Un réfugié syrien se marie en Tunisie
Ayant fui la guerre dans sa ville natale d'Alep, Chawket a surmonté l'adversité et les traditions pour reconstruire une vie heureuse dans son pays d'adoption
SFAX, Tunisie - Vêtu d'un costume sombre avec nœud papillon, la raie bien mise sur le côté, Chawket Cheikh Mohammed, réfugié syrien âgé de 30 ans, sourit chaleureusement aux invités qui applaudissent à la sortie de sa cérémonie de mariage à Sfax, la deuxième ville tunisienne.
La joie du jour est teintée d’une nuance de tristesse pour Chawket. Arrivé dans le pays en 2014 pour échapper aux combats d’une rare violence dans sa ville natale d'Alep, il n'a pas revu sa famille depuis le début du conflit syrien en 2011. Ses proches, maintenant installés en Turquie, n’ont pas pu obtenir de visas pour assister au mariage.
« Il est très difficile de se marier sans avoir sa famille à ses côtés », dit-il. « Pendant la cérémonie, c’était douloureux de ne pas voir mes proches parmi les invités. »
Malgré l'absence de ses parents et de ses frères et sœurs, Chawket était heureux de pouvoir épouser sa chère Asma, une étudiante en médecine de 22 ans, après avoir dû surmonter les traditions, les obstacles administratifs et l'opposition initiale de certains membres de la famille d’Asma.
Il a également bénéficié de la tolérance de la Tunisie à l'égard des réfugiés et des demandeurs d'asile – le pays a facilité l’accueil et l’installation de centaines de réfugiés syriens dans des villes et villages à travers tout le territoire.
« J'étais un étranger isolé »
Après leur entrée en relation sur Facebook, Asma a encouragé Chawket, qui avait du mal à trouver du travail à Tunis, à venir s’installer dans sa ville de Sfax. Ils se sont rencontrés, ont sympathisé, et le père d'Asma l'a aidé à trouver un emploi de menuisier, mettant à profit les compétences acquises auprès de son oncle, décorateur à Alep.
Leurs relations sont devenues plus proches, et Chawket s’est épris d’Asma. « Elle m'a aidé et soutenu dès le début, quand j'étais un étranger isolé dans ce pays. Avec elle, je me sentais unique, et non un étranger. » Mais, compte tenu de sa situation, il fut dans un premier temps réticent à exprimer ses sentiments, conscient que la plupart des jeunes de Sfax se marient au sein de leur propre communauté.
Quand il a finalement trouvé le courage de demander Asma en mariage, certains membres de la famille d’Asma se sont opposés à leur union. Face à la détermination du couple, et avec le soutien du grand-père d'Asma, la famille a finalement donné sa bénédiction.
Mais les problèmes de Chawket ne devaient pas s’arrêter là. En tant que réfugié syrien, il ne possédait pas les papiers nécessaires pour se marier en Tunisie. Enregistré comme réfugié auprès du HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, Chawket a bénéficié de l'aide humanitaire et de la protection juridique fournies par l'organisation.
« Le permis de séjour temporaire m’aidera dans mes démarches professionnelles »
Grâce à son partenaire, l’Agence adventiste du développement et de l'aide humanitaire, le HCR a également pu obtenir un permis de travail pour son activité de menuisier. Ce qui a finalement permis à Chawket de faire une demande de séjour temporaire dans le pays, et ainsi d'obtenir les documents nécessaires pour le mariage. Son nouveau statut juridique pourrait aussi l'aider à réaliser un autre vœu qui lui est cher.
« Le permis de séjour temporaire m’aidera dans mes démarches professionnelles, mais surtout il me permettra d'inviter ma famille que je n’ai pas vue depuis six ans. Cela nous donne une chance de nous retrouver », explique-t-il.
Alors que le couple commence sa nouvelle vie, Chawket a trouvé un poste d’apprenti pâtissier, et rêve d'ouvrir un jour une pâtisserie offrant un mélange de spécialités syriennes et tunisiennes, à l’image de son parcours.
« Ayant maintenant la chance d’être marié à une femme comme Asma, je crois qu'après m’avoir privé de quelque chose – ma famille et ma maison – Dieu m'a rendu quelque chose d'encore mieux. »