« J'ai toujours su que je deviendrais un travailleur humanitaire »
Le HCR compte près de 11 000 employés, dont 87 pour cent travaillent sur le terrain. Faites connaissance avec Adem Shaqiri, un employé du HCR sur le terrain, qui travaille au Yémen.
Adem Shaqiri (à droite) et son collègue Gavin White (à gauche) lors d'une campagne sur la solidarité avec les réfugiés, au camp de réfugiés de Zaatari, juin 2016.
© HCR/ Mohammad Hawari
Nom: Adem Shaqiri, 41 ans, originaire de l'ex-République yougoslave de Macédoine.
Titre du poste: Employé sur le terrain au Yémen, chargé d’assurer la protection et de fournir une assistance aux déplacés internes, dans six gouvernorats.
Nombre d’années au HCR: 10 ans. Adem a travaillé au Darfour occidental / Soudan, en Libye, au Liban, en Jordanie et au siège à Genève, en Suisse.
Pourquoi êtes-vous devenu un travailleur humanitaire?
Je suis originaire de l'ex-République yougoslave de Macédoine. Pendant le conflit au Kosovo, j'ai été témoin de ce que veut dire être déplacé ou réfugié. Il y avait des bus arrivant dans mon village les uns après les autres, tous les jours, et ce pendant des semaines. Ils acheminaient des femmes, des enfants et des personnes âgées qui n’avaient pu emporter que quelques sacs de vêtements réunis en hâte avant de fuir le Kosovo. Beaucoup d’habitants du village, mes amis et moi, nous avons distribué de la nourriture et de l'eau à l’arrivée des bus. L’idée de devenir un travailleur humanitaire m’est venue à ce moment-là, lorsque vous donnez quelque chose à une personne qui en a désespérément besoin. Vous voyez la satisfaction sur son visage. Depuis, j'ai toujours su que je deviendrais un travailleur humanitaire.
Le plus gratifiant / stimulant dans votre travail?
Il y a trois mois, je suis allé à Mokha. Nous venions en aide aux personnes déplacées qui vivent en plein air, sous les arbres et dans la chaleur. Vous pouviez voir les visages de ces personnes lorsqu'elles reçoivent de l'aide, même si c'est seulement un matelas et une bâche en plastique, car elles sont totalement démunies. Mais le défi est que l’aide n'est jamais suffisante. Le nombre de personnes dans le besoin est trop élevé. Il y a plus de deux millions de déplacés. Le plus difficile, c’est que vous ne pouvez pas tous les aider. Quand il y a deux familles dans le besoin, il faut choisir celle qui est la plus vulnérable.
Quelle a été votre meilleure journée de travail?
En 2012, j'étais à Tobrouk, en Libye. Des réfugiés syriens affluaient à la frontière et j'étais là pour gérer les problèmes d'accès. Des représentants des autorités m'ont informé qu'il y avait 16 enfants non accompagnés, tous âgés de 12 à 16 ans. Ils étaient complètement seuls. Lorsque vous voyez des enfants en difficulté, vous le rapportez toujours à vos propres enfants. J’y suis très sensible. Nous avons réussi à acheminer tous ces enfants à Tripoli en quelques jours, puis nous les avons réunis avec leurs familles. C'était l'un des jours les plus heureux que j'ai vécu au HCR. Quand ils ont revu leurs proches, le bonheur pouvait se lire sur leurs visages.
Quelle a été votre pire journée de travail?
Ma pire journée s’est déroulée dans l'un de mes précédents lieux d'affectation. Des policiers avaient arrêté un jeune déplacé de 15 ans qui avait volé un mouton pour nourrir sa famille. Ils l'avaient battu si fort pendant trois ou quatre jours qu'il avait une hémorragie interne. Quand j'en ai entendu parler, il était à l'hôpital local. Je suis immédiatement allé avec des représentants des autorités locales pour essayer de le faire transporter vers un autre hôpital, dans la capitale, afin qu'il puisse recevoir un traitement approprié. Mais un policier a menacé les médecins et leur a ordonné de ne pas le libérer, même si le HCR avait payé le transport. Durant deux jours, j'ai fait tout mon possible pour qu’il quitte cet hôpital et, finalement, l'enfant est décédé à cause des hémorragies internes. S'il avait quitté cet hôpital, il serait aujourd’hui encore en vie. Je me souviens de cet enfant. Quand je parle de lui, je pleure. Mais ce sont des situations comme celle-ci qui vous poussent et vous rendent plus déterminé à faire votre travail.
Le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, travaille dans 130 pays et vient en aide à des hommes, des femmes et des enfants déracinés par les guerres et les persécutions. Le siège est à Genève, mais la plupart de nos employés sont basés sur le terrain, pour aider les réfugiés. Ce profil est le premier d'une série sur des membres du personnel et leur travail.