Un peu d’air frais pour les artisans réfugiés

Le stand des artisans réfugiés lors des journées de l’artisanat


Tazalite, Intikane, Tabareybarey, Mangaize et Niamey. Tous les groupements d’artisans réfugiés maliens sont représentés aux journées de l’Artisanat qui se tiennent en ce moment dans la capitale nigérienne. Tous sauf les groupements d’Abala, sans stock. Avoir du stock suppose d’assurer la régularité des achats de matières premières. Cela suppose aussi en amont que le niveau des ventes permette de réinjecter les fonds nécessaires pour maintenir le rythme de production et cela sans risque pour l’activité et les besoins du ménage. Malgré la permanence d’un système de cotisation au niveau des groupements, la prise de risque est aujourd’hui impossible. Les produits, de grande qualité, sont aujourd’hui souvent bradés.

Lorsqu’ils étaient au Mali, assurer la permanence d’un stock n’était pas un problème. Joaillerie, maroquinerie, sculpture sur bois, l’artisanat Touareg est particulièrement reconnu. On ne trouvera pas un salon de l’artisanat en Afrique de l’Ouest et du Nord sans un stand qui y est consacré. Leur réseau en Europe est aussi dense. « Lorsqu’il y avait une foire à l’étranger, nous nous organisions pour constituer ensemble suffisamment de stock. On se cotisait aussi pour envoyer les produits à l’étranger et même assurer le transport, parfois en avion, pour l’un d’entre nous » explique Agidid artisan du camp Mangaize. Il rajoute : « une fois j’étais en France dans une foire et mon voisin de stand, un Sénégalais qui n’avait pas ses papiers, me demandait pourquoi je n’en profitais pas pour rester. Je lui avais répondu que je n’avais pas besoin de ça car j’étais bien au Mali et que je gagnais bien ma vie ». Agidid sort alors un carnet avec des photos de ces anciennes œuvres dont des « trônes » achetés par certains chefs d’état africains parmi lesquels Mouammar Kadhafi.

A gauche, le siège acheté par Muhammad Kadhafi


Le conflit dans le Nord Mali a provoqué une rupture brutale de leurs activités et de leur réseau, si précieux pour les artisans. « Lorsque la guerre a éclaté, nous avons fui sans rien prendre, même pas un bout de papier. Nous avons perdu tous les numéros de la plupart de nos contacts en Afrique et en Europe ».

Au niveau de leur stand à Niamey, les réfugiés artisans ont reçu la visite et les encouragements du Ministre Nigérien de Tourisme et de l’Artisanat et de l’Ambassadrice des États-Unis au Niger. L’Ambassadrice a d’ailleurs promis d’y envoyer une délégation. Apres quelques journées, la recette n’est pas mirobolante. Le marché de l’artisanat au Niger est d’ailleurs moribond depuis que l’insécurité a anéanti l’industrie touristique. Mais pour les artisans réfugiés, l’essentiel est ailleurs : pouvoir exposer de nouveau leurs produits, se retrouver et échanger sur leur situation. Après le dernier jour d’exposition, rendez-vous est déjà pris avec l’UNHCR pour continuer à rechercher des solutions pratiques. Les représentants des artisans d’Abala vont venir à Niamey pour l’occasion.


Malian Refugee Women, Tabareybarey camp, Tillabery, Niger. ©UNHCR Victoria Vidal


Les artisans réfugiés maliens face aux problèmes de débouchés Malian refugee’s artisans facing market issues

Parmi les réfugiés maliens, il existe un savoir-faire artisanal à la fois riche et varié. Sculpture, tissage, maroquinerie, bijouterie, forge, autant de compétences qui trouvent leurs origines dans les familles, les clans, les ethnies. A Tin-nahama, Ansongo, Lapzanga, ou ailleurs, tel que le revendique le chef du groupe des sculpteurs dans le camp de Tabareybarey « on ne devient pas artisan, on nait artisan. Soutenir cette tradition et ce potentiel artisanal durant le séjour des réfugiés au Niger s’avérait incontournable tant pour la dignité des réfugiés que pour accompagner un processus d’autonomisation.

Au cours de leur première année de séjour au Niger, un appui avait été réalisé à travers la fourniture de matières premières et de matériel. Ce soutien avait permis de relancer la production. Il avait aussi enclenché un cycle de formation pour les plus jeunes et de perfectionnement pour les adultes.

Mais rapidement est apparu un obstacle qui n’a toujours pas été surmonté : celui de l’écoulement des produits. Ayorou, ville voisine du camp, abrite aussi une véritable tradition artisanale, qui peine aussi aujourd’hui suite à la disparition du tourisme dans la zone. Le groupe des sculpteurs réfugiés racontent la difficulté de vendre des objets d’art dans le pays le plus pauvre du monde. Ceux qui travaillent le cuir s’en sortent mieux mais pas suffisamment pour racheter des matières premières et réenclencher le cercle de la production. Les tisseuses sont dans la même situation. C’est le serpent qui se mord la queue.

En 2015 renforcer l’autonomisation des réfugiés étant la priorité de l’UNHCR, l’accompagnement des artisans va se focaliser entre autre sur cette problématique spécifique des débouchés.

There is a rich and diversified craftsmanship amongst Malian refugees. Sculpture, weaving, leather goods, jewelry, and blacksmithing are skills rooted in families, clans and tribes. In Tin-nahama, Ansongo, Lapzanga and elsewhere « you don’t become a craftsman, you are born a craftsman » says the chief of the sculptors’ group in Tabareybarey refugee camp. To support this tradition and artistic potential during their exile in Niger is essential both for the dignity of refugees and to promote an economic empowerment process.

During their first year in Niger, support was achieved through the provision of raw materials and supplies. This allowed the Malian refugees to launch their craft production and to start a formation cycle for youth and do refresher training for adults.

However, soon enough refugees encountered difficulties when trying to sell the goods they produced on the markets. Indeed, Ayourou which is the closest town to the camp and home to a real craft tradition is deserted by tourists. One of the sculptors explains how hard it is to sell art in the poorest country in the world. The refugees who are making leather goods don’t do better and don’t sell enough to buy raw materials and start again the cycle of production. The weavers are in the same situation. It is the story of the snake biting its tail.

In 2015, empowering refugees remains UNHCR’s priority and the support to refugees will focus, amongst other strategies, on this specific issue of selling artisanal production.