Des réfugiés rwandais rentrent chez eux après une génération en Angola
Après avoir fui les horreurs du génocide de 1994, des réfugiés sont prêts en nombre croissant à rentrer au Rwanda, même si un grand nombre d'entre eux se demandent encore comment ils surmonteront les difficultés après des décennies à l'étranger.
LUANDA, Angola – L’époux de Musabyenamariya Fratenata est décédé il y a cinq ans. Celle-ci s’est donc retrouvée seule en Angola et devait trouver l’argent nécessaire pour élever leurs six enfants.
Originaire du Rwanda, elle a fui son pays durant la période de terreur au moment du génocide en 1994. Depuis lors, elle vit en Angola en tant que réfugiée rwandaise. Désormais, elle rentre finalement chez elle.
« Cela fait longtemps que j’ai quitté le Rwanda et j’ignore la situation là-bas, mais je suis très impatiente à l’idée d’y retourner et de revoir enfin ma famille, » a indiqué Madame Fratenata alors qu’elle faisait ses valises et se préparait à quitter l’Angola, son foyer pendant 18 ans et l’endroit où tous ses enfants sont nés.
« Mes frères et sœurs étaient très jeunes et je ne me rappelle pas très bien d’eux et eux non plus ne peuvent se rappeler de moi, je veux que nous apprenions à mieux nous connaître. »
Mme Fratenata et sa famille font partie des 340 Rwandais vivant en Angola et dont le statut légal comme réfugié devrait venir à échéance en septembre. Ce changement imminent encourage nombre d’entre eux à rentrer dans leur pays d’origine. Le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, est prêt à apporter son aide à tous ceux qui veulent retourner au Rwanda dans le cadre de son mandat global visant à trouver des « solutions durables » pour les réfugiés prolongés.
« Pendant des années, la communauté rwandaise en Angola était sceptique quant à l’idée de rentrer au Rwanda. »
« Pendant des années, la communauté rwandaise en Angola était sceptique quant à l’idée de rentrer au Rwanda, » a indiqué M. Manuel Abrigada, fonctionnaire adjoint en charge de la protection au HCR à Luanda, la capitale de l’Angola. Les raisons de cette hésitation incluent des préoccupations historiques relatives à l’insécurité et des inquiétudes plus récentes concernant la réintégration des réfugiés dans leur communauté après en avoir été éloignés aussi longtemps.
« Cependant, selon les récents témoignages des quelques familles qui ont décidé de retourner au Rwanda, les réfugiés commencent à changer d’avis, » a poursuivi M. Abrigada. « Rentrer dans leur pays d’origine est une perspective de plus en plus attrayante pour les réfugiés rwandais dont un nombre accru envisagent de rentrer chez eux. »
Environ 800 000 Rwandais – dont la plupart étaient des Tutsis et des Hutus modérés – ont été tués par leurs compatriotes Hutus durant une période de 100 jours en 1994. Cet événement tragique a été déclenché lorsque l’avion à bord duquel se trouvait Juvenal Habyarimana, alors Président du Rwanda, a été abattu le 6 avril 1994.
Mme Fratenata est maintenant âgée de 38 ans. Elle a affirmé qu’elle ignorait ce que l’avenir lui réservait au Rwanda quand elle a fui à 16 ans au moment où le terrible carnage ethnique a déchiré le pays.
Elle a communiqué par téléphone avec ses parents et ses proches au Rwanda lorsqu’elle pouvait se permettre de payer les frais internationaux, et elle souligne qu’ils sont impatients à la perspective de la voir de retour. Cependant, elle a insisté sur le fait que le HCR les aidera, elle et les membres de sa famille, à s’installer une fois qu’ils seront de retour dans une région rurale du Rwanda.
« Ma famille m’attend et ils vont nous aider », a-t-elle déclaré. « Je travaillerai dans l’agriculture avec mes proches et, au début, mes parents m’aideront pour payer les frais de scolarité pour mes enfants. »
Lambert, le fils aîné de Mme Fratenata, est âgé de 17 ans. Il a été forcé d’abandonner l’école lorsque son père est décédé car sa mère ne pouvait plus payer les frais de scolarité. Il a hâte de reprendre ses études une fois qu’il sera au Rwanda.
« Mes amis angolais vont beaucoup me manquer de même que l’église, mais j’espère pouvoir terminer mes études au Rwanda et m’inscrire à l’université pour étudier la comptabilité, » a-t-il affirmé.
« Je n’étais jamais allé à Kigali auparavant, mais nous avions vu des reportages à la télé et c’est complètement différent de ce que j’imaginais. »
Pour ce qui est de ses frères et sœurs plus jeunes, ils sont simplement impatients de se rendre là où se trouve leur patrie d’origine, même s’ils n’y sont jamais allés. Nizeyimana et Sebastiao, deux des frères de Lambert, ont éclaté de rire et ont dit simultanément, « nous sommes Rwandais. »
La famille de Mme Fratenata n’est pas la première à vouloir rentrer au Rwanda depuis l’Angola. De nombreux autres réfugiés ont déjà fait le voyage. Parmi eux, on compte deux frères, Uwizeyimana Donatien et Ndasyisabye Donath, qui se trouvent maintenant au Rwanda après avoir passé 22 ans loin de leur pays d’origine.
« Lorsque nous sommes revenus au Rwanda, tout était nouveau pour nous », a expliqué Uwizeyimana, maintenant âgé de 33 ans, qui travaille dans un café internet à Luanda. « Je n’étais jamais allé à Kigali auparavant, mais nous avions vu des reportages à la télé et c’est complètement différent de ce que j’imaginais. »
Son frère a ajouté qu’avant de quitter l’Angola, il avait entendu de nombreuses rumeurs selon lesquelles c’était dangereux de retourner au Rwanda.
« Les gens disaient qu’il n’y avait ni sécurité ni liberté au Rwanda », a-t-il souligné. « Ils nous disaient que si nous retournions, nous serions emprisonnés mais je peux voir que le Rwanda s’est transformé, toutes ces rumeurs n’étaient que des ragots. »
Eugene Sibomana a contribué à ce reportage à partir de Kigali au Rwanda