Le HCR évoque le « désespoir croissant » des réfugiés somaliens « oubliés »
Selon Mohamed Abdi Affey, l'Envoyé spécial du HCR, près d'un million de Somaliens déplacés sont en proie à un désespoir croissant face à la lassitude des donateurs.
GENÈVE – Dans les camps de réfugiés de la corne de l’Afrique et des régions voisines, près d'un million de Somaliens déracinés commencent à perdre espoir face à une situation qui s’éternise et suscite l'épuisement des donateurs, prévient un haut représentant du HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés.
« Un sentiment croissant de désespoir peut s’observer dans les camps, car les gens se sentent oubliés », a déclaré Mohamed Abdi Affey, l’Envoyé spécial du HCR pour la situation des réfugiés somaliens.
Aujourd'hui dans sa troisième décennie, la crise des réfugiés somaliens est la plus ancienne de toutes, avec une troisième génération de réfugiés nés en exil. Près d'un million de Somaliens sont déracinés dans des pays de la région voisine et ils sont encore 1,1 million à être déplacés dans leur propre pays.
Mohamed Abdi Affey s'exprimait à Genève à son retour de Somalie et des visites dans les camps de réfugiés de Djibouti, du Kenya, d'Éthiopie et d'Ouganda où 905 060 réfugiés somaliens vivent un interminable exil qui dure pour certains depuis les années 1990. Le mois dernier, Mohamed Affey s'est rendu au Yémen où il a pu constater les conditions de plus en plus dramatiques auxquels les réfugiés sont confrontés dans ce pays ravagé par la guerre.
« Il y a un sentiment croissant de désespoir dans les camps, et la colère monte. »
L'Envoyé spécial a déclaré que d'autres situations d'urgence, notamment la Syrie et le Soudan du Sud, avait capté l’attention des donateurs.
« On sent une distanciation… parce que cette situation n'en finit plus. Le monde se détourne, laissant dans l'oubli une population en situation très critique », a-t-il déclaré.
« Pendant ce temps, la faim gagne du terrain, pendant ce temps la frustration ne cesse de croître, pendant ce temps le désespoir s'installe et les gens sont de plus en plus en colère. »
Mohamed Affey a rappelé que les réfugiés hébergés dans les camps connaissent depuis des décennies une situation problématique à bien des titres, de la réduction des rations alimentaires due à l'aggravation de la sécheresse en Afrique de l'Est, à la quasi-impossibilité d'avoir accès à l'éducation et à la formation, notamment pour les jeunes.
« Les réfugiés doivent acquérir un minimum de compétences, être formés et préparés à leur retour pour pouvoir un jour participer à la reconstruction de leur pays, pour ne pas rentrer chez eux après 30 ans sans avoir appris quoi que ce soit d'utile. Nous devons créer ces conditions et ces possibilités au sein même des camps.
Depuis 2014 où le HCR a commencé à organiser des retours volontaires de réfugiés somaliens depuis le Kenya, ils sont 39 316 à être rentrés dans leur pays.
Tout en reconnaissant que la sécurité et les conditions socio-économiques dans bien des zones de Somalie ne permettent pas d'envisager des rapatriements massifs, Mohamed Affey a lancé un appel à la communauté internationale afin qu'elle redouble d'efforts pour restaurer la stabilité dans ce pays dévasté par près de 25 ans de conflits armés.
« Des progrès notables ont été enregistrés en Somalie au cours des derniers mois, notamment les élections qui se sont bien passées. Ce qu'il faut maintenant, c'est construire des infrastructures dans tout le pays pour que les réfugiés ne pâtissent pas davantage à leur retour, » a indiqué Mohamed Affey, anciennement Ministre adjoint des Affaires étrangères du Kenya.
« Personne ne souhaite être réfugié à vie. »
Pour mobiliser le soutien international aux réfugiés somaliens, le HCR appuie un sommet régional qui se tiendra en mars 2017, sous l'égide de l'Autorité intergouvernementale pour le développement en Afrique de l'Est, dans le but d'identifier des solutions durables pour les réfugiés somaliens.
« Personne ne souhaite être réfugié à vie », a fait valoir Mohamed Affey. « L'amélioration durable de la situation somalienne exige une solution régionale. »
La réponse régionale implique entre autres d’assurer la protection continue des 262 000 réfugiés somaliens des camps de Dadaab, au nord-est du Kenya, qui accueillent depuis plus de 20 ans les populations qui fuient les violences en Somalie voisine.
Le Gouvernement kenyan ayant décidé en 2016 de fermer le camp de Dadaab, le HCR a présenté un plan d'action à la réunion de la Commission tripartite — composée du Kenya, de la Somalie et du HCR — et un accord a pu être trouvé avec le Gouvernement kenyan pour retarder la date de clôture des camps.
Le HCR a réitéré son engagement envers le Gouvernement kenyan pour continuer d'assurer la protection des réfugiés somaliens, tout en recherchant des solutions durables pour mettre fin aux déplacements prolongés, notamment en favorisant les rapatriements volontaires en Somalie.