« Le plaidoyer pour préserver l’espace et les principes humanitaires demeure essentiel »

Jean De-Lestrange lors d’une visite au camp de réfugiés maliens d’Abala. ©UNHCR/ C.Arnaud

Après avoir passé 2 ans au Niger en tant qu’assistant technique pour ECHO (Service d'Aide Humanitaire de la Commission européenne) Jean De-Lestrange quitte le Niger. Acteur attentif et engagé dans la sphère humanitaire nigérienne, l’occasion était offerte d’engager une dernière discussion avec lui.

Question : Jean, après 2 années passées au Niger, quels sont vos sentiments en quittant ce pays ?

Jean : Le Niger est un pays fascinant et attachant. C’est le pays des superlatifs : le plus pauvre du monde, le taux de fécondité le plus élevé au monde, une prise en charge intégrée de la malnutrition aigüe inégalée avec plus de 400,000 enfants malnutris sauvés chaque année. C’est aussi un incroyable laboratoire d’idées et de pratiques ayant permis des avancées considérables dans l’élaboration de programmes de sécurité alimentaire et nutritionnelle. Depuis 2012, le Niger est également une terre d’asile, théâtre de 2 crises de déplacements, Nigéria et Mali, mais aussi d’enjeux migratoires de plus en plus grands. Je garderai une trace indélébile de cette expérience, tant sur le plan personnel que professionnel.


Vous avez suivi de près l’évolution de la situation dans la région de Diffa. ECHO soutient des nombreuses organisations travaillant dans la région. Quels sont selon vous les principaux défis à relever pour les humanitaires dans ce contexte de travail mouvant et complexe ?


L’accès reste un enjeu important. L’espace humanitaire s’est réduit drastiquement dans un contexte sécuritaire tendu, en particulier au niveau du Lac Tchad. Le plaidoyer pour préserver l’espace et les principes humanitaires demeure essentiel. Tant que cet accès ne sera pas garanti, les besoins urgents resteront non couverts - comme c’est le cas aujourd’hui sur l’axe Bosso-Yébi-Nguigmi. Il est aussi crucial d’assurer une présence humanitaire forte, avec un staff chevronné vis-à-vis des contextes de conflit, et mieux coordonnée en 2015 que ce fut le cas en 2014. Les besoins humanitaires urgents seront aigus tout au long de l’année, des vagues de nouveaux arrivés ne sont pas à exclure. En ce sens, le caractère volontaire des déplacements doit être rappelé. Les mécanismes de coordination doivent rester flexibles et réactifs. Un focus est également nécessaire sur la réponse en protection, sous-estimée en 2014. Cette protection comprend notamment un enregistrement sous une forme ou une autre.

S’agissant des besoins plus structurels l’engagement de l’Etat et des bailleurs de développement est indispensable. Premièrement, il faut soutenir l’investissement dans les services de base (eau, santé, éducation) et les filets sociaux pour les catégories très pauvres. Deuxièmement, sur le plan de la santé, il est crucial que l’Etat puisse satisfaire son engagement de recruter 59 infirmiers et 3 médecins positionnés dans les CRENAS/CRENI de Diffa cette année. Troisièmement, il faut travailler sur les plans locaux d’urbanisme et réformes foncières ce qui pour le moment fait par le HCR mais ce qui est loin d’être idéal. Enfin, il faut investir sur les projets d’éducation, d’activités génératrices de revenus et de coexistence pacifique en direction des jeunes. A travers son Instrument contribuant à la Stabilité et à la Paix, l’UE contribue à cet objectif via d’autres mécanismes de financement


La situation à l’ouest, au Mali, est toujours aussi volatile et la population réfugiée malienne sur le sol nigérien ne décroit pas à la différence des financements. Quels sont pour vous les principaux défis à relever pour la communauté humanitaire en général, et l’UNHCR en particulier ?


ECHO est massivement engagée dans les crises dites « protracted » (prolongée) dans le monde. Les 10 crises principales de déplacements prolongés sont soutenues pour un montant total de plus de 100M€. Si l’action humanitaire est essentielle, le positionnement sur ce type de crise n’en reste pas moins clair : les déplacements prolongés ne sont pas seulement un défi humanitaire mais aussi un défi développement, politique et économique. L’idée est bel et bien de s’inscrire dans une perspective LRRD (Linking Relief, Rehabilitation and Development), non pas sous forme de continium mais de contigium entre l’aide d’urgence et l’aide de développement. La nuance est importante.
Cette logique prévaut au Sahel et plus particulièrement au Niger, ou la question est de trouver les meilleures modalités possibles d’interventions dans les camps et Zones d’Accueil des Réfugiés. Par meilleures modalités l’on entend par exemple une meilleure analyse des vulnérabilités dans les camps afin de calibrer la réponse en direction des plus vulnérables ; une meilleure maîtrise des couts des interventions avec une recherche systématique de cout/efficacité ; une assistance conditionnelle par défaut avec participation des bras valides dans les activités de Care et Maintenance des services de base des camps, soit dans des activités de bien commun et de résilience. Au regard des évènements post 15 Mai, il ne faut pas sous-estimer le risque de nouveaux afflux de réfugiés maliens au Niger cette année. Le HCR et les partenaires devront également se préparer à cela.


ECHO est un bailleur de fonds important au Niger. La communauté des bailleurs de fonds au Niger est hétérogène et composée d’acteurs aux orientations et agendas qui peuvent bien entendu différer. Quelle est votre appréciation du travail de cette « communauté bailleurs » en tant que collectif?


Une bonne coordination entre bailleurs de fonds est toute aussi importante qu’une bonne coordination exigée vis-à-vis des partenaires de mise en œuvre, afin d’éviter toute cacophonie ou défense de chapelles aux effets pervers tel que les gaps ou doublons dans l’assistance. ECHO a joué un rôle actif au Niger dans ce sens, mais il reste du chemin à parcourir. Par exemple en incluant les bailleurs dit « non traditionnels » tel que Japon, Chine, Turquie, Qatar, qui pourraient prendre une place croissante dans le paysage humanitaire au Niger; mais aussi en multipliant les visites conjointes sur le terrain et en travaillant sur des messages conjoints de plaidoyer à l’endroit des autorités.

Aperçu des actions de l'UNHCR au Niger et perspectives


Entretien accordé à la télévision locale LABAARI par le chargé de relations extérieures de l'UNHCR Niger. Mr. Benoit Moreno a évoqué les actions menées par l'UNHCR aussi bien en faveur des populations réfugiées que des autochtones. Les perspectives d'autonimisation des réfugiés et l'intégration aux systèmes nationaux sociaux de base ainsi que les défis sécuritaires ont été également passés en revue.