçant 5000 réfugiés vers un nouveau site dans la zone d'extension de Kutupalong.
    À la fin octobre, des plans sont établis pour réduire le surpeuplement en déplaçant 5000 réfugiés vers un nouveau site dans la zone d'extension de Kutupalong.  © HCR/Roger Arnold
  • Des centaines de réfugiés rohingyas traversent le fleuve Naf sur des radeaux de fortune après avoir fui leurs foyers au Myanmar pour rejoindre Teknaf, au Bangladesh.
    Des centaines de réfugiés rohingyas traversent le fleuve Naf sur des radeaux de fortune après avoir fui leurs foyers au Myanmar pour rejoindre Teknaf, au Bangladesh.  © HCR / Andrew McConnell
  • L'un des quelque 1700 nouveaux réfugiés transférés par le HCR vers un site mis à disposition par le gouvernement au sud-est du Bangladesh.
    L'un des quelque 1700 nouveaux réfugiés transférés par le HCR vers un site mis à disposition par le gouvernement au sud-est du Bangladesh.  © HCR/Roger Arnold

Le 24 octobre, la communauté internationale des bailleurs de fond promet plus de 344 millions de dollars pour intensifier les livraisons d'assistance humanitaire essentielle aux réfugiés et aux communautés hôtes du Bangladesh, où l'on dénombre maintenant plus de 600 000 femmes, hommes et enfants en quête de sécurité.

Au début novembre, des milliers de Rohingyas étaient encore bloqués au Myanmar en attendant de pouvoir traverser le fleuve Naf pour passer au Bangladesh. Le 17 novembre, incapables de payer les prix demandés, des réfugiés traversent l'estuaire sur une flottille de radeaux improvisés de bambous et de bidons attachés avec de la corde, tandis que l'on dénombre 620 000 réfugiés à la même date.

Le 24 novembre, le HCR accueille avec satisfaction l'annonce de l'ouverture de négociations entre le Bangladesh et le Myanmar, tout en insistant sur le fait que le retour des réfugiés doit être « volontaire et se dérouler dans des conditions de sécurité et de dignité... conformes aux normes internationales ».

Durant la même semaine, 100 familles en moyenne, soit environ 430 personnes, sont entrés chaque jour au Bangladesh alors que cette crise tragique et sans précédent continue de sévir dans la région depuis des décennies.

Au cours des 100 derniers jours, le HCR a fourni aux réfugiés une aide d'urgence multiforme, dont 93 000 bâches pour s'abriter, 178 000 couvertures et 36 000 batteries de cuisine. Il a installé des points d'eau et des latrines pour plus de 100 000 personnes et apporté des soins médicaux et un soutien psychologique à près de 60 000 personnes. Le recensement des familles a jusqu'ici permis de recueillir des données sur 173 356 familles, ce qui permettra de mieux identifier les vulnérabilités et de répondre à leurs besoins immédiats.